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Hubert Darbon : les mots, la chose et la croix

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Publié le

12 mai 2021

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Entre deux traductions d’ouvrages anglo-saxons, Hubert Darmon combat la médiocrité post-moderne par son esprit vif, cultivé et son côté rêveur.
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« Qui a le goût de l’absolu renonce par là au bonheur » : cette phrase d’Aragon est vraie pour les hommes ; pas pour les chrétiens. Cependant, les adolescents qui ont lu Tolkien et Jules Verne grandissent avec un ressentiment sourd : où sont les aventures à notre enfance promises ? En occident au lever du second millénaire, la réponse est la suivante : dans les batailles désespérées et les coups de cor qui protègent nos âmes assiégées.

Le vocabulaire militaire est familier à Hubert Darbon, dont le père est officier de carrière. Un personnage cultivé et original qui a transmis à ses enfants une sensibilité d’alchimiste social, capable du plus grand respect pour les institutions qu’il sert, mais avec un recul savoureux sur leurs contradictions. Un logiciel utile pour ses enfants que l’on retrouve dans les couloirs de Sciences-po, de l’Assemblée nationale, du Figaro, ou d’ailleurs. La liberté intellectuelle, celle de choisir le bien, se construit patiemment avec des principes clairs. Ainsi, chez les Darbon, on lit les livres avant de voir les films. Hubert Darbon était déjà bien armé lorsqu’il commença la prépa qui l’a envoyé rue Saint-Guillaume. Après un passage dans un cabinet de chasseurs de têtes, il travaille à LVMH.

Blessé, Hubert reconnaît pouvoir être « un chrétien plus littérairement que littéralement »

L’inconvénient d’avoir un esprit vif alimenté par une culture vigoureuse réside dans la cohabitation forcée avec les stupidités du siècle. L’exaspérante médiocrité de certains clercs en matière de liturgie a obligé certains chrétiens à décider de croire malgré leurs prêtres. Blessé, Hubert reconnaît pouvoir être « un chrétien plus littérairement que littéralement ». Heureusement, des génies ont porté dans des temps pas si lointains des flambeaux destinés à éclairer la nuit que les Lumières ont répandue. Bière à la main, Hubert Darbon se saisit de ces torches presqu’éteintes, les rallume avec sa cigarette, et les envoie à la gueule de la postmodernité.

C’est un libéral au sens que les conservateurs britanniques à la Scruton lui ont donné, c’est-à-dire attaché à la propriété et à l’autonomie de l’individu face aux grands systèmes, façonnés par ceux qui veulent votre bonheur, fût-ce malgré vous. Or la liberté se trouve dans le recul, et le recul se trouve dans l’humour. « J’ai été très enthousiasmé par Philippe Muray et Michel Houllebecq, et leur discours très sinistre sur la modernité. Je considère toujours que ce sont des gens extralucides, mais que leur discours seul ne suffitt pas. Leur dépassement, je l’ai trouvé dans ma vie personnelle : être un homme libre, c’est d’abord faire vivre une cellule familiale. L’occident survivra dans l’amour que je transmettrai à ma femme et mon fils ». Cet enfant rêveur, passionné de cosmogonies, passant son temps à dessiner et bouquiner en boucle Richard Adams, a dû patienter jusqu’au crépuscule de l’adolescence pour résoudre son énigme. La clef se cachait entre les lignes des Enquêtes du père Brown : entre l’abandon dans la modernité qui noie l’âme et une indifférence cynique qui assèche le cœur, il y a la troisième voie chestertonienne. « Chesterton est quelqu’un qui a pris très au sérieux les institutions traditionnelles, comme par exemple le mariage. Dès lors, son rire n’était jamais désespéré. Ce qui est intéressant chez lui, c’est qu’il pratique non pas la dérision comme un cynisme, mais comme procédant de son idée philosophique fondamentale : le monde qui est devant nous n’est pas le monde tel qu’il existe. On a un voile devant les yeux ». Et le rire déchire ce voile. Une sorte de Philippe Muray doublé d’espérance[...]

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