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L’éditorial de Jacques de Guillebon : La droite sans la droite

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Publié le

2 avril 2021

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Le numéro 41 est disponible depuis ce matin, en kiosque, par abonnement, et à la demande sur notre site. Voici l’éditorial du numéro, par Jacques de Guillebon.
edito

La nouvelle est tombée, stupéfiante : Xavier Bertrand est candidat. Candidat à quoi ? À présider un pays, une France dont on a oublié même quelle signification pouvait avoir son nom, à quoi elle servait, quel était son but, pourquoi on l’avait édifiée, patiemment, sur vingt siècles ? Cette gigantesque construction sur quoi se hissent pesamment des batteurs d’estrade pour lui cracher dessus, qui seraient incapables eux-mêmes d’en poser la moindre pierre, ce grand corps vivant, cette galaxie, cet univers si mystérieux, si plein de sang et de morts et de vivants (à tel point que l’historien Pierre Chaunu pouvait écrire il y a quarante ans : « Je puis désormais tracer le trait fort qui marque lourdement le destin de la France : les Français ont sous leurs pieds le sol qui contient, proportionnellement aux vivants, le plus grand nombre de morts »), ce prodige de l’humanité, et même si c’est notre pays et que l’on peut nous accuser de parti pris évident, qui demeure pourtant l’un des rares lieux de la terre où les foules ont encore envie de venir et de vivre, qu’elles soient touristes ou immigrées ; ce lieu qui est surtout du temps et qui par là nous dépasse, et heureusement déborde les petits maîtres que nous nous sommes donnés provisoirement ; dans la douce France donc, la nouvelle ridicule a résonné à nos oreilles ensanglantées : Xavier Bertrand est candidat. Peut-on faire plus déprimant et sommes-nous blanchis dans tant de travaux guerriers pour subir cette nouvelle avanie ?

Il est temps d’inverser la proposition : c’est nous qui avons les moyens de recréer un monde vivable et non les fameux progressistes dont l’unique moteur est cette « envie du pénal »

Oublions tout ça et essayons d’imaginer ce que nous voudrions à la place. Ne parlons pas de personne en particulier, puisque chaque être humain véhicule son écot de contradictions, attraction facile ou repoussoir injustifié, qui faussent notre jugement. On nous dira que le pouvoir est incarné : c’est pourquoi nous préférons un roi, justement parce qu’il n’a pas été choisi et qu’il échappe à la meghano-marklisation du monde. C’est-à-dire que peu nous chaut que le peuple lui prête telle vertu, qui généralement ressortit de l’art de la séduction le plus crasse ; ou tel défaut qui n’est que le fruit de l’envie et de la bassesse. Imaginons plutôt virilement ce que serait l’art de gouverner la France pour les temps qui viennent, et qui seront heureusement longs.

Nous disons la droite, mais évidemment ce n’est pas ça qui nous intéresse dans le fond ; même quand nous disons la France, ce n’est pas un territoire, un temps et une portion d’humanité qui seuls nous passionneraient – faux procès que font les cosmopolites qui n’arrivent jamais à saisir ce qu’universalité veut dire, non pas tous tournés vers l’un, mais l’un qui s’adresse à tous pour le grandir. Donc nous disons un monde déchu, où la faiblesse humaine est une réalité, mais où cette réalité n’est pas la seule, et où le réel surtout n’est pas juste ce contre quoi on se cogne, pas seulement ce qui « résiste » comme le savait Platon qui déjà se moquait de cette limite assignée à la pensée par ses contemporains matérialistes : bref, si nous voulons changer le monde, c’est-à-dire le sauver de lui-même, nous ne pouvons-nous résoudre à cette facilité de la pensée « conservatrice » actuelle qui est de croire que le réel va se charger seul de nous libérer. Outre que plus personne ne saurait dire quel est le réel, il est temps d’inverser la proposition : c’est nous qui avons les moyens de recréer un monde vivable et non les fameux progressistes dont l’unique moteur est cette « envie du pénal » qui les pousse à traduire devant le tribunal de l’univers n’importe qui pourvu que ça les venge. Que ça les venge de quoi ? On l’ignorera toujours, et peu importe.

Lire aussi : L’éditorial de Laurent Meeschaert : France libre

Importe en revanche que nous démontrions que l’homme vivra mieux et plus heureux selon les fins que nous lui assignons et les moyens que nous lui concédons soit que : animal social, c’est dans l’amitié politique qu’il est amené à se développer, c’est-à-dire dans une harmonie qui n’est pas l’organisation de la domination mais la considération de l’égale dignité de tous, laquelle suppose l’existence de familles stables ; une éducation ordonnée à la connaissance du vrai et non à l’accaparement de biens ; enfin une nourriture pour l’infini qui est en lui, et qu’on appelle son âme. Que tout ceci ne peut être bâti que par une stimulation qu’on appelle la contemplation du beau, ou par une appétence au bonheur.

Quel rapport avec la candidature de Xavier Bertrand ? Aucun, justement, sinon que les propos de l’ancien assureur de Saint-Quentin témoignent de la chute de la droite qui croit se refaire en excipant de sécurité, de justice, d’ordre dans les comptes publics et autres fadaises pour retraités apeurés et grincheux. On ne gagne jamais contre une idéologie ou une foi mortifères en garantissant un taux de croissance, on devrait le savoir depuis le XXe siècle. On vainc par l’esprit, par le sacré et par la prière. Car, pour paraphraser un célèbre éditorialiste, c’est souvent en commençant par s’agenouiller qu’un peuple se lève.

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