Ce ne sont pas la langue et le palais qui permettent d’apprécier les arômes d’un vin, mais la mémoire. Cette bibliothèque des parfums, des senteurs, des odeurs accumulées au fil des ans, des souvenirs, des voyages, des déambulations. Impossible de reconnaître le jasmin dans un rosé de Provence si l’on n’a pas auparavant humé les fleurs de jasmin et conservé la mémoire de cette odeur mielleuse et entêtante. L’été est la plus belle saison pour les parfums, débutée à la fin du printemps, achevée au début de l’automne. Saison des fleurs, des arbres urbains qui ouvrent leurs couleurs et leurs arômes : tilleuls, platanes, saules, qui sur quelques semaines permettent de passer du miel au fruit, du fugace à l’envoûtant.
Saison des marchés de plein air, avec leurs étals de fruits, de légumes, de fromages, de poissons. Ici aussi, marché aux arômes, aux couleurs, aux parfums qui se donnent aux passants. Saison des balades. En bord de mer pour l’iode, le salé, le grand air, que l’on retrouve dans quelques blancs, des xérès vieillis en solera, des banyuls à la robe noire éclatante. Balade à la campagne, tantôt le vert craquant de l’herbe avant les grandes sécheresses de l’été, tantôt la paille et le foin coupé. Balade dans les forêts, pour ce mélange de terre et d’humidité conservée, balade dans les maquis, pour une plongée dans les genévriers, le thym, le romarin, les ronces et les plantes cachées qui ne font remarquer leur présence que par leurs senteurs. Dans son Dictionnaire amoureux de la Corse, Patrice Franceschi raconte l’histoire de sa grand-mère qui, allant du continent à l’Île-Rousse en bateau, se plaçait à la proue du navire pour être la première à sentir les effluves de son pays avant d’accoster. [...]
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