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Coup de tonnerre, on a appris lundi 5 mai que la cour constitutionnelle allemande avait lancé un ultimatum à la BCE, lui laissant trois mois afin de montrer en quoi les opérations de Quantitative easing menées par la Banque Centrale Européenne (BCE) depuis 2015 étaient bien conformes au mandat de la BCE, qui consiste à assurer la stabilité des prix dans la zone euro.
Le Quantitative easing (QE) ou assouplissement quantitatif, désigne une pratique consistant à racheter massivement les titres de dettes d’Etats sur le marché secondaire par l’intermédiaire des banques afin de soutenir les États et éviter la spirale déflationniste par la relance du crédit et de la consommation. En monétisant la dette publique, le QE accroît ainsi la quantité de monnaie en circulation, ce qui est censé relancer l’économie mais risque à terme de ruiner les épargnants en maintenant des taux très bas voire négatifs.
Menace de boycott
C’est pour cette raison que 35 000 citoyens allemands ont saisi la cour constitutionnelle allemande afin de savoir si ces pratiques sont conformes à l’esprit et à la lettre des traités européens. Le tribunal de Karlsruhe a reconnu qu’« il n’y a pas eu de violation de l’interdiction du financement direct des gouvernements par la BCE » dans la mesure où ce rachat de dette publique est effectuée indirectement sur le marché secondaire auprès des établissements de crédit, leur donnant ainsi des liquidités supplémentaires. En revanche, elle estime que Mario Draghi a abusé du procédé sans respecter la proportionnalité de son usage aux objectifs qu’il est censé poursuivre, à savoir la stabilité des prix.
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La menace est claire : si la BCE n’est pas en mesure de se justifier convenablement, l’Allemagne pourrait ne plus participer aux opérations de QE, ce qui, dans la période actuelle et au vu des mesures de soutien à l’économie annoncées par Christine Lagarde, pourrait sérieusement menacer la reprise économique et déstabiliser la zone euro. De plus, ce boycott allemand remettrait en cause la légalité des opérations de rachat de dettes publiques menées au profit des autres pays.
Ce boycott allemand remettrait en cause la légalité des opérations de rachat de dettes publiques menées au profit des autres pays.
En effet, les opérations de QE doivent intervenir au prorata de la participation de chaque État au capital de la BCE sans être sélectives. Si demain, on rachète beaucoup plus de dette italienne ou espagnole et aucun titre de dette allemande alors que l’Allemagne pèse plus de 20% au capital de la BCE, les opérations de QE manqueront de base légale.
Germanexit ?
Les Allemands défendent leurs intérêts et nul ne saurait le leur reprocher. Mais ce qui est hypocrite est de faire passer cette défense des intérêts de l’épargnant allemand pour une règle de vertu budgétaire. Car ce qui est bon outre-Rhin ne l’est pas obligatoirement pour nous ni pour l’Italie et l’Espagne qui ont besoin d’un soutien franc et massif à leur économie. La vérité oblige à reconnaître que nos intérêts divergent fondamentalement et que le couple franco-allemand est un leurre qui n’existe que dans la bouche des communicants.
Ce qui est hypocrite est de faire passer cette défense des intérêts de l’épargnant allemand pour une règle de vertu budgétaire applicable à tous les pays européens.
Finalement, les Allemands n’aiment l’Europe que lorsqu’elle se range sous la botte allemande. Ils ont voulu que l’euro soit calqué sur le mark et l’ont obtenu pour le plus grand bonheur de leur économie. Mais, leur hégémonie commerciale a accru les disparités nationales, poussant les pays pauvres à devenir de plus en plus pauvres au bénéfice de l’industrie allemande qui a trouvé là de nouveaux marchés.
Les Allemands n’aiment l’Europe que lorsqu’elle se range sous la botte allemande.
Important souvent hors zone euro et exportant massivement en zone euro en tirant les coûts de production à la baisse, grâce aux bas salaires versés aux travailleurs venant des pays de l’Est, l’Allemagne a déjà beaucoup profité de la zone euro. Ses excédents commerciaux ne sont que la face positive des déficits des pays du sud. Si donc demain, elle refusait d’aller plus loin dans la politique de création monétaire, cela signifierait à terme la fin de toute solidarité européenne et donc l’éclatement possible de la zone euro.
Important souvent hors zone euro et exportant massivement en zone euro en tirant les coûts de production à la baisse, l’Allemagne a déjà beaucoup profité de la zone euro.
Comme nous l’annoncions le mois dernier, c’est peut-être de l’Allemagne que pourrait paradoxalement venir la remise en cause la plus sérieuse de l’Union européenne. Car le contribuable allemand n’accepte plus de payer pour le reste de l’Europe sans voir que son pays a lui-même provoqué cet état de mutuelle dépendance. Et sous des dehors consensuels, l’Allemagne ne recherche finalement que son intérêt.
Retour du souverainisme allemand
On ne croyait pas pouvoir assister un jour au retour du souverainisme allemand. La construction européenne avait en effet été la planche de salut de nos voisins d’outre-Rhin en leur permettant de renaître politiquement dans un cadre autre que national, la nation étant un concept moralement discrédité depuis 1945.
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Mais comment faut-il interpréter l’injonction de la cour institutionnelle de Karlsruhe si ce n’est comme une remise en cause de la primauté du droit communautaire ? Car les mêmes mesures de QE contestées aujourd’hui par la cour constitutionnelle ont été hier validées par la CJUE (Cour de Justice de l’Union européenne) qui les a considérées conformes au mandat de la BCE. De plus, juridiquement la BCE ne doit aucun compte à la cour de Karlsruhe.
Prononcer le divorce franco-allemand
Faut-il reprocher aux Allemands de faire primer l’intérêt national sur le droit communautaire ? On ne va tout de même pas défendre les prétentions de la commission européenne et celles de la CJUE ! Mais alors, que les Allemands laissent chaque pays libre d’appliquer comme il l’entend la politique conforme à ses propres intérêts, sans le contraindre sur le plan budgétaire comme ils l’ont fait en 2015 avec la Grèce !
Il est urgent de faire éclater la zone euro en deux zones distinctes, l’une sous l’égide de l’Allemagne pour les pays d’Europe du Nord, l’autre sous l’égide de la France avec les pays méditerranéens, selon la vieille idée de l’union latine naguère défendue par Napoléon III face à Bismarck.
Il y a 75 ans jour pour jour, les alliés signaient la première capitulation du Reich à Reims. Si l’on ne veut pas qu’un jour une guerre économique entre alliés européens débouche sur des tensions plus grandes, il est urgent de faire éclater la zone euro en deux zones distinctes, l’une sous l’égide de l’Allemagne pour les pays d’Europe du Nord, l’autre sous l’égide de la France avec les pays méditerranéens, selon la vieille idée de l’union latine naguère défendue par Napoléon III face à Bismarck. Il y a encore quelques mois, une telle théorie aurait été impensable. Mais aujourd’hui, même un député français socialiste s’interroge dans les colonnes du Figaro sur l’éclatement possible de la zone euro afin de laisser chaque pays reprendre la marge de manœuvre dont il a besoin pour se grouper autour de ceux qui partagent les mêmes intérêts que lui.
Le couple franco-allemand doit divorcer pacifiquement avant qu’il ne soit trop tard. Et chacun pourra être souverain dans sa sphère d’influence.
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