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Éditorial culture de Romaric Sangars : Fin de règne

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Publié le

5 juin 2025

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« L’art véritable manifeste un démenti magistral de toutes les jolies valeurs progressistes : il est inégalitaire, électif, transcendant, monstrueux même dans son harmonie supérieure. » Éditorial culture du numéro 87.
© Erwan Hesry – Unsplash

Le mois dernier, le rédacteur en chef du Monde, Michel Guerrin, s’interrogeait dans une tribune sur la digue culturelle qui était en train de sauter : « Quand les peuples se droitisent, l’argent public peut-il encore être monopolisé par des artistes et des œuvres de gauche ? », demandait-il pour débuter un texte fleurant l’amertume des fins de règne. De là, un début de remise en cause sur les thèmes de la culture subventionnée obsédée par les minorités et ignorant, voire méprisant, le gros de la population (mais c’est que l’artiste s’intéresserait davantage à ceux qui souffrent) ; ou sur le système Lang qui aura réussi habilement à intégrer à son modèle de financement de la culture progressiste tous les maires de droite ; voire sur le sectarisme d’un milieu rejetant le film Bac Nord (2020) de Jimenez, au prétexte qu’il n’était pas anti-flic et donc suspect. Quant à moi, qui suis suspect et catholique, j’aime les Mea Culpa. Mais c’est encore un peu timide, cher Michel. Alors, par charité, laisse-moi t’aider un peu, on va y aller plus franchement. Agenouille-toi, serre ton chapelet et approche ton oreille de la grille.

Si je me réjouis de la fin de la plus longue prise d’otages du XXIe siècle, je n’en suis pas encore aux alléluias.

D’abord, mon fils, si les artistes sont si fréquemment de gauche, avoue que c’est par conformisme, opportunisme et médiocrité plutôt que par réflexion philosophique approfondie ; et c’est moins parce que l’artiste serait spontanément de gauche que parce que l’individu de gauche se veut spontanément artiste en raison d’un malentendu. En effet, leurré par une mythologie romantique périmée, il s’imagine que le poète à la mode correspond au prophète de la Révélation progressiste, et ce fut le cas avec l’immense Maïakovski, mais depuis, Maïakovski a été suicidé par la Révolution et il est facile de s’apercevoir que tout cela relevait d’une arnaque. Une arnaque parce que cela n’existe pas, de nouveaux prophètes séculiers qui seraient subventionnés par un ministère officiel, mais qu’on ne trouve que des fonctionnaires de l’idéologie dominante, soit des petits Goebbels au rabais déguisés en Zola. Un malentendu, parce que l’art véritable manifeste un démenti magistral de toutes les jolies valeurs progressistes : il est inégalitaire, électif, transcendant, monstrueux même dans son harmonie supérieure, agressif, initiatique, ignorant des quotas comme des prudences sociales. Et s’il ne manifeste pas ces caractères, ce n’est que du chromo, de la déco, de la camelote spirituelle. En somme, le stock majoritaire étiqueté « exception culturelle » aujourd’hui.

Par conséquent, il y a très peu d’artistes de gauche, en revanche, il y a énormément de gens de gauche qui viennent subventionner leur mode de vie en s’illusionnant sur la nature de l’art et qui, non seulement emmerdent tous ceux qui ne sont ni snobs ni incultes, mais en plus spolient les vrais inspirés. Ensuite, mon fils, ne confonds pas ce goût des minorités que l’artiste progressiste affiche avec une quelconque empathie pour la souffrance humaine. Sois juste, cesse de tout farder et avoue enfin qu’il n’y a là que paresse et vanité. Paresse, parce que c’est en raison de clichés éculés qu’on confond Ali avec Gavroche, pour ne pas avoir à réfléchir sur la singularité d’Ali et de notre époque ; par vanité qu’on joue la comédie antifasciste afin de s’admirer Jean Moulin dans le miroir tout en restant du bon côté du manche subventionnaire ; par paternalisme eurocentré qu’on réduit en victime passive, parce qu’africain, même le conquérant tenant un quartier sous son joug ou le rappeur appelant au pogrom.

Lire aussi : Éditorial culture de Romaric Sangars : SOS salauds

Allez, encore un effort, mon fils, et tu admettras que ce monopole culturel de la gauche consolidé par les stratégies retorses de Jack Lang et dont tu crains l’effritement n’est qu’un grand hold-up propagandiste réalisé au détriment de la culture par des petites frappes de l’esprit qui y voient moins clair, quant à l’état du monde, que le premier flic de province, mais qui adorent ajouter à l’effet d’une robe de haute-couture l’éclat d’une démagogie de bas niveau.

Vas-y, mon petit Michel, crache le morceau, dis-moi dix Pater et n’en parlons plus. Mais avant que tu ne t’en retournes, laisse-moi t’avouer quelque chose à mon tour. Si je me réjouis de la fin de la plus longue prise d’otages du XXIe siècle, je n’en suis pas encore aux alléluias. C’est que je ne vois pas de nouveaux Nicolas Fouquet faire la queue à l’aéroport. Le problème avec la plupart des politiques de droite qui seraient, aujourd’hui, en mesure de profiter des circonstances, c’est qu’ils croient à la contrefaçon que la gauche leur a présentée comme de l’art, s’en sont détourné, et préfèrent en général penser comme des boutiquiers afin de pouvoir enfler comme des porcs. Alors, tu vois, moi aussi, il me reste à beaucoup prier.


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