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L’enlèvement d’Europe : mutualiser les migrants mais pas les dettes

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Publié le

30 mai 2018

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@DR

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« L’Europe est en train de renoncer à la puissance ou, pour dire la chose autrement, elle s’en détourne au bénéfice d’un monde clos fait de lois et de règles, de négociation et de coopération transnationales. Elle pénètre dans un paradis post-historique de paix et de relative prospérité, concrétisation de ce que Emmanuel Kant nomme la paix perpétuelle », écrivait en 2003 Robert Kagan, néo-conservateur dirigeant le célèbre think tank, Project for the New American Century (PNAC), dans son essai sur La Puissance et la FaiblesseUne paix perpétuelle aujourd’hui bien secouée par le bras de fer que se livrent les mouvements favorables à une accélération de la construction européenne, et les mouvements qui contestent l’Union européenne actuelle, à plus ou moins haute intensité. Il est juste de dire que l’Union européenne incarne présentement une forme d’impuissance acquise, qu’elle se défait et que les peuples qui la composent s’en défient. Le cas de l’Italie, dans l’incapacité de former un gouvernement depuis tout de six mois, s’il doit être analysé à l’aune de fragilités institutionnelles endogènes de la Botte, révèle aussi les fractures et les tensions ayant cours au sein de l’Union européenne.

 

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Volontariste, sinon habité, Emmanuel Macron rêve d’une Europe régénérée, qui ne soit plus engluée dans l’impuissance acquise, qui s’inspirerait, pourquoi pas, par les songes de Stefan Zweig et de Victor. Des « Etats-Unis d’Europe » ? Une terminologie qui ferait aujourd’hui bondir, mais qui correspond, à peu de choses près, à ce qu’Emmanuel Macron voudrait faire d’une Union européenne dont il ne cesse de fustiger l’immobilisme, institution de rentiers, voire de « petits-bourgeois » arcboutés sur leurs privilèges ! Las, si l’approche fonctionnaliste d’un David Mitrany, organisant l’espace européen commun par la réalisation progressive d’objectifs matériels et concrets, le plus souvent économiques, a pu aider à la disparition de la majorité des conflits militaires intracontinentaux et à la suppression des frontières, l’Union européenne n’a toujours pas pleinement « pris racine dans l’humus des peuples », pour reprendre une formulation de l’écrivain viennois susmentionné.

 

De fait, la position française, défendant l’établissement d’une Union plus politique, ne trouve pas de soutiens de poids. Tétanisée par l’AfD et les libéraux eurosceptiques, Angela Merkel lâche Emmanuel Macron dans la fosse aux lions. L’Allemagne veut bien mutualiser les migrants, mais pas les dettes. À chaque fois que le Président Macron tente de faire bouger les lignes, il se heurte à des refus cinglants. Quand il croit avoir gagné, il n’obtient finalement que des victoires à la Pyrrhus. La réforme du travail détaché, actuellement débattue en trilogue, en est le meilleur exemple. La France a su mobiliser l’Union sans parvenir à négocier un accord satisfaisant : rien sur le transport routier, rien sur le règlement relatif au maintien du régime de sécurité sociale de l’Etat d’envoi, etc.

 

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L’Union européenne ne se conçoit pas comme une aventure politique, ni comme un outil de défense des grands permanents de la civilisation occidentale, encore moins des peuples et de ce qui les forment, leurs identités respectives et leurs cultures. Il s’agit avant tout d’une machine techno-administrative d’une extrême rigidité, quasi irréformable, obnubilée par le commerce et les marchés. Tous les Etats-membres comprennent, peu ou prou, qu’un ressort est cassé et qu’il n’est pas souhaitable de continuer sur cette route. Emmanuel Macron fait d’ailleurs le même constat que le gouvernement autrichien, que la coalition italienne, que les pays du Cercle de Visegrad et que la majorité des opinions publiques : il faut tout changer. À cette nuance près que lui veut que tout change pour que rien ne change vraiment. Il y a quelques jours, le commissaire européen allemand Gunther Oettinger disait que « les marchés (apprendraient) aux Italiens à bien voter », rappelant le fameux « Il n’y a pas de vote démocratique contre les traités européens » du Luxembourgeois Jean-Claude Juncker. Résultat ? Le mardi 29 mai, les bourses européennes terminaient dans le rouge, les analystes des grandes banques pointant du doigt le « dangereux cocktail italien ». La peur pousse à la faute.

 

C’est cette même peur qui a entrainé le Président de la République italienne Sergio Mattarella, habituellement reclus sur les hauteurs du Quirinal, ancienne demeure de la Maison de Savoie régnante, à refuser d’accepter la nomination du ministre de l’économie Paolo Savona proposé par la Ligue et le Mouvement 5 étoiles. Gris, terne, voire austère ; Mattarella a pris une décision osée, dangereuse. Il a écarté Savona, pourtant ancien ministre de l’Economie, en raison de phrases polémiques, parfois excessives, avouons-le, adressées contre l’Allemagne et Angela Merkel. Ce faisant, il a donné du crédit à tous ceux qui affirment que l’Union européenne, à mesure qu’elle est contestée, devient une prison des peuples, et même la négation de l’Europe réelle, celle qui nous vient en héritage de la Grèce, de Rome, du christianisme, et plus généralement de l’humanisme. Car, le gouvernement proposé par la Ligue et le Mouvement 5 étoiles avait la légitimité des urnes, l’assentiment d’un peuple qui s’est exprimé dans le cadre démocratique. Il n’est pas dit d’ailleurs que de nouvelles élections n’aboutiraient pas à une amélioration des scores de la Ligue et du Mouvement 5 étoiles. Et là, que fera Sergio Mattarella ? Que fera l’Union ?

 

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Un Italexit, qui n’est pour l’instant souhaité par personne, aurait des conséquences beaucoup plus importantes que le Brexit, l’Italie étant membre de la zone euro et signataire des accords de Schengen. Dernier point, les prochaines élections pourraient provoquer de nouveaux bouleversements. Si le Mouvement 5 étoiles réalise un score important, il serait susceptible de gouverner seul, en se passant de la Ligue. Quant à la Ligue, on peut se demander si elle privilégiera l’alliance de « centre droit » ou ses nouvelles relations avec la formation créée par Beppe Grillo. En face, il n’y a pas de personnalités charismatiques pour défendre la position pro européenne, pas de leader naturel. Le véritable enseignement de ces crises à répétition est que les électeurs « antisystèmes » votent pour des considérations « patrimoniales », tant anthropologiques – en manifestant leur refus du changement de peuple et de culture par l’immigration de masse – qu’économiques, craignant la paupérisation et le déclin. Les gouvernants européens doivent répondre à ces deux angoisses urgemment, avant d’être broyés, sacrifiés à l’Allemagne égoïste et à des fonctionnaires européens au fonctionnement autistique. Ce qui se passe en Italie peut n’être qu’un épisode. Ce peut-être aussi le prélude d’un chaos généralisé. L’an prochain à la même date, le Parlement européen aura été entièrement renouvelé. Son nouveau visage pourrait être extrêmement différent de celui que nous connaissions, faisant la part belle aux nationalistes, aux mouvements dits populistes ou aux formations hostiles à l’immigration, isolant un peu plus Emmanuel Macron et Angela Merkel. Quels groupes ? Quelles alliances seront nouées à l’issue de ce qui sera, en France, une mini présidentielle à un tour ? L’avenir politique du continent en dépend peut-être…

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