En automne, en Europe, les gouvernements se ramassent à la pelle, les souvenirs et les regrets aussi, pourrait-on dire en plagiant Jacques Prévert. L'an dernier à la même époque, c'est Angela Merkel qui, la première, s'est détachée de l'arbre parlementaire européen, après un règne de seize ans à la tête de la CDU et de l'Allemagne, marqué par l'austérité, le pragmatisme et, pour beaucoup, l'immobilisme. Ironiquement, son successeur, Olaf Scholz, n'aura pas eu à attendre six mois pour se retrouver confronté à la plus grave crise de l'après-guerre froide, avec l'agression russe en Ukraine, et pour faire face aux conséquences géopolitiques de l'une des décisions les plus controversées de la chancelière quand elle était au pouvoir : l'abandon du nucléaire. Soumis à la pression de l'UE pour adopter les sanctions vis-à-vis de la Russie, comme à celle des écolos pour réduire les gaz à effets de serre, Scholz paye aujourd'hui, dans un contexte bouleversé, le prix de la volte-face énergétique de Mutti.
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Un an plus tard, Scholz, toujours à la tête d'une coalition inédite entre sociaux-démocrates, Verts et libéraux, achève de balayer les dernières illusions du passé et de l'ère Merkel. « La politique commence par la contemplation de la réalité. Surtout quand celle-ci ne nous plaît pas. La réalité, c’est notamment le retour de l’impérialisme en Europe », proclame-t-il en juillet 2022, dans une tribune publiée par Le Monde. En conséquence, Scholz assume sa décision d'avoir bravé deux interdits majeurs de la politique allemande : 1) le réarmement allemand, 2) l'orthodoxie budgétaire. Le premier interdit a été levé quand Scholz a affirmé vouloir consacrer une enveloppe de cent milliards d'euros à la modernisation de la vieille et décrépite Bundeswehr, le second, presque d'ordre religieux tant le tabou de la rigueur pesait sur la politique allemande, a volé en éclats face aux nécessités géopolitiques et énergétiques : au réarmement s'est ajouté la nécessité de réduire les importations de gaz russe de 55 % à 30 %. En un an, Scholz aura été contraint de prendre des mesures bien plus drastiques et audacieuses qu'Angela Merkel en seize ans. Reste à savoir si le nouveau chancelier pourra tenir longtemps à ce rythme car, autour de lui, les gouvernements continuent de tomber et de se ramasser à la pelle. [...]
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