Fils d’une grande famille, aristocrate et érudite, Pierre-Guillaume de Roux fait converger dans sa maison d’édition les divers faisceaux du génie familial : littérature, polémique, rareté, style, tout s’y rassemble. Entretien avec l’un des derniers héritiers, au sens noble.
Vous seriez, selon certains journalistes, « l’éditeur du diable », celui « des infréquentables et des proscrits ». Vous reconnaissez-vous dans ce portrait ?
Les journalistes français sont généralement d’un conformisme effarant. Il est vrai que leur culture est très limitée et qu’ils ont été formés pour devenir de bons soldats de la pensée officielle. C’est le sort de ceux qui se situent hors du « cercle de la raison » – selon l’horrible expression d’Alain Minc – d’être aujourd’hui relégués à l’extrême droite et traités en infréquentables. Par paresse et par mauvaise foi, les bien-pensants aiment vous coller des étiquettes, vous enfermer dans leurs vieux schémas idéologiques. Ainsi ont-ils voulu faire de moi un éditeur extrémiste et militant. C’est plus facile, et cela évite de lire vraiment les livres que je défends.
Je m’honore d’avoir publié Alain de Benoist, Jacques Vergès ou Richard Millet. Ils sont, me dit-on, sulfureux. Peu m’importe, car leurs œuvres me semblent importantes. Ce qui m’intéresse c’est le talent d’où qu’il vienne, c’est la qualité d’une pensée ou d’un style. On me reproche parfois encore d’avoir édité Dominique Venner, mais j’ai aussi dans mon catalogue des écrivains qu’on peut difficilement classer à droite tels Luba Jurgenson, Boris Pahor, Angelo Rinaldi, Frédérick Tristan, Gilles Lapouge ou Jean-Louis Kuffer, par exemple, et je les admire autant que l’auteur d’Un Cœur rebelle. Est-il si difficile à ceux qui m’accusent imbécilement de « frayer avec l’extrême droite » de le comprendre ? Sans doute, car ces gens ont une pensée habituée, une pensée toute faite, c’est-à-dire, selon Péguy, une pensée morte.
Mais vous êtes un homme de droite, cher Pierre-Guillaume de Roux…
« Je ne suis pas un journaliste de gauche car je ne dénonce jamais personne ! » disait Guy Debord. À droite, il me semble que l’on garde davantage un esprit libertaire qui manque cruellement à cette gauche pétrie de tabous, à « ce salmigondis d’indignés professionnels » qu’évoquait Jean Cau, à cette caste qui pétitionne, non plus pour défendre un droit ou une liberté mais pour exclure et censurer, et qui aime dresser des listes noires.
Et puis cette gauche ne doute jamais de son excellence morale. Je ne supporte pas les professeurs de vertu de la gauche française. Mais je ne vote pas, et la politique politicienne ne m’intéresse pas. Ma droite, elle s’incarne surtout dans des écrivains qui ont défendu le noyau spirituel de la personne humaine contre toutes les abstractions idéologiques, contre toutes les idoles modernes.
Baudelaire, Villiers de l’Isle Adam, Léon Bloy, Bernanos, Gustave Thibon – je cite les auteurs qui me viennent immédiatement à l’esprit et que j’ai lus dès l’adolescence – voilà ceux qui me portent et m’inspirent. J’aimerais aussi ajouter (...)
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