Triste début de XXe siècle où toute la France semble occupée par les positivistes et les scientistes, dans le sillage d’Auguste Comte et du sinistre Berthelot. Une foi imputrescible dans la « loi naturelle » qui sera le socle de la Troisième République. Toute la Gaule serait donc occupée par les défenseurs de la raison ? Non. Il faut chercher quelque part dans la région de Meudon, dans une petite bicoque sans prétention – qui a tout de même pour particularité de comporter une chapelle et d’exposer le Saint Sacrement toute la journée. Là s’organise un étrange culte œcuménique où se pressent les intellectuels et les artistes, de Cocteau à Radiguet. Là vit un étrange trio de laïques qui obéissent à des règles quasi-monacales : Jacques Maritain et sa femme Raïssa Oumansoff, jolie fille de Sion aux yeux de charbon, accompagnée de sa sœur Vera, moins gâtée par la nature mais tout aussi dévote. Car les deux juives se sont converties, au grand dam de leur famille, au catholicisme, afin de suivre Jacques dans son cheminement spirituel : cheminement cahoteux, fait de tournants et de chausse-trappes.
Mais Maritain se cherche, Maritain est en constante évolution, il ne supporte pas la paralysie des idées
Maritain, petits-fils de l’auguste Jules Favre, un des piliers de la « troisième », débute pourtant sa vie sous de très socialistes augures. C’est sa rencontre avec Bergson sur les bancs de l’université, aux côtés d’une Raïssa fraîchement débarquée de sa Russie natale, qui humectera durablement la terre de son esprit, calcifiée trop tôt par la guindée posture républicaine. Mais Maritain se cherche, Maritain est en constante évolution, il ne supporte pas la paralysie des idées : si Bergson lui ouvre les portes de la métaphysique, il embrasse bientôt saint Thomas d’Aquin, initié par le dominicain Clérissac qui lui montre toute la modernité du thomisme – auquel s’accroche alors l’Église pour tenter de conserver sa voix dans une France globalement hostile. […]
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