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« Limonov, la ballade » : êtes-vous plus Russe que lui ?

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Publié le

4 décembre 2024

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« Limonov dit beaucoup de la Russie et de l’exil, et de cette impossibilité atavique qu’ont les Russes à embrasser nos idéaux démocratiques occidentaux. » Notre critique du film « Limonov, la ballade » de Kirill Serebrennikov.
© Limonov, la ballade

Kirill Serebrennikov est un pur produit du cinéma russe contemporain : on peut le détester pour ses affèteries, pour son maniérisme parfois daté, pour son lyrisme exacerbé et ses emprunts au théâtre – vieux réflexe du réalisateur soviétique qui tient le cinéma pour une sorte de spectacle total, puisant autant dans l’agit-prop et le spectacle vivant que dans l’esthétique publicitaire. Exilé à Berlin pour des raisons évidentes d’incompatibilité avec le régime, on le soupçonne au premier abord d’avoir un peu tiédi, tant s’accumulent les appels du pied un peu lourdingues à l’occidentalisme bienveillant : des acteurs russes qui jouent en anglais, une narration sans risque qui se complait un peu trop dans la reconstitution appliquée des années 80. D’autant que s’il s’attaque à la vie trépidante de l’écrivain Édouard Limonov, figure du poète russe exilé, sorte de marginal punk auteur de journaux très gonzos, il le fait par le prisme de la biographie d’Emmanuel Carrère, notre rasoir entrepreneur de biographies journalistiques bien sous tous rapports.

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On avait quitté Serebrennikov sur une Femme de Tchaïkovski radicale, portrait de femme psychotique qui assumait complètement d’être à rebours de l’ambiance féministe actuelle, en décrivant méthodiquement un female gaze vénal et toxique. Avec Limonov, on est a priori dans un registre plus balisé, celui du biografilm appliqué, avec juste ce qu’il faut d’esprit russe et d’audace formelle pour justifier son lignage. Pourtant, peu à peu, les obsessions du réalisateur reprennent le dessus, et sa maîtrise plastique emporte malgré ses facilités – en particulier dans un épisode new-yorkais porté par la superbe Viktoria Miroshnichenko. Serebrennikov poursuit son travail de sape des légendes : l’écrivain « engagé », qui fut célébré dans le Paris des années 80 pour ses positions dissidentes, puis haï pour son nationalisme sans concession, est montré comme un hors-champ de l’histoire : ni martyr, ni profiteur, juste une surface à noircir que la grande Histoire s’est évertuée à gribouiller à l’infini, sorte de palimpseste humain vaguement consentant. Au final, Limonov dit beaucoup de la Russie et de l’exil, et de cette impossibilité atavique qu’ont les Russes à embrasser nos idéaux démocratiques occidentaux. Presque salutaire, si l’on oublie le navrant caméo d’Emmanuel Carrère, plus constipé que jamais.


LIMONOV, LA BALLADE (2 h 18), de Kirill Serebrennikov, avec Ben Whishaw, Viktoria Miroshnichenko, Tomas Arana, en salles le 4 décembre.

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