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Haut-fonctionnaire émérite, essayiste et ancien délégué général de l’Association Française des Marchés Financiers, Pierre de Lauzun analyse la réforme des retraites dévoilée par Edouard Philippe.
Les annonces faites par Édouard Philippe dans son discours sur la réforme des retraites paraissent finalement plus justes qu’imaginé. Qu’en pensez-vous ?
Il y a ajustement dans le bon sens, mais certains vices constitutifs ne sont pas traités. Le plus grave est le refus obstiné de reconnaître que les retraites sont payées par les générations futures, et que ceux qui produisent celles-ci sont les parents, notamment les mères de famille. Or leur prise en compte reste minime, et au-delà de 2 enfants elle sera en deçà du système actuel. En fait il faudrait considérer que l’éducation d’enfants est un vrai métier, comme tel générateur de points (variable selon les situations). Des points ne résultant pas des cotisations car les droits futurs ne résultent pas des cotisations comme telles, mais de la possibilité qu’on aura alors d’honorer les retraites. Une deuxième est de ne pas déployer un des avantages majeurs d’un système à points : faire disparaître la notion d’âge pivot (sauf dans le passage d’un système à l’autre ). On devrait pouvoir prendre sa retraite quand on veut entre 55 et 75 ans, le nombre de points acquis alors donnant ce à quoi on a droit, divisé par l’espérance de vie de chacun à cet âge. Ce qui permet en outre une autre prise en compte de la pénibilité, si elle réduit mon espérance de vie.
Y a-t-il des professions ou certains types de travailleurs qui y perdront ?
La réforme fait disparaître l’avantage indu de ceux qui dans le système actuel ont des salaires beaucoup plus élevés pendant un temps, notamment les salaires élevés, car ils bénéficient de leurs 20 meilleures années, ce qui ne donne rien à ceux dont la carrière a été stagnante et qui de fait payent en partie pour les premiers. Elle pénalise aussi mais à juste titre les bénéficiaires des fameux régimes spéciaux de la RATP et de la SNCF et autres. Mais à nouveau elle pénalise et cette fois de façon regrettable les carrières irrégulières, notamment celles des femmes qui s’occupent de leurs enfants pendant un temps (remarque précédente).
Lire aussi : Le gouvernement fait passer cette réforme pour une nouvelle nuit du quatre août.
Peut-on faire confiance au système de points ?
En soi il est commode et clair, et donc meilleur. Mais il a le grave défaut d’être beaucoup plus facilement utilisable par un pouvoir qui raisonne de façon budgétaire pour ajuster les retraites. Le Premier ministre a parlé de règle intangible pour que la valeur du point ne baisse pas, mais sous le contrôle du Parlement, ce qui de nos jours ne rassure personne. Il faudrait au minimum réintroduire un élément solide de paritarisme.
Peut-on imaginer un autre système, plus juste et plus réaliste ?
Notre système, avant ou après la réforme, est la retraite par répartition, qui a une faiblesse de base : elle repose sur la confiance. Je paye aujourd’hui pour les retraites de mes prédécesseurs, et j’espère que mes successeurs payeront la mienne. Si ces successeurs ne sont pas assez nombreux, ou réticents à payer, ou moins riches, je n’aurai pas la retraite que j’attendais. Or le fait est que nous sommes bien moins assurés de l’avenir et de la solidarité que nous ne l’étions il y a encore 20 ans. On peut pallier cet inconvénient par trois moyens – et probablement en faisant les trois à la fois. D’abord en ayant un système très clair et transparent, incluant la prise ne compte du travail familial, ce qui n’est pas vraiment le cas de la réforme actuelle. Ensuite, en la combinant avec des éléments de capitalisation ; il s’agit de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. D’une part en complément comme aujourd’hui la Préfon pour les fonctionnaires ; cela permet en plus de diversifier les acteurs par profession ou autrement, avec une multiplicité de régimes libres. D’autre part comme l’avait fait Lionel Jospin avec le Fonds de réserve des retraites (bêtement dilapidé sous Sarkozy), en accumulant en parallèle pour soutenir la répartition. Ce qui a en outre l’avantage de constituer un Fonds d’investissement national.
Propos recueillis par Jacques de Guillebon
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