Sur Twitter et à la suite du Conseil des ministres du jour, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé avoir dissous le mouvement Génération identitaire. Le décret, long de trois pages, motive la décision par le fond et la forme, à savoir l’idéologie du mouvement et sa forme « paramilitaire. »
Ainsi, le ministère considère que Génération identitaire « promeut […] une idéologie incitant à la haine, à la violence ou à la discrimination des individus à raison de leur origine, de leur race ou de la religion », mentionnant pour exemple l’occupation du chantier de la mosquée de Poitiers (et sa revendication de Charles Martel) et le fait de présenter « l’immigration et l’islam comme des menaces que les Français doivent combattre ». Cette idéologie serait « à l’origine d’agissements ou de tentatives d’agissements violents à l’encontre d’étrangers, plus spécifiquement musulmans », motivation particulièrement surprenante puisque Génération identitaire, qui fait dans l’agit-prop pour communiquer publiquement, n’a jamais recours à la violence lors de ses actions. De fait, le décret ne mentionne aucun exemple concret d’actions du mouvement au cours desquelles il y aurait eu des violences. Il mentionne le cas Brenton Tarrant, auteur des attentats à Christchurch, qui avait fait des dons au mouvement, et celui d’un autre individu arrêté, qui préparait un attentat et possédé un t-shirt du mouvement. Ces deux individus n’ayant agi ni au nom de ni sur les recommandations de Génération identitaire, l’argumentaire est plus que bancal, sauf à être jugé responsable des actes de ses donateurs.
Outre les motivations, la forme du mouvement est attaquée en tant qu’elle véhiculerait « une symbolique et une rhétorique martiales, l’identifiant implicitement ou explicitement à une formation paramilitaire ». Le décret mentionne les vêtements vendus sur leur site, les symboles spartiates, les affiches présentes dans le siège lyonnais (une Jeanne d’Arc avec kalachnikov et des paysannes armées) et un camp d’été organisé en août 2020 avec exercices d’attaque-parade, boxe, chants militaires et cérémonies d’entrées en clan. La dernière opération dans les Pyrénées serait ainsi le symbole d’une « volonté d’agir en tant que milice privée » avec « uniforme » (des manteaux bleus) et voitures.
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Après que l’idée eut été évoquée dès la mi-janvier, la procédure de dissolution avait été officiellement lancée le 13 février. Christophe Castaner avait tenté par deux fois de dissoudre le mouvement, en vain. Dans l’émission Zemmour et Naulleau du mercredi 24 février sur Paris Première, Darmanin avait rétorqué à Éric Zemmour, qui lui reprochait cette procédure de dissolution : « Quand vous verrez ce que nous reprochons à Génération identitaire, je pense qu’ils seront moins nombreux à vouloir les protéger. Sauf à considérer qu’on a le droit de porter des valeurs absolument antinomiques avec les valeurs non seulement républicaines mais françaises. » Force est de constater que ces éléments significatifs sont absents.
Sans surprise, l’Observatoire national de l’extrême droite se félicite de cette décision : « Aujourd’hui, nous ne pouvons que nous réjouir de la décision du ministère de l’Intérieur qui a acté cette dissolution de Génération identitaire. […] Nous percevons ce succès comme une première victoire mais non pas comme une finalité. L’histoire a démontré que les groupuscules identitaires n’ont eu de cesse en France de se réinventer. […] Entre haine et rejet de l’autre, la dissolution de Génération identitaire ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. […] Engagé dans la lutte contre l’extrême droite et ses idées nauséabondes, notre observatoire continuera son travail de décryptage et d’analyse au service de toutes celles et ceux qui refusent de voir l’extrême droite être banalisée et légitimée. »