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« Si on prend une grosse lettre, qu’on la met sur un tee shirt et qu’on écrit Banksy, c’est réglé… On peut le vendre. Sans vouloir manquer de respect à Rob » ; avait dit le roi de la jungle britannique Goldie, dont le surnom évoque sa mâchoire en or massif façon Requin dans James Bond, au détour d’un entretien sur le podcast Distraction Pieces, relançant les spéculations autour de la véritable identité de Banksy.
À l’image des Daft Punk, Banksy est un célèbre inconnu, apparaissant masqué lors de ses très rares interventions médiatiques, caché par une œuvre qui « pèse » désormais un gros paquet d’espèces sonnantes et trébuchantes, car c’est bien ainsi qu’on évalue l’art de nos jours ; par son coût, comme l’avait décrit, non sans humour, Michel Houellebecq à travers le personnage de Jed Martin, et de ses toiles fictives, notamment celle présentant « Damien Hirst et Jeff Koons se partageant le marché de l’art ». Les exégètes des prodiges réalisés par Bansky hésitent encore sur son nom. Est-il Roberto Del Naja, moitié du duo trip-hop Massive Attack, ou bien Robin Cunnigham, un artiste dans la trentaine qui aurait fréquenté une école pour gosses de riches, selon le magazine en ligne Art Daily ?
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Ce que nous savons avec certitude sur Banksy est qu’il s’agit d’un homme britannique habitant Londres ou ses environs, certainement Bristol, de type caucasien, et graffeur reconnu entretenant de nombreuses amitiés dans le monde de la musique électronique (le genre hip hop a mis du temps à s’imposer chez nos voisins outre Manche dans les quartiers jamaïcains imprégnés par le reggae, le breakbeat, le ska, la culture punk en général, ne devenant majeur qu’à retardement, et sous des formes étonnantes telles que le Grime et le UK Garage, bien représentées par Skepta, Dizzee Rascal ou The Streets). Banksy est donc une expression de la culture de rue anglaise des dernières années, grandement influencée, c’est peu su, par des artistes français.
Né en 1952, Xavier Prou dit « Blek le rat » a passé les quarante dernières années à peindre les murs des grandes villes du monde entier, pionnier du pochoirisme au côté de l’espiègle féministe Miss Tic. Ces artistes, beaucoup moins renommés que Banksy, y compris en France, ont pourtant puissamment contribué à l’émergence et à la notabilisation de leur successeur anglais. Pourquoi, entre tous, Banksy est-il celui qui a atteint une renommée mondiale et une cote rivalisant avec les noms les plus prestigieux de l’art du XXème siècle ?
Le discours politique de Bansky est appuyé, évident, sinon enfantin
En premier lieu, parce que Banksy est un artiste didactique, facile à comprendre, d’aucuns diraient d’ailleurs, à raison, que son œuvre est simpliste. Son discours politique est appuyé, évident, sinon enfantin. En 2015, il épinglait un portrait de Steve Jobs, le fondateur d’Apple, muni d’un baluchon de migrant, aux abords de la jungle de Calais. Difficile de faire plus lourd et plus univoque, surtout si l’on compare ce message à ceux de Miss Tic, plus fins et bien sentis, à l’image de ses célèbres pochoirs tels que « Tes faims de moi sont difficiles » ou « Trouver un terrain d’entente pour nos résiliences secondaires ».
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Aisée, Miss Tic aura pourtant laissé filer le sou fétiche de Picsou dans les poches de Banksy. Son œuvre est plus adaptée à une époque constamment saisie par les émotions, où l’ironie et le second degré ont déserté, cédant la place aux discours lénifiants pour individus moutonniers qui confondent Starbucks avec un café et prennent Raphaël Glucksmann pour une grande conscience. Comment serait reçu aujourd’hui Bernard Buffet, hors le Japon qui continue à l’honorer avec une grande dévotion ? Accepterions-nous d’être brusqués, violentés par une œuvre qui magnifie plus le geste que le concept ? Le public réclame du prêt-à-penser, du prémâché, du confortable.
Qu’on aperçoive une petite fille noire dessinant à la bombe une croix gammée, dénonciation grossière d’une politique migratoire française permissive que Banksy ne doit pas connaître, et c’est tout ce que la France compte d’esprits dénués d’une véritable sensibilité à l’art qui s’esbaudit. Le mystère ? La puissance ? Le danger ? Allons-y ; le soufre d’une œuvre vraiment dangereuse ? Personne n’en veut, car se plonger dans un Van Gogh ou devant les portraits contrefaits de Velasquez, c’est bien risquer le face-à-face avec une âme à nu, tourmentée et rétive au dialogue. Nous ne méritons pas mieux que Banksy et son street art, son art de rue, d’une rue entendue comme forum du vulgaire. Ce n’est pas laid ; ce n’est pas beau ; ce n’est pas touchant ; ce n’est pas méchant. C’est tout simplement fade.
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