« J'entends des fous parler de résistance, / De lutte à mort, de patrie et d'honneur ! / Mon ventre seul exige une vengeance : / Sous le nombril j'ai descendu mon cœur. / Libre aux manants de rester patriotes, / Et de mourir sous les feux ennemis ; / Moi, j'aime mieux la sauce aux échalotes... / Pour un beefsteak, messieurs, rendons Paris ». Émile Dereux, Paris pour un beefsteak
Il y a cent cinquante ans, le peuple de Paris se levait pour défendre son artillerie. Achetés par les Parisiens eux-mêmes via une souscription populaire, les canons de Montmartre n'avaient pas encore eu l'opportunité de faire feu sur l'envahisseur germanique. La capitale demeurait exsangue, affamée par quatre mois de siège, courroucée par un gouvernement de la Défense nationale devenu « gouvernement de la défaite nationale » (Vallès). Le 26 février à Versailles, la paix avait été signée. Aidé par l'impréparation des troupes françaises et par la trahison du général Bazaine, Bismarck extorquait l'Alsace-Moselle à la France. Un mois plus tôt, le 22 janvier, Paris se soulevait déjà pour empêcher le gouvernement des Jules (Favre, Simon et Ferry) de capituler. On avait fait tirer sur la foule. Cinq morts, des dizaines de blessés.
Paris ne devait pas bouger. Et pourtant Paris s'est levé. Paris s'est levé une dernière fois pour un baroud d'honneur. Proclamée dix jours après les événements du 18 mars, la Commune fut la dernière révolution française – nous n'affublerons pas de ce substantif la ridicule pantomime du printemps 68 – et elle ne fut pareille à aucune autre. Complexe, tumultueuse, hétéroclite, tantôt galvanisée par la lutte et tantôt minée par les dissensions internes, elle constitue l'un de ces épisodes à la fois clivants et mal connus de l'histoire de France. À droite comme à gauche, on aime gloser sur la Commune. Ces jours derniers, on glosait encore. La question des commémorations a fracturé le conseil municipal parisien. Chaque côté de l'hémicycle raisonnait par lieux communs. Et pour cause : une certaine gauche méconnait la Commune car elle se borne à la fantasmer ; une certaine droite méconnait la Commune car elle n'a pas besoin de connaître ce qu'elle hait par principe. Nous reviendrons prochainement sur ces lieux communs qui parasitent l'analyse de l'élan communaliste. [...]
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