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Le fondement trompeur du prétendu débat sur l’euthanasie

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19 février 2024

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Il en est de l’euthanasie comme pour toutes les questions de société : derrière les gentils et faciles slogans de leurs zélateurs se cachent des idéologies qui promeuvent une subversion radicale et destructrice des sociétés humaines.
© Flickr

La condition première de la manipulation est une usurpation d’identité. Il faut bien subjuguer autrui pour le conduire là où il n’entendait pas aller. Et pour le subjuguer ainsi, se présenter faussement à lui en guide ou en sauveur. Les Écritures en donnent maints exemples : des loups déguisés en brebis (Mat, 7,15-16) ; des faux christs et des faux prophètes (Mat, 24, 24) ; des faux ministres de la justice (2 Cor., 11,13-15) ; des impies (Jude, 1,4). Elles décrivent même, sous le nom de mercenaires, les autorités qui, par lâcheté, leur abandonnent ceux dont ils étaient responsables (Jn, 10-12). Tous ces manipulateurs recourent aux mêmes artifices : apparence trompeuse, discours séducteur, dénaturation de la vérité.

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Ces traits s’étendent spécialement aux clercs de tous temps qui cherchent à faire passer leurs opinions fausses pour une parole évangélique. Ils sont cependant trop humains pour ne pas s’étendre au-delà des réalités spirituelles. Ainsi, des politiciens font communément accroire à leurs peuples qu’ils promeuvent leur bonheur alors qu’ils les enchaînent à des intérêts qui leur sont étrangers. Des économistes libertaires, pour favoriser leurs stratégies mondialistes, prétendent que leur pensée serait héritière du thomisme de Salamanque.   

Pourquoi rappeler cela à propos des projets sur l’euthanasie ? Parce qu’en amont des discours qui la promeuvent, et qui invoquent pêle-mêle la sensibilité, l’humanité, la compassion et la liberté, se dissimulent des systèmes structurés de pensée militante, conçus pour être politiquement efficaces, et qui, sous les discours manipulateurs de l’émancipation et du droit, tendent à procurer une subversion radicale et destructrice des sociétés humaines.

Des économistes libertaires, pour favoriser leurs stratégies mondialistes, prétendent que leur pensée serait héritière du thomisme de Salamanque.   

Il en est de l’euthanasie comme de l’avortement, des théories du genre, du transsexualisme, du féminisme hystérique ou de l’illuminisme écologiste ou animaliste. Tous les discours qui les promeuvent s’inscrivent dans des stratégies réfléchies et trompeuses, qui tendent à les proposer à nos contemporains comme autant de voies émancipatrices alors qu’elles ne les conduisent qu’à leur ruine personnelle et collective.

Intéressons-nous un peu à ces systèmes militants. Nous évoquions plus haut l’économisme libertaire. L’un des fondateurs de l’École autrichienne, Ludwig von Mises (1881-1973), écrivait ceci : « Les êtres d’ascendance humaine qui, de naissance ou à cause d’un défaut acquis, manquent de capacité à agir (au sens large du terme, et pas seulement légal), afin de réaliser des effets pratiques, ne sont pas des êtres humains. Même si les lois et la biologie les considèrent comme des hommes, il leur manque, de fait, ce qui caractérise spécifiquement l’être humain. Le nouveau-né n’est pas un être agissant ; il n’a pas encore parcouru toute la trajectoire qui va de la conception au plein développement de ses qualités humaines. Ce n’est qu’au terme de ce développement qu’il deviendra un sujet d’action » (L’action humaine, Traité d’Économie). Celui qui n’a pas encore atteint ce terme n’est donc pas encore un « humain » ; celui qui l’a accidentellement ou naturellement dépassé, n’en est plus un. Avortement et euthanasie obéissent à une même logique.

L’influent philosophe australien Peter Singer (1946), chantre de l’animalisme, entend effacer toute distinction morale entre les humains et les autres animaux. Il soutient en outre, dans son ouvrage Questions d’éthique pratique, la nécessité de distinguer, parmi les humains eux-mêmes, ceux qui sont des « personnes », c’est-à-dire qui sont « conscients de soi », de ceux qui n’en sont pas, la vie, selon lui, n’ayant pas de valeur en elle-même.

Qui n’a pas conscience de soi – un enfant dans le sein de sa mère, un handicapé mental, la victime d’un accident en état comateux, un vieillard atteint de la maladie d’Alzheimer – n’est pas ou n’est plus une« personne ». Peter Singer en est venu à considérer que la vie d’un chien en bonne santé avait intrinsèquement plus de valeur que celle d’un homme malade, parce que ce chien est capable d’expériences positives que « l’animal humain »ne connaît plus à raison de son état. Il n’y a dès lors guère de raison de ne pas appliquer à l’homme malade le sort réservé au chien malade.

L’influent philosophe australien Peter Singer (1946), chantre de l’animalisme, entend effacer toute distinction morale entre les humains et les autres animaux.

Ces conceptions anthropologiques, diluées patiemment dans les sociétés par ces auteurs et tant d’autres, avec la complicité active des institutions politiques d’enseignement, de lobbies et de médias, sont directement liées, on le voit aisément, aux problématiques de l’infliction légale de la mort dans nos sociétés : l’avortement, l’euthanasie, l’infanticide même. Peter Singer appelle d’ailleurs ce dernier de ses vœux sous le nom « d’avortement post-natal », notamment à l’égard des handicapés. Ces conceptions tendent aussi à justifier la légitimité de la marchandisation de ces choses qui, dans le ventre des femmes, « ne sont pas des êtres humains »(von Mises). Murray Rothbard (1926-1995), dans son Éthique de la liberté, affirme qu’il est licite de produire dans les ventres maternels « un florissant marché d’enfants ». Destruction de la vie et capitalisme libéral font ici le plus heureux ménage.

Nous ne citons pas ici des théoriciens nazis ou néo-nazis. Il s’agit d’autorités reconnues du monde libéral ou néo-libéral. Ces auteurs n’ont pas enseigné leurs thèses en cachette, à Buchewald ou à Ravensbrück, à l’abri de miradors et de barbelés, mais dans de prestigieuses universités largement ouvertes sur l’auditoire du « monde libre ». Singer est titulaire de la chaire d’éthique (sic) à l’Université américaine de Princeton ; Rothbard enseignait à l’Université de New-York, tout comme Mises. Singer a reçu en mars 2023 le prix Frontières de la connaissance, délivré par la Fondation BBVA, financée par le groupe bancaire international BBVA, qui se décrit lui-même comme un « modèle de banque responsable visant à créer une société plus inclusive et durable ». Présentant élogieusement Singer sur le site de sa Fondation, BBVA l’a désigné comme «l’un des philosophes moraux les plus influents d’aujourd’hui » dont le travail « a marqué un tournant en élargissant le champ de l’éthique au domaine animal ».

Singer est titulaire de la chaire d’éthique (sic) à l’Université américaine de Princeton ; Rothbard enseignait à l’Université de New-York, tout comme Mises.

Si l’on rapproche ces thèses des slogans « Mon ventre est à moi ! », des hystéries abortives, des promotions de la gestation pour autrui, ou des « droits » revendiqués à infliger la mort à qui n’a pas à vivre, ou à qui n’a plus à vivre, au gré des opinions ou des calculs utilitaires arbitrés par l’État, un constat s’impose. Ces slogans de rue ou de presse, comme toutes les subjectivisations du sens de la vie, ne sont que les traductions simplifiées et grossières de ce que des penseurs conçoivent par ailleurs froidement et enseignent avec méthode et autorité. Ce que ceux-ci cogitent pour exaspérer les désirs d’une société libérée de toute transcendance, où l’homme est appelé à devenir l’objet de ses propres appétits animaux, ceux-là sont poussés à le revendiquer, à mesure que leurs restes de christianisme s’effacent, abreuvant plus ou moins inconsciemment leurs soifs de libertés nouvelles aux sources de leur propre mort.

Il est crucial de garder à l’esprit ces éléments à l’heure d’un énième « débat de société »sur l’euthanasie, lequel n’est en vérité ni un débat ni une exigence sociale.

Le mot « débat », en effet, n’est utilisé que pour donner aux violences morales infligées à la société les apparences de la prise en compte respectueuse des opinions contraires. C’est procédé habituel de manipulation. En réalité, l’idéologie à l’œuvre tient a priori ces opinions pour des erreurs à détruire. Il en est de ces opinions libres comme de ces animaux que l’on laisse un temps courir, à la chasse, avant qu’un coup de feu ne mette un terme définitif au futile espoir de survie que ce sursis avait fait naître.

Il n’est de surcroît attribué à ce pseudo-débat d’être « de société » que pour deux raisons. La première, pour donner l’illusion qu’il exprime des préoccupations de chaque citoyen, alors qu’il est provoqué par des lobbies qui en poursuivent inlassablement la consécration légale. La seconde, pour donner à croire que le succès final recherché sera le fruit d’un consentement général ne permettant plus de le remettre légalement en cause. Le processus suivi pour la légalisation puis la constitutionnalisation de l’avortement en est la parfaite illustration. Le « débat de société », repris année après année, ne consiste ainsi qu’à resservir encore et encore le même poison entre les mains des peuples et à les harceler de mille manières jusqu’à ce qu’ils se résolvent enfin à l’avaler librement pour entrer dans un état dont ils ne pourront plus sortir. Le croyant ne sera pas surpris d’y voir une analogie avec le processus de tentation qui conduit à la mort consentie.

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Il est donc de la plus haute importance de comprendre que ces prétendus « projets de société », présentés comme des conditions d’une société meilleure, plus juste et plus compatissante, sont nécessairement articulés aux philosophies délétères qui les inspirent plus ou moins directement et qui ne conduisent qu’à la mort de l’homme. Consentir à ceux-là, c’est nécessairement faire entrer les principes de celles-ci en son esprit. C’est faire un pas anthropologique et moral irréversible contre la création, et contre soi-même, peu important les excuses, souvent sentimentales, dont on cherche à le couvrir. Il n’y a dès lors pas d’autre alternative, pour qui entend rester humain, que de rejeter et de combattre résolument ces projets qui ne procèdent, comme toujours, que d’une escroquerie à la liberté et au bonheur et qui dissimulent mal, d’ailleurs, la marque de celui qui est « menteur et homicide dès le commencement »(Jn 8,44).

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