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« Comment leur faire confiance / Ils ont tué le Christ »
Booba
On a tout entendu sur la mort de Dieu : notre supposée solitude à affronter pouvant faire de nous des surhommes – les extrémistes qui viendront remplacer le vide spirituel que nous avons laissé, la place prise par les sectes new-age ou des biologistes fous.
Nous passons notre temps à nous créer des religions dont le dieu est faillible.
Dieu est mort, et la seule chose que vous avez adoré dernièrement est une connasse pleine d’ego, quelqu’un qui attendait autant votre coup de fil que la fin du monde.
On nous a fait croire qu’il n’y avait ni Dieu, ni monde – mais seulement vous et moi qui devons devenir et souffrir.
Dieu est mort, l’adoration avec.
« Là où il y avait Dieu, il y a maintenant la mélancolie », disait Gershom Scholem.
Mais Werther est encore jeune et il faut bien remplir ses journées – on aimera un geste et pensera trouver le sens du monde dans une fente bien coupée.
Nous avons été des amoureux au rabais.
On passera sa vie à essayer de chercher. Elle, lui, quelque chose.
On ne sait quoi, pensant même à la drogue.
Le rêve à portée des simples. Du substitut de mystique pour toutes les bourses.
Dieu est lointain comme nos idéaux.
Nous trouverons la grâce dans une boutique Chanel, ou dans les rayons froids d’un Picard.
« Dans Dior, il y a Dieu et or », disait Cocteau.
On préfère la Rolex à l’encens.
À l’heure où l’on entend des reprises funk de Barbie Girl dans les cabinets d’ostéopathie, où Gucci est aussi chic que Primark, où la peinture ressemble à un jardin zen, où toute la littérature se résume à un tatouage de sotte « carpe diem » ; nous cherchons nos saints.
Saint Augustin disait dans ses Commentaires sur les psaumes :
« Dieu est infini de manière à ce qu’une fois qu’on l’a trouvé, on continue à le chercher ».
Mais où le chercher ?
En s’émancipant de Dieu, nous ne soupçonnions pas que les choses s’émanciperaient de nous.
Même le coït devient ennuyeux.
Nous avons vu trop de culs.
Nous connaissons déjà le dénouement.
Nous ne frissonnons plus.
La première gorgée de vin a déjà des allures de levrette revancharde.
Nous manquons d’énergie et de buts.
Nous ne savons plus communiquer.
Nous ne savons plus prier.
Face au vide, nous sommes morts d’angoisse.
À l’oraison, nous préférons payer une cinquantaine d’euros pour se retrouver à parler à un inconnu, tout aussi médiocre que nous.
La communion et sa douce intimité ne semblent plus faire sens.
Alors quoi ?
Une religion ? Une discipline ? Encore des lois ?
Où est passée l’ardeur ?
Les romantiques ont stylisé le doute et on a tenté de laïciser l’idée de confiance avec les lumières, en nous vendant un altruisme social alors que la vie n’est que rapport de force.
Nous préférons abandonner, nous sentant déjà muselés dans une société policée pour le pire, prônant un humanisme d’enfant qui apprend à dessiner.
On a même fait croire que les artistes étaient ceux qui avaient trouvé la cachette de Dieu.
Le seul résultat a été une crise iconoclaste à coup de faux sang, paroles prophétiques, sexualité outrancière et trait noir sur noir.
« Je n’ai pas parlé en cachette », a-t-on lu dans Isaïe, 45, 19.
Bataille nous l’avait déjà appris :
« Dieu n’est rien s’il n’est pas dépassement de Dieu dans tous les sens ; dans le sens de l’être vulgaire, dans celui de l’horreur et de l’impureté ; finalement dans le sens de rien ».
Nous sommes proches du rien.
Nous ne sommes rien.
À nous de nous débrouiller avec ça.
Mais comment ?
Alors que Michel Houellebecq donnait un début de réponse dans Le sens du combat – « Nous avons besoin de métaphores inédites, quelque chose de religieux intégrant l’existence des parkings souterrains » – les mystiques nous ont appris que j’étais Dieu, que tu étais Dieu, que Dieu était partout, Dieu peut-il être incorporé dans le destin des hommes ?
Toute mystique est anarchie. Idée folle d’un pouvoir absolu et d’une vision trop personnelle.
Ces écrits – de Maître Eckart et son néant aux glaires de Madame Guyon – se trouvent souvent entre La Salpétrière, un mauvais jeu de rôles et les écrits de Sade.
Nous dansons encore sur les ruines.
« Je suis mystique au fond et je ne crois à rien », disait Flaubert dans sa correspondance, le 8 mai 1852.
Nous sommes légion dans ce cas, juste amateurs de beau.
Nostalgiques de la plus haute valeur esthétique, le pater omnipotens.
Tout est dévoyé et certains soirs, on se sent des pouvoirs sans limites.
Où est le nouveau royaume de Dieu ?
« Mais qui se reconnaît dans cette mixture fleurant l’eau de rose reléguée dans la transcendance ? » »,demandait Cioran dans son Précis de décomposition.
C’est d’abord la crainte qui fit naitre les dieux.
La violence est l’âme secrète du sacré.
Faites-nous peur.
Attaquez le soleil.
Nous avons besoin de décorum.
Nous avons besoin de gens qui parlent haut et bien, d’une statuaire effrayante, d’un parfum entêtant.
Faites parler Catherine de Gênes s’il le faut : « Les flammes dévorantes de l’enfer sont la lumière de Dieu vécue par ceux qui n’en ont pas voulu ».
La terreur doit être partout.
Au-delà de la transgression et de l’apologie du défendu, on fera également celle de la fidélité.
Le sujet se définissant par son engagement.
On expérimente l’éternité hic et nunc en entretenant un rapport à l’absolu.
Nous marcherons droit.
Nous tiendrons une ligne.
Nous tiendrons nos promesses.
Nous reconnaîtrons la souveraineté.
Rendez-nous les rituels, les stigmates, les confiteor, les vices, les morts, la rose mystique.
Nous avons gâché Dieu, mais le silence et le mystère restent de haute estime.
Le mystère implique la foi et une certaine confiance, convaincu par un ordre supérieur.
« Nous nous demandons ce que vous faites de la grâce de dieu.
Ne devrait-elle pas rayonner de vous ? » demandait Bernanos dans Les Grands cimetières sous la lune.
Pour voir vraiment nous fermerons les yeux.
Nous banderons plus forts quand nous aurons à nouveau appris à plier le genou.
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