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Paulina Dalmayer : « La légalisation de l’euthanasie va juste soulager l’enfer dans lequel certaines personnes sans solution se trouvent »

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Publié le

29 avril 2022

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La journaliste et écrivain Paulina Dalmayer est l’auteur de « Je vous tiendrai la main. Euthanasie travaux pratiques », livre-enquête sur l’euthanasie en Europe, paru en 2015 (Plein Jour). Elle nous explique pourquoi, selon elle, l’euthanasie peut être considérée comme un moindre mal.
Dalmayer

Selon vous, l’euthanasie est-elle une bonne solution pour mettre fin à vos jours ?

La première question à se poser, c’est : « de quoi parle-t-on quand on parle d’euthanasie ? » Il y a plusieurs procédés pour exercer ce qu’on appelle une euthanasie. Les résultats des sondages montrent que la majorité des Français souhaite la légalisation. Mais selon quel modèle ? Il est facile de faire des sondages pour faire monter la sauce politique, sans que les sondés sachent de quoi l’on parle exactement. L’euthanasie finira par entrer en vigueur, nous n’y échapperons pas, et c’est tant mieux. Mais doit-on se calquer sur les Belges et laisser cette responsabilité essentiellement aux médecins généralistes ? Ou peut-être choisir le modèle suisse, beaucoup plus libre pour ne pas dire libéral ? On sait qu’il y a eu quelques dérapages en Suisse, où des personnes qui ne remplissaient pas les conditions d’accès à l’euthanasie y ont quand même eu accès en falsifiant quelques documents. Reste aussi la méthode américaine où un médecin prescrit une dose létale et le patient rentre à la maison et se débrouille ? C’est une procédure critiquable, mais il se trouve que quand les gens ont en main une dose létale de médicament, pour la plupart, ils ne l’utilisent pas. 

Il faut savoir ce que l’on veut, ce qui n’est pas le cas pour le moment. La France autorise une forme d’euthanasie qui ne dit pas son nom avec la loi Claeys-Leonetti : on peut vous administrer une dose de médicament pour vous soulager. Autrement dit, on vous plonge dans un sommeil très profond pour ne plus vous réveiller. Selon moi, c’est une loi, qui permet aux politiques de ne pas mener de combats et aux médecins de se couvrir sans avoir à vous injecter une dose létale. 

Vous parliez de la Belgique, où ce sont les médecins qui s’occupent d’effectuer les euthanasies. Pensez-vous que ça puisse être un acte trop lourd à porter pour les médecins ?

C’est souvent le cas : j’ai mené une enquête pour mon livre, et dans ce cadre j’ai interviewé un généraliste, Yves de Locht, un de ces médecins à l’ancienne qui connaissait très bien ses patients, et qui accomplissait ce geste comme une ultime mission. Accompagner un patient incurable jusqu’au bout et agir pour abréger ses souffrances ne lui faisait pas rompre son serment d’Hippocrate. Au contraire, il estimait que cela fait partie de ses obligations. Il n’y a aucun médecin à qui cela ne coûte rien. Les Belges ont un solide réseau professionnel qui permet aux médecins comme aux infirmiers, à tous ceux qui prennent des décisions en la matière, d’échanger, de se surveiller mutuellement et aussi de se soutenir. Ce n’est pas comme si on tuait à la chaîne, en cédant devant des caprices passagers des patients lassés de vivre. Il faut arrêter avec cette hystérie.

Vous pensez qu’il vaut mieux un système à la belge, où c’est le médecin qui fait le geste, ou bien un système à l’américaine où la personne se donne la mort elle-même ?

Je dirais : pourquoi pas les deux ? Il y a des patients qui sont encadrés depuis de longues années par leur généraliste, et dans ce cas c’est le médecin qui effectuerait le geste. C’est une question qui va se poser pour la majorité d’entre nous, car ce que la médecine sait faire technologiquement parlant, elle le fera, pas toujours dans notre intérêt. Même si l’acharnement thérapeutique est interdit, les vingt dernières années de votre vie se résument à des visites médicales. Vous êtes rafistolé au fur et à mesure de votre vie. Anne-Laure Bloch, une neurologue, a une formule à la fois excellente et terrifiante pour dénoncer une « médecine qui créée du handicap ». Ce qui est vrai. D’abord, il faudrait se demander s’il est souhaitable que nous fassions ce que nous pouvons techniquement faire, au lieu d’examiner les bénéfices à long terme pour le patient. Nous fabriquons des êtres en grande souffrance parce que nous ne savons pas s’empêcher de soigner. Un exemple de mon livre, celui d’une Italienne avec des métastases, un cancer généralisé, à qui on a décidé néanmoins d’enlever une tumeur par une intervention chirurgicale très lourde. Au final, elle a demandé une euthanasie en Suisse. Dans certains cas, il faudrait que les patients aient la possibilité de faire une injonction chez eux avec leurs proches. Mais le problème avec la méthode américaine, c’est que le médicament peut se retrouver dans les mains d’une autre personne que celle à qui elle a été prescrite. C’est compliqué et délicat, car il y a aussi des gens qui se sentent apaisés par le fait de mourir chez eux, donc, je ne vois pas pourquoi on devrait le leur refuser. [...]

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