Mardi 29 mars 1988. Le téléphone du ministre français de l’Intérieur et de celui des Affaires étrangères sonnent en même temps. La police a été appelée rue des Petites-Écuries, dans le Xe arrondissement de Paris, afin de constater le décès d’une femme tuée de cinq balles dans le corps. La victime est loin d’être inconnue puisqu’il s’agit de Dulcie September, représentante de l’African national Congress (ANC) en France. Une enquête est ouverte mais les diverses pistes explorées ne permettent pas d’identifier les auteurs et la justice finira par classer le dossier en 1992. Le dossier refait surface six ans plus tard lorsque l’ancien officier de la police sud-africaine (Vlakplaas), Eugène de Kock affirme devant la Commission vérité et réconciliation (TRC) que la militante a été assassinée par la France.
Revenons en arrière. C’est en 1984 que Dulcie September débarque dans la capitale française. Les relations entre l’Hexagone et l’Afrique du Sud ont pris un nouveau tournant depuis l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand. Du moins en surface, car si le chef de l’État condamne publiquement le régime d’apartheid mis en place par la minorité blanche afrikaner depuis un demi-siècle, la politique française vis-à-vis de Pretoria n’a pas changé. Aide au programme nucléaire, vente d’armes ou poursuite des importations de charbon vers l’Afrique du Sud, Paris excelle dans l’art et la manière de détourner l’embargo via ses anciennes colonies. La première cohabitation (1986-1988) va accélérer cette coopération lancée sous le général de Gaulle. Lors de l’affaire Pierre-André Albertini, du nom de ce coopérant français arrêté dans le bantoustan indépendant du Ciskei, en possession d’armes pour l’ANC, le Premier ministre Jacques Chirac n’hésite pas à rappeler par courrier au président P. W. Botha, les « intérêts communs » entre les deux pays. [...]
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