À la fin des années 90, le cinéma asiatique devient brusquement à la mode en France, en partie grâce à la démocratisation des DVD qui permettent au plus grand nombre de découvrir des cinéphilies jusque-là réservées à des élites pointilleuses. Le cinéma fantastique japonais, porté également par la mode des mangas, commence à s’exporter dans le sillage du film Ring (Hideo Nakata, 1998) qui remporte un succès mondial, porté par une réputation de film « le plus terrifiant depuis Shining » Et il est vrai que l’horreur japonaise, qui porte en elle les traces d’une culture profondément animiste, insulaire et surtout une croyance enracinée aux fantômes (aujourd’hui encore, une grande majorité de Japonais affirment avoir vécu des expériences paranormales) allait considérablement modifier les canons de l’horreur cinématographique, jusque-là dominée par le canon anglo-saxon. Avec Ring, cette fascinante histoire de vidéo virale et maudite, de spectre féminin capable d’ubiquité et dont la seule vue suffit à provoquer une crise cardiaque, les spectateurs occidentaux se prennent une claque – pourtant le film n’est jamais que la continuation de toute une tradition cinématographique qui existe depuis le cinéma muet : le kaidan eiga (film de fantômes). Si Hideo Nakata se révèle par la suite un honnête faiseur (parfois très inspiré, voire son crépusculaire Dark Water, sorte de tragédie surnaturelle sur les familles monoparentales), le succès de Ring révèle un homme de l’ombre : Kiyoshi Kurosawa. Ce scénariste non crédité au générique du film inspire à Nakata ses éléments les plus terrifiants. Kiyoshi Kurosawa, comme beaucoup de réalisateurs japonais, a fait ses armes dans le V-cinéma (cinéma à petit budget réservé au marché de la vidéo, souvent imaginatif et racoleur) et plus particulièrement dans le pinku (film érotique). Pour contextualiser, il faut rappeler que le pinku (ou « roman-porno ») n’a que peu à voir avec le cinéma érotique occidental et a toujours été un terrain d’expérimentation pour des cinéastes énervés et en quête de reconnaissance, de Koji Wakamatsu à Seijun Suzuki. [...]
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