Que de résurrections en cette soirée du mardi 26 mars. C’est en ce jour de semaine sainte que le Rassemblement national et Franck Allisio ont choisi de lancer leurs états généraux de l’immigration, 34 ans après ceux de 1990 à Villepinte, organisés à l’époque par le RPR, parti fondé par Jacques Chirac.
Et c’est à la maison de la chimie, à deux pas de l’Assemblée nationale que le RPR, ressuscité aussi par Franck Allisio, organise son grand raout. Tout y est. Même le logo de l’ancien parti de droite, racheté en 2022 par le parti de Jordan Bardella. Cette récupération ne plaît pas à tout le monde. Surtout aux élus LR, tel Julien Aubert qui grince des dents sur X, anciennement Twitter : « C’est vraiment pathologiquement étrange de vouloir singer le RPR et Chirac alors que le FN tirait à boulets rouges sur ces derniers. C’est comme si Les Républicains se réclamaient de Mitterrand ! »
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La soirée débute par un discours introductif à l’accent chantant du président du RPR, Franck Allisio. Il entend répondre à la question que les journalistes et observateurs politiques se posent tous dans les rédactions parisiennes : pourquoi ressusciter le RPR, plus de 20 ans après ? Et à cela, le député RN répond : « Nous sommes à un moment charnière pour notre pays […] où ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous oppose. » Et, pour renforcer les accointances avec la droite, il se met à lire un extrait de l’appel de Cochin. Un discours prononcé par Jacques Chirac depuis sa chambre d’hôpital devenu une référence pour la droite : « Nous voulons que se fasse l’Europe. Mais une Europe européenne où la France conduise son destin de grande nation. Nous disons non à une France vassale dans un empire de marchands, non à une France qui démissionne aujourd’hui pour s’effacer demain… »
Et, pour renforcer les accointances avec la droite, il se met à lire un extrait de l’appel de Cochin. Un discours prononcé par Jacques Chirac depuis sa chambre d’hôpital devenu une référence pour la droite.
S’ensuit, une première table ronde animée par le député du Gard Pierre Meurin dont le titre est sans surprise : « Submersion migratoire : quelle réalité des faits et des chiffres ? » Le député européen Thierry Mariani revient sur son appartenance au RPR de Jacques Chirac : « J’ai décidé de quitter ce parti quand il n’y avait plus d’espoir. Le RPR avait deux faces : celle de l’appel de Cochin, des discours de Séguin à l’Assemblée nationale et celle du vote de Maastricht. » Le magistrat Charles Prats profite du micro pour donner quelques conseils aux députés présents : « Arrêtez de parler de cartes vitales. C’est le meilleur moyen de vous faire défoncer par les journalistes sur les plateaux. Ce qui compte, c’est l’ouverture de droits sociaux » puisqu’« un demi-million d’étrangers reçoit une immatriculation sociale chaque année ». Quant à l’avocat et ancien député MPF Alexandre Varaut, il rappelle le lien irréfutable entre insécurité et immigration : « Un immigré n’est pas, par nature, un délinquant mais l’immigration, structurellement, va engendrer de la délinquance. »
Lors de la seconde table ronde, les intervenants tentent d’esquisser des réponses aux constats posés quelques minutes plus tôt. Fabrice Leggeri, ancien patron de Frontex et numéro trois de la liste RN aux européennes, se lance : « Pour régler le problème migratoire, il faut réintégrer la notion de frontière qui a été gommée. » Un autre intervenant s’étonne que la gestion migratoire incombe à Gérald Darmanin et à son ministère de l’Intérieur, et propose de créer un ministère de l’Immigration. Lors de la dernière présidentielle, Éric Zemmour était allé jusqu’à proposer la création d’un ministère de la Remigration. Puis, la nouvelle prise RN, l’essayiste Malika Sorel qui est numéro deux pour les européennes, évoque l’assimilation : « L’assimilation ne peut pas être imposée, elle ne doit pas être entravée. Cependant si la personne ne s’assimile pas, on ne doit pas lui donner la carte d’identité française. » Cette dernière sera prise dans un tohu-bohu en fin de colloque pour s’expliquer sur les pourparlers qu’elle a engagés avec Emmanuel Macron lors du dernier remaniement. En effet, quelques heures plus tôt, Le Canard enchaîné révélait l’envoi de SMS entre l’intellectuelle de droite et le président de la République : elle lui aurait réclamé un ministère. Ce qu’elle dit « assumer ».
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Après deux heures de discussion, il est temps de conclure. C’est évidemment à Jordan Bardella que revient la mission de clore la soirée sous une pluie d’applaudissements. Il souligne la gravité de la question migratoire : « La question de l’immigration est un défi auquel notre pays, notre civilisation et l’Europe sont confrontés. Un défi qui pose la question essentielle pour un peuple : qui sommes-nous ? Et qui nous voulons être demain ? » Au fond, si ce colloque n’a pas fait émerger de nouvelles idées sur la question, elle aura eu le mérite d’éclaircir, s’il le fallait, la stratégie du Rassemblement national : mettre le thème migratoire au centre des prochaines élections, et ainsi chasser sur les terres des Républicains et de Reconquête.