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Hugo Becker : « C’est un honneur et une responsabilité de jouer un tel personnage »

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Publié le

9 janvier 2023

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Son visage ne vous est pas inconnu. Agent secret dans Au Service de la France, politicien roublard dans Baron Noir, cuisinier dans Chefs, Hugo Becker a 35 ans et déjà une filmographie aussi éclectique que solide. Dans Vaincre ou mourir, il endosse avec une facilité déconcertante le costume de Charette pour la première production cinématographique du Puy du Fou. Rencontre avec un passionné du cinéma et d’épopée.
Vaincre ou mourir

Comment êtes-vous arrivé sur le projet Vaincre ou mourir ?

Il m’a été proposé par les réalisateurs Paul Mignot et Vincent Mottez il y a un an et demi. Paul Mignot a vu Le Dernier Voyage, film de science-fiction dans lequel je jouais un astronaute fugitif, film qui l’avait interpellé parce qu’il sortait des sentiers battus dans le paysage de l’audiovisuel français. Cette fois, il s’agit d’un film historique et épique. Je suis très reconnaissant de la chance que j’ai de pouvoir jouer dans des univers aussi différents. Si j’étais assez hésitant au départ, l’ambition, l’engagement et la passion des réalisateurs m’ont très rapidement convaincu. L’exigence des équipes du Puy du Fou m’a aussi emporté.

« C’est un projet avec lequel il faut être humble : il a été réalisé avec seulement 3,5 millions d’euros et tourné en une petite vingtaine de jours »


Hugo Becker

C’est un projet avec lequel il faut être humble : il a été réalisé avec seulement 3,5 millions d’euros et tourné en une petite vingtaine de jours. Ce film est un vrai tour de force, et on est extrêmement fiers du succès exceptionnel qui a eu lieu le 8 décembre pour les avant-premières, avec près de 25000 entrées dans la soirée. Ce film a une âme, il transpire le travail et la passion pour le cinéma.

Connaissiez-vous le personnage de Charette avant ce projet ? Qu’est-ce qui vous a touché chez lui ? Comment avez-vous réussi à l’apprivoiser pour le jouer ?

Comme beaucoup de monde, je ne connaissais pas le personnage. C’est une partie de l’histoire de France assez méconnue mais qui m’a profondément touché. C’est un film-hommage aux victimes des guerres de Vendée, et je retiens des projections la profonde émotion qu’il a suscitée chez les spectateurs : ils avaient besoin que l’on reconnaisse leur histoire et par là leur existence. Je sous-estimais à quel point c’était important pour beaucoup de gens. C’est donc à la fois un honneur et une responsabilité de jouer un tel personnage. D’une certaine manière, ce film permet de réconcilier et de faire la paix. Le film en lui-même n’est pas manichéen. L’intérêt d’un film historique, c’est de découvrir quelque chose que l’on connaît mal. À chacun ensuite de se faire un avis.

Lire aussi : Cinéma français : haro sur les héros ?

Ce qui m’intéresse, et c’était déjà le cas avec La Nuit juste avant les forêts ou avec Le Dernier Voyage, c’est quand un film dénote. Et cette histoire fait écho à énormément de choses. Comme de nombreux personnages historiques et beaucoup d’êtres humains à travers l’histoire, Charette se bat pour la liberté d’un peuple. Les paysans viennent le chercher parce qu’ils ont besoin d’un chef de guerre, et il s’engage presque à contrecœur. Animé par l’honneur et la force de conviction, il se donne corps et âme à un combat qui le dépasse, et il ira jusqu’au bout. Mais le film ne fait pas de cadeau au personnage de Charette : il n’échappe pas à la complexité et au traumatisme qu’engendrent les combats. Ce fait historique est intéressant parce qu’on peut y identifier de nombreux combats pour la liberté. Chez Charette, il y a un petit côté Astérix ou Braveheart. Un peuple dont on bouscule les us et coutumes décide de ne pas se laisser faire. Ce sont des gens qui ont des cœurs immenses et qui sont prêts à se sacrifier pour les autres. Le personnage incarne les valeurs de combativité, d’espoir, de dépassement de soi, et je pense qu’on en a terriblement besoin. Quand j’étais adolescent, les films qui me plaisaient le plus étaient ceux dans lesquels un héros me disait « relève-toi ».

Qu’avez-vous dû travailler en tant qu’acteur pour pouvoir pleinement incarner ce rôle ?

Il y a deux éléments. Le travail théorique d’abord : se documenter et lire des œuvres sur le sujet, ce qui est assez passionnant. Cela permet d’entrer dans une époque, de mieux comprendre ce que certaines choses voulaient dire. Par exemple, faire un serment avait une valeur inouïe, parfois plus qu’une vie. Également, les gens étaient beaucoup plus mélangés qu’on le pense : un lien très fort relie le petit nobliau Charette et les paysans qui viennent le chercher, notamment leur chef Jacques-Louis Maupillier. Contrairement à ce que l’on pense, il y avait une grande proximité : de très nombreuses fêtes étaient organisées, et les gens n’étaient pas mis en compétition par une économie à outrance.

« Le personnage incarne les valeurs de combativité, d’espoir, de dépassement de soi, et je pense qu’on en a terriblement besoin »


Hugo Becker

Ensuite, il faut pouvoir enfiler le costume et pour ce faire, il faut savoir monter à cheval, savoir se servir un sabre ou d’un pistolet à poudre. Toutes ces choses, je les ai faites avec plaisir, c’est que je préfère dans mon métier. Je m’implique énormément dans chaque rôle. Pour des films précédents, je me suis entraîné à jouer au foot ou à découper un sanglier. Pour la série Diane de Poitiers dans laquelle je jouais Henri II, j’ai eu la chance d’apprendre à monter avec le grand cascadeur équestre Mario Luraschi. Pour Vaincre ou mourir, j’ai suivi des entraînements avec les cavaliers du Puy du Fou pour me perfectionner, ce qui m’a permis de réaliser l’ensemble des scènes du film. J’ai d’ailleurs noué un lien très fort avec mon cheval César: on jouait véritablement ensemble et je crois que ça se voit dans le film. Même chose pour l’escrime et les cascades. Tout ceci était indispensable pour se mettre dans la peau de Charette, pour offrir un beau rendu au téléspectateur et pour prendre personnellement du plaisir.

Les guerres de Vendée sont un sujet assez marqué politiquement et un peu tabou. L’avez-vous mesuré ? Est-ce une prise de risque ?

Ce n’est pas ce qui m’intéresse dans le projet. Je voulais faire un film historique et spectaculaire, qui sorte des sentiers battus et qui véhicule de l’espoir, au travers d’une figure héroïque. Les personnages qui vous disent qu’il faut se relever quand vous tombez, les personnages qui vous le démontrent par les actes et qui ne cessent de combattre pour leurs idées quelles qu’elles soient sont extrêmement puissants. On retient du héros sa combativité, son courage, sa persévérance – des valeurs assez universelles et intemporelles en fait. Et je pense qu’on a besoin de héros en tant qu’exemples pour surmonter ces moments dans la vie où l’on se sent piétiné dans ses idées, dans sa liberté, dans sa façon de vivre. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai choisi de faire du cinéma, et que j’aime beaucoup Le Dernier Voyage et Vaincre ou mourir : les personnages transpirent cette envie de vivre et de se battre, dans le sens noble du terme. C’est ce que l’on retient de Braveheart, et c’est ce qu’on retiendra de ce film. Le volet politique n’est pas significatif, et ce serait dommage de faire un raccourci facile ou un procès d’intention. Il ne s’agit pas de dire que la Révolution est le mal: de nombreux grands moments historiques passent malheureusement par des événements violents. Le film n’est pas manichéen et d’ailleurs, le général Travot qui est du côté des Républicains est un personnage extrêmement noble. Des deux côtés, il y avait des personnages idéalistes qui se battaient pour leurs idées. Le film ne catégorise pas, et ce serait manichéen de croire qu’il le fait.

« On a besoin de héros et c’est la raison pour laquelle le cinéma américain prend largement le dessus »


Hugo Becker

Vous soulignez l’originalité de ce film dans le paysage cinématographique français. Pourquoi le cinéma français semble-t-il si hésitant à l’idée de représenter nos héros historiques ?

C’est un sujet fondamental. On a besoin de héros et c’est la raison pour laquelle le cinéma américain prend largement le dessus. On ne peut pas le nier, c’est du bon sens, il suffit de regarder à quel point les gens se ruent dans les salles pour Top Gun Maverick, film que j’avoue avoir beaucoup aimé. Adolescent, je rêvais avec les films de Milos Forman et de Claude Sautet, mais aussi avec du cinéma populaire américain. Il y avait Stanley Kubrick, mais aussi Tony Scott ou Brian De Palma. Quand cela vient de l’étranger, c’est dans un certain sens mieux accepté. De plus, la France se fait voler ses sujets par le cinéma américain, et s’intéresse assez peu à l’histoire, qui est pourtant bien plus riche que n’importe quelle fiction. Le cinéma des années 60-70 s’y penchait davantage, peut-être est-ce un phénomène cyclique. En tout cas, c’est dommage parce qu’il est important de savoir d’où l’on vient, et la connaissance de l’histoire est cruciale en ce qu’elle permet de développer l’esprit critique. C’est dommage parce qu’elle est inépuisable en termes de fictions, et très riche en termes de sujets.

L’histoire de France regorge de personnages géniaux. Prenez Eugène Bullard, auquel Claude Ribbe a consacré un court-métrage : afro-américain né à Colombus, il a été multimédaillé et a reçu la Légion d’honneur pour avoir été pilote dans l’Armée française durant la Première Guerre mondiale. C’est le héros par excellence. Eugène Bullard, Simone Veil, de Gaulle, Cousteau ou Charette ont comme point commun de s’être battus jusqu’au bout pour des idées, et c’est ce qui est intéressant. Enfin, c’est dommage parce que quand elle est abordée en France, la figure du héros est traitée avec beaucoup d’intelligence. On évite les caricatures et on sait montrer la part d’ombre, de faiblesse, de folie ou d’ambition dévorante. Et tout cela en général, ça fait de bons films, avec des personnages puissants qui nous dépassent. Bref, il faut absolument tenir tête au cinéma américain.

Mais comment expliquer que nos réalisateurs s’y penchent si peu ?

Il y a plusieurs raisons à cela. D’abord, le coût. La plupart des grands films historiques coûtent cher. Gladiator, c’est 480 millions. Ensuite, il y a parfois une espèce de complexe, surtout sur la figure de héros. On a peur de les faire trop héroïques, ce qui est un peu ridicule car il s’agit d’une fiction. Et n’a-t-on pas besoin d’être inspiré ? Il y a méprise : un héros n’est pas un culte de la personnalité, mais l’incarnation de quelqu’un qui se relève malgré les coups. Je ne vois pas de mal à cela. Ce sont des films qui donnent de l’espoir, qui vous font pousser des ailes et vous fortifient pour affronter les épreuves du quotidien. Bien sûr, il y a aussi de très bons films qui vous rappellent la simplicité de la vie comme Amélie Poulain, ou des films très poétiques qui font du bien.

Au fond, on a souvent la crainte que ça n’intéresse pas le public, ou qu’on ne sache pas le faire aussi bien que d’autres, faute de moyens ou d’expérience. C’est faux ! Et plus on va le faire, plus on s’améliorera. Nous présentons Vaincre ou mourir avec beaucoup d’humilité, et on attend une certaine indulgence au vu des modestes moyens. Mais les spectateurs ont cette indulgence. Il ne faut pas s’excuser ou rougir de tenter des choses. Le public a une vraie attente, il souhaite voir des choses nouvelles. Mais il existe une aversion au risque, disproportionnée par rapport aux attentes du public et aux talents dont on dispose en France. Il y a vraiment beaucoup de gens extrêmement brillants en post-production, en production, en technique, en réalisation, en acteurs et actrices. Toute initiative qui va dans ce sens me semble positive, quand bien même elle ne serait pas parfaitement réussie. Je suis persuadé que si on propose des films de qualité avec des héros, le public y sera extrêmement réceptif.


VAINCRE OU MOURIR (1H40), de VINCENT MOTTEZ et PAUL MIGNOT, avec Hugo Becker, Rod Paradot, Gilles Cohen, en salle le 25 janvier

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