La naissance de Bathilde se perd dans les brumes de ce qu’on appelle aujourd’hui l’Angleterre. Rome s’effondre, et les terres éloignées sombrent dans des commerces douteux. Bathilde est vendue, enfant, comme esclave. Par chance, Dieu lui fait la grâce de ne pas ressembler à un cageot. Bathilde serait plus ou moins anglo-saxonne, du temps que les Anglaises ne donnaient pas l’impression d’avoir été un cheval dans toutes leurs vies antérieures. Mais ce petit bout de femme claque tellement de beauté et de caractère que les troubadours lui ont inventé un passé d’enfant royale cachée.
Un certain Erchinoald la trouve mimi, lâche quelques pièces aux corsaires et embarque avec lui une toute jeune Bathilde très impressionnée. Sauf qu’Erchinoald n’est pas exactement le pécore du coin. C’est même le maire du palais du royaume de Neustrie.
Il refile mini-Bathilde à bobonne. La petite demoiselle est charmante, serviable, attentive, pieuse, et grave, grave belle, de plus en plus à mesure que passent les années. Quand madame Erchinoald meurt, monsieur regarde la petiote en se disant que bon, finalement, s’il parle vite, peut-être que le curé ne remarquera pas qu’elle n’a que douze ans.
Bathilde serait plus ou moins anglo-saxonne, du temps que les Anglaises ne donnaient pas l’impression d’avoir été un cheval dans toutes leurs vies antérieures
Bathilde, en apprenant ses intentions, ouvre grand ses yeux clairs effrayés et s’enfuit dans le palais. Elle se cache dans un recoin, et aperçoit un adolescent, qu’elle reconnaît presque. Un personnage important, mais lequel ? Tant pis, ce jeune seigneur la comprendra sûrement. Après tout, il porte la croix, comme elle. Elle rajuste sa coiffure défaite, lui fait signe discrètement de s’approcher, et expose son cas à voix basse à celui qui est en réalité… Clovis II, roi de Neustrie. Lui est à l’écoute, mais surtout prend feu. Une jeune et fragile demoiselle en détresse, le suppliant de l’aider à échapper à un mariage forcé. Le jeune roi tombe fou amoureux. Il cache la belle esclave dans les quartiers d’une dame de compagnie, le temps qu’Erchinoald trouve de dépit une autre épouse. Puis, Clovis II sort Bathilde de sa cachette, lui file une jolie robe, l’affranchit, et lui demande sa main. Cendrillon peut aller se rhabiller. Les nobles de la Cour, qui auraient bien voulu refiler leurs rejetons entre les pattes du Roi, grincent des dents. Et puis vous comprenez, elle n’est même pas noble. Mais Clovis et Bathilde sont si mignons que le curé, touché, ordonne à tout ce beau monde de fermer consciencieusement sa gueule. Il en a plein les étagères de confesser des rois infidèles parce que mariés politiquement. Ces deux-là s’aiment, pour de la vraie, et cheh les rageux[...|
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