L’image que donne Alain Finkielkraut est celle d’un éternel mécontent, un grincheux par principe qui plutôt que de se réjouir d’un prétendu miracle progressiste ne cesse de pester contre une modernité à laquelle il ne trouverait aucun charme. On pourrait le comprendre tant le présent, pour celui qui le scrute, offre la plupart du temps le spectacle tout à la fois dérisoire et sinistre d’une modernité qui ne sait plus quel prétexte trouver à la détestation de ses propres fondations et qui se ridiculise dès que possible, quand elle ne nourrit pas le ressentiment des monstres qui, en bons modernes, rêvent de la dévorer. Mais cette image, comme souvent les images, est fausse car ce qui énerve Alain Finkielkraut, ce n’est pas la modernité, ce n’est pas non plus le progrès dont il faut bien reconnaître, par esprit d’équité, qu’il n’a pas que du mauvais, c’est l’impossibilité de la nuance vers quoi les hommes se dirigent, l’ensauvagement d’un monde qui ne sait plus dire que le Blanc ou le Noir, quitte à cela d’inventer un Noir qui permette de redonner son éclat perdu à un Blanc toujours plus caricatural, et dont le renoncement à la littérature figure tout à la fois le symptôme et la cause.
Nous voici entrés de plain-pied dans ce nouvel espace pseudo-civilisationnel qu’Alain Finkielkraut appelle l’Après-Littérature
C’est-à-dire que nous voici entrés de plain-pied dans ce nouvel espace pseudo-civilisationnel qu’Alain Finkielkraut appelle l’Après-Littérature, lequel voit en Tante Céline, un personnage de Proust répugnant aux bienséances hiérarchiques du temps de Saint Simon, l’espèce de symbole… littéraire ; soit quelqu’un que la distinction entre les êtres révolte parce que cette séparation formelle augurerait là d’une forme d’injustice. Aussi, il n’est pas seulement question de littérature dans ce livre composé de petits chapitres qui prennent chacun un fait médiatique de l’époque que nous traversons sur lequel l’académicien disserte humblement ; il en est question évidemment, on retrouve d’ailleurs l’intérêt de Finkielkraut pour certains écrivains tutélaires qu’il convoque régulièrement, parmi lesquels Philip Roth ou Milan Kundera, mais il est surtout question de distinction, de nuance, de hiérarchie, et donc de civilisation et de justice et, par conséquent, de morale dans le sens le plus noble que peut porter ce terme, à présent dévoyé par les tenants de l’Empire du Bien décrit avec une actualité troublante par Philippe Muray et qui, à l’instar des prêtres de Nietzsche, ont fait de la morale une pure moraline, autrement dit un simple instrument de domination. [...]
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