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Jacques Perrin : brave au cœur puissant

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Publié le

2 mai 2022

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Vendredi, un dernier hommage a été rendu à l’acteur et réalisateur Jacques Perrin aux Invalides. Retour sur la carrière d’un géant du cinéma français, qui sut plus qu’aucun autre nourrir d’idéaux nos âmes d’enfant.
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Acteur, réalisateur et producteur, Jacques Perrin avait foi dans le septième art : ? La projection d’une illusion et d’un rêve commun », disait-il. C’est peut-être dans les poèmes murmures par sa mère qu’il puisa la soif d’imaginaire et d’absolu qui le conduira face à la camera puis derrière, faisant de lui un serviteur de cet outil magique capable parfois de révéler l’invisible. Enfant de la balle, d’une mère comédienne et d’un père régisseur à la Comédie française, nourri par la littérature en un temps prémuni de l’omniprésence télévisuelle, le petit Jacques s’abandonne à de longues rêveries d’aventure et d’inconnu. Peut-être s’imagine-t-il déjà en Crabe Tambour, un chat noir sur l’épaule, en Prince fumant la pipe en cachette ou en observateur du peuple migrateur. Si sa longue carrière s’imprimera sur pellicule, c’est néanmoins au théâtre qu’il débute. D’abord avec l’acteur Antoine Balpêtré, parrain de sa sœur Eva, puis au Conservatoire qu’il intègre trois ans plus tard. Repéré sur la scène d’Édouard VII par le cinéaste italien Valerio Zurlini, il obtient son premier grand rôle au cinéma dans La Fille à la valise (1961), l’histoire d’un amour impossible avec Claudia Cardinale. D’autres ont connu des premières moins charmantes.

L’honneur justement, il en devient l’une des plus belles incarnations dans Le Crabe Tambour, ce spectre qu’on croise lorsqu’on cherche l’idéal dans un monde perdu et qui offre du rêve aux enfants pour mille ans

Incarnation de l’honneur

L’époque est aux co-productions franco-italiennes, et le jeune Perrin enchaîne les films de l’autre côté des Alpes, partageant même l’affiche avec Marcello Mastroianni dans Journal intime (1962) avant son retour en France en 1964, pour y faire une rencontre capitale : Pierre Schoendoerffer. Avec le cinéaste français, Perrin parle le même langage et partage les mêmes rêves. Il devient le visage de ces milliers de jeunes Français qui abandonnèrent leur innocence en Indochine dans la 317e section (1965), puis incarne ce capitaine fatigue en Algérie, dans L’Honneur d’un capitaine, abandonne par la République, sacrifie par ceux qui se drapent dans des vertus dont ils ignorent tout. L’honneur justement, il en devient l’une des plus belles incarnations dans Le Crabe Tambour, ce spectre qu’on croise lorsqu’on cherche l’idéal dans un monde perdu et qui offre du rêve aux enfants pour mille ans.

De Schoendoerffer à Gavras

Ses rêves, Perrin ne va pas les garder pour lui et il va même permettre aux autres de réaliser les leurs. En 68, pendant que la jeunesse dorée balance du pavé, et que lui a triomphé dans les Demoiselles de Rochefort, Jacques Perrin lance sa maison de production pour permettre à Costa Gavras, qui l’avait fait jouer quelques années plus tôt dans Compartiment tueurs (1965) et Un Homme de trop (1967), de tourner son Z que personne ne veut financer. Il a vingt-huit ans, a peine. « Nous avons alors monté une coproduction avec l’Algérie. Personne ne voulait nous suivre. […] Avouons que nous avons fait quelques acrobaties comptables, anticipé sur le succès. Montand et Trintignant ont touché des cachets dérisoires », expliquera-t-il quelques années plus tard. Le film rencontre un succès international et s’en va même glaner quelques récompenses aux Oscars de 1970.

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Le maître du documentaire

Si Jacques Perrin continue sa carrière d’acteur (plus de 170 films au cinéma et à la télévision), c’est aussi pour continuer de financer les films des autres et qu’importent les échecs comme les Quarantièmes rugissants de Christian de Chalonges (qui l’endette pour dix ans), Perrin réplique en sortant Microcosmos, Himalaya, l’enfance d’un chef, Le Peuple migrateur et Les Choristes qui enchantèrent la France en 2004. L’indépendant Perrin devient ainsi le maître du documentaire en grosse production avec, en point d’orgue, Océan, sorti en 2010, qui se révèlera sa grande œuvre. « Les spectateurs ont une âme d’enfant », aimait-il dire, et les enfants rêvent de grandeur et d’idéal au fond des salles obscures. Mais ces rêves ne persistent que grâce aux braves au cœur puissant. Jacques Perrin fut l’un d’eux.

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