De l’eau, de la levure, de la farine, du sel. Il ne faut rien de plus, mais rien de moins pour obtenir ce sommet absolu de l’art et de la gastronomie, j’ai nommé la baguette de pain à la française. 250 gr de perfection et de bonheur indicible. Osons-le dire : un avant-goût du paradis.
Ou plutôt si, il faut quelque chose en plus. Des siècles de patience et d’amour, de savoir-faire et d’art de vivre. Cela s’appelle la civilisation.
L’UNESCO vient enfin de faire accéder la baguette à cette consécration universelle qu’est l’inscription au patrimoine immatériel de l’humanité, où elle rejoint, pêle-mêle, la construction et l’utilisation des pirogues monoxyles expansées dans la région de Soomaa en Estonie et les danses croates de la Saint-Tryphon. Il était temps.
À l’annonce de cette belle nouvelle, une inquiétude nous envahit cependant. Le classement par l’UNESCO n’est-il pas une forme de sacralisation des chefs-d’œuvre en péril ? À l’image des monuments historiques, seul ce qui subit les outrages du temps et est menacé de disparition mérite d’être épinglé au panthéon des gloires universelles de l’humanité, avant de n’être plus qu’un lointain souvenir qu’on évoque d’une voix tremblante avec un soupir.
À l’image des monuments historiques, seul ce qui subit les outrages du temps et est menacé de disparition mérite d’être épinglé au panthéon des gloires universelles de l’humanité
Dans les années 1990, la baguette a bien failli disparaître. Un temps pas si lointain, celui de l’enfance du modeste auteur de ses lignes, qui se rappelle quand il fallait parfois faire des kilomètres pour dénicher l’objet rare, une baguette à la croûte dorée et croustillante à souhait, avec une mie délicatement alvéolée, à la couleur écrue tirant légèrement sur le bistre. [...]
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