Nous sommes très fiers, à L’Incorrect, d’avoir contribué à l’inflation des prix littéraires de l’automne à notre mesure, qui ne fut pas chiche puisque nous n’en décernâmes pas moins de quatre.
Cette manie de primer à tout bout de champ la littérature me paraît excessivement française : goût du prestige frôlant le snobisme en permanence, passion des débats interminables et des décorations, élévation des livres au statut d’enjeu national, prétexte intellectuel à l’éthylisme le plus débridé… Une part importante de notre âme collective s’y reflète, pour le meilleur et, certes, pour le pire, mais même dans ses expressions les plus caricaturales, il n’empêche que ce pli collectif témoigne de notre dévotion singulière au Verbe, que les œuvres de l’esprit représentent le premier feu qui nous rassemble, et c’est pourquoi nous nous réjouissons de cette nouvelle hausse des prix.
Et comment, s’il avait multiplié les tweets haineux contre les femmes, les homos, les noirs, les juifs et les blancs, cela ne signifiait nullement qu’il était misogyne, raciste et antisémite mais devait plutôt nous interroger sur les conditions que la société française avait mises en place pour le pousser, lui si pur, si sauvage rousseauiste immaculé, pour qu’il se comporte aussi mal.
Le prestige littéraire est tel pour notre peuple, que même celui qui s’est installé sur le trône de la République ne se sent réellement « arrivé » qu’une fois assis sous la Coupole, en témoigne Giscard qui aura décidément usurpé tous les titres (D’Estaing, déjà, relevait d’une fausse noblesse). Il est tel, ce prestige littéraire, que même un Mehdi Meklat, d’une origine sociale opposée et qu’on aurait pu croire ravi de se contenter d’une nouvelle casquette, alors qu’il était devenu riche et célèbre à partir de rien et qu’il aurait pu s’en réjouir, l’a pourtant brigué. Il fallait quand même s’y mettre à deux, sur France Inter, avec Badrou, pour ânonner des rédactions de 4e sentimentales et stupides mais aptes à émouvoir cette gauche postcoloniale qui s’émerveille devant l’immigré comme le bourgeois de 1900 devant les zoos humains. Il fallait s’y mettre à deux pour écrire des livres, cette activité pourtant si intrinsèquement personnelle semblant n’avoir pas complètement résisté au tribalisme banlieusard, et ces lourds pensums pondus en binôme étaient néanmoins publiés au Seuil.
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Durant son pénible exil à Tokyo, comme me le suggérait mon ami B., Mehdi a dû trouver le temps de lire Bourdieu pour se fabriquer des excuses. De retour en France, il a ainsi pu nous expliquer à quel point devenir très riche, pour un pauvre, était un calvaire (s’il reste pauvre, il nous en veut; par contre, s’il devient riche, il nous en veut). Et comment, s’il avait multiplié les tweets haineux contre les femmes, les homos, les noirs, les juifs et les blancs, cela ne signifiait nullement qu’il était misogyne, raciste et antisémite mais devait plutôt nous interroger sur les conditions que la société française avait mises en place pour le pousser, lui si pur, si sauvage rousseauiste immaculé, pour qu’il se comporte aussi mal.
S’il s’était appelé Maximilien plutôt que Mehdi, nous affirme encore le jeune touitos dans un entretien invraisemblable avec Yann Barthès, il eût évidemment été pardonné. Mais Mehdi, tu sais que si tu avais été un véritable écrivain français et que tu t’étais appelé Renaud (Camus), Maurice (Dantec) ou Richard (Millet), ta condamnation eût été totale et sans rémission ? Non, prétentieux ignare, tu n’en sais rien. C’est pourquoi, nous te décernons à l’unanimité le prix du néant.