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Tribune publiée sur le site de la Fondation du Pont-Neuf.
Vendredi dernier, Julien Odoul, élu RN au Conseil régional de Bourgogne, a relancé le débat sur la présence de femmes voilées lors des sorties scolaires, en demandant à la présidente de Région de faire sortir de l’hémicycle la mère de famille voilée qui accompagnait les enfants à cette occasion. Mais une question cruciale se pose, peut-on utiliser l’arme de la laïcité pour lutter contre le communautarisme islamique ? Quels en sont les risques ?
« Dans une enceinte de la République, il ne peut y avoir de signe religieux ostentatoire », affirme aujourd’hui Julien Odoul sur Europe 1 pour justifier l’esclandre qu’il a provoqué vendredi dernier au Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté. « Je n’ai aucun regret d’avoir défendu les valeurs de la République et de la laïcité qui sont au cœur de mon engagement politique », poursuit-il.
Le voile est le contraire de la galanterie française
Si l’on peut avoir de légitimes réserves sur la manière de procéder, il va de soi qu’on ne peut être que d’accord avec l’intention de Julien Odoul : il n’est pas souhaitable que dans une civilisation fondée sur la courtoisie et la galanterie, on finisse par enturbanner les femmes. « Nous sommes, dit Alain Finkielkraut, les héritiers de la galanterie, c’est-à-dire d’un certain régime de la coexistence des sexes fondé sur la mixité. Or, le voile réduit les femmes à l’état d’objet sexuel. En arabe algérien, on dit qu’une femme dévoilée est nue. Lubrique ou cachée : telle est donc l’alternative. Elle est, pour notre civilisation en tout cas, obscène »,[1] car elle suppose que les hommes ne peuvent qu’entretenir des rapports de convoitises avec les femmes. Le voile est donc, dans cette perspective, une insulte à l’homme, réduit à l’image d’un prédateur sexuel en puissance, alors que la galanterie est censée élever ses sentiments et ses manières à l’égard de la gent féminine : « La galanterie n’est pas seulement égard pour la fragilité, poursuit Alain Finkielkraut. Elle est surtout tribut à la féminité. Elle procède d’une connivence sur le fait que les femmes plaisent et qu’il est licite sinon recommandé de leur rendre hommage ».[2] Tout le contraire du voile islamique qui résonne comme une monstrueuse régression culturelle.
Le voile est aussi le symbole de nos renoncements politiques
Il serait naïf de croire que le voile islamique n’est qu’un vêtement religieux comme un autre et de le comparer par exemple au voile de consécration de nos religieuses ou encore aux fichus et mantilles de nos grands-mères quand elles se rendaient à la messe. Le voile de consécration des religieuses n’est porté que par des personnes ayant librement décidé, après plusieurs années de noviciat, de se couper du monde en prononçant des vœux de pauvreté, obéissance et chasteté. Quant aux mantilles de nos grands-mères, elles n’étaient portées que dans les lieux de culte et signifiaient que tous les regards devaient alors être dirigées vers l’autel, lieu de célébration de la messe et de conservation de la présence réelle du Christ. En aucun cas, il ne s’agissait d’imposer aux femmes un vêtement dans l’espace public ! À cet égard, il faut s’interroger sur « ce que voile le voile » pour reprendre le titre d’un ouvrage de Régis Debray (Gallimard, 2004). Il est évident que le voile n’est que le porte-étendard d’un islam politique qui a vocation à conquérir l’espace public.
Le voile n’est que le porte-étendard d’un islam politique qui a vocation à conquérir l’espace public.
À ce titre, il n’est pas un vêtement neutre. De plus, de nombreuses femmes ne portent le voile que sous la pression des grands-frères et des imams qui instaurent une charia non-écrite dans les cités et autres quartiers islamisés, celles qui bravent cet interdit s’exposant à des menaces de mort. Enfin, le port du voile à grande échelle dans notre pays signe l’échec de la transmission de notre culture et la faillite de notre modèle d’assimilation. Aujourd’hui, en France, les nouveaux arrivants ne veulent plus se vêtir à la Française, ne veulent plus penser à la Française mais se réfèrent affectivement et culturellement à une autre civilisation.
Mais interdire le voile au nom de la laïcité serait pire encore !
Pour autant, il n’est pas souhaitable d’interdire le port du voile dans l’espace public. D’abord, parce que la plupart de ceux qui entendent mener à bien une telle interdiction le font au nom des valeurs républicaines et du principe de laïcité : « Dans une enceinte de la République, il ne peut y avoir de signe religieux ostentatoire », estime Julien Odoul. Principe qui, dans le contexte actuel, peut évidemment se retourner contre les religions, puisque depuis la grande apostasie des États modernes, toutes les religions sont placées sur le même pied d’égalité, sans égard pour la vérité qu’elles expriment ou le rapport qu’elles entretiennent avec notre culture. Confinant au laïcisme, le principe de laïcité fait dire ce matin à Bruno Le Maire que l’expression de la foi « n’a pas sa place dans l’espace public ».
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Cette axiome fondamental de la neutralité religieuse, au cœur de notre idéologie étatique, est un leurre car il repose sur l’idée qu’une société peut se fonder et perdurer indépendamment de toute religion qui porte en elle une vision de l’homme, un héritage, une culture et une anthropologie. Si la présence de l’islam ne sert qu’à réactiver une laïcité structurellement et historiquement tournée contre le christianisme, alors nous aurons perdu sur tous les plans, en vidant encore plus la France de ses racines sans pouvoir endiguer la poussée de l’islam.
Reposer la question spirituelle et culturelle
À vrai dire, dans le cadre législatif actuel, aucune solution n’est satisfaisante : une ouverture de l’espace public à toutes les religions comme le souhaitent certains au sein de LREM ne ferait que renforcer le communautarisme islamique, en lui donnant les appuis légaux qu’il recherche. À l’inverse, il est impossible de légiférer sur le vêtement dans une République laïque sans embrasser toutes les religions à la fois, avec les inconvénients précités.
La solution serait d’abord de s’interroger sur le modèle de civilisation que l’on veut conserver, transmettre et proposer à l’assimilation. Avant de donner des leçons de dignité aux autres, interrogeons-nous sur la vision de la femme que notre pays propage dans la publicité ou le cinéma. Si une authentique féminité apaise les mœurs et élève la civilisation, une image hyper-érotisée de la femme comporte quelque chose d’agressif qui légitime, en retour, par une sorte de rivalité mimétique, la rigidité islamique. On ne sortira de cette impasse qu’en renouant avec une vision de la femme centrée sur la beauté, la dignité et la pudeur, qui puisse attirer à elle les personnes originaires d’une autre culture et non les repousser loin de nous.
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Enfin, il serait temps que notre pays pose la question spirituelle et culturelle qui est au cœur de la modernité : peut-on, dans un pays comme la France qui doit son identité à l’alliance du trône et de l’autel sur les fonts baptismaux de Reims, mettre toutes les religions sur un même pied d’égalité sans considération de leur rapport à la vérité, de l’anthropologie qu’elles véhiculent, des mœurs qu’elles propagent et du lien qu’elles entretiennent avec notre histoire et notre culture ?
Peut-on, dans un pays comme la France qui doit son identité à l’alliance du trône et de l’autel sur les fonts baptismaux de Reims, mettre toutes les religions sur un même pied d’égalité sans considération de leur rapport à la vérité, de l’anthropologie qu’elles véhiculent, des mœurs qu’elles propagent et du lien qu’elles entretiennent avec notre histoire et notre culture ?
Là est la vraie question. Sans préjuger des différentes réponses institutionnelles qui pourraient être apportées, et qui nécessitent – on s’en doute – de refonder en profondeur notre pacte social, poser la question aujourd’hui est fondamental pour montrer l’impasse de la modernité politique à embrasser tout le champ du réel et donc à apporter une réponse satisfaisante à la question de l’islam.
[1] Interview avec Alain Badiou, L’Obs, 17 décembre 2009.
[2] Alain Finkielkraut, L’identité malheureuse, op.cit., p 59.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]