1) L’étudiant dépressif
Un classique dont on nous rebat les oreilles depuis le début de la crise. Valentin est étudiant en troisième année de licence d’histoire. Il était tout content de quitter l’ambiance gauchisto-touriste et les locaux sales de Tolbiac pour enfin arriver cette année à la Sorbonne-mère, au cœur du Quartier latin. Le premier semestre fut une renaissance : des bibliothèques sans rats, des toilettes en non-mixité de genre, des profs vraiment agrégés, la possibilité de suivre deux jours de cours pleins sans intervention des CRS pour forcer un blocage de syndicalist.e.s à la chevelure orangée. Mais depuis février, on a parlé de plus en plus d’un petit mammifère à écaille dont les habitants d’une ville de Chine centrale raffoleraient un peu trop, le pangogolin de Ouazzane, non Wuhan. Sa consommation serait à l’origine du coronavirus, tous ses potes de fac disent « corona » (ce qui sera très beauf dans un mois). Et puis c’est tombé. Fermeture des bars le samedi 14 mars à minuit. Lundi, sur l’écran de son smartphone, depuis le lit de sa minuscule chambre de bonne de la rue Daubenton, il a vu le président annoncer le confinement, sans jamais en prononcer le nom. Il avait de toute façon reçu un mail de la fac dans la journée. Fermée jusqu’à nouvel ordre. Valentin se désespère. Doit-il rentrer chez ses parents, dans le Haut Béarn, à Lourdios-Ichère, village de Jean Lassalle ?
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Il faut avouer qu’il n’y a pas grand-chose à y faire, le billet coûte cher et puis, si les cours reprennent, il sera immédiatement prêt à retrouver les bancs de l’amphithéâtre Richelieu… et les yeux de Camille, son crush. Il avait enfin réussi à s’associer à elle pour un exposé d’histoire médiévale, mais maintenant… Quelques apéros-Zoom. Des messages de Camille, pas assez, qui lui font trop souvent jeter des regards inquiets sur son téléphone quand il devrait réviser ses partiels. À part ça, il survit, il se force à se lever tôt le matin dans son 12 mètres carrés, c’est important pour ne pas sombrer dans l’oisiveté gluante de Netflix. Le temps libéré lui sert aussi à lire, il est tombé sur un ouvrage de Maurras à la bibliothèque de la Sorbonne en faisant des recherches sur le nationalisme sous la IIIe République. Mes Idées politiques que ça s’appelle. Bien moins facho que ce à quoi il s’attendait. Un ami lui a aussi parlé d’un concept formidable, l’incoronavirus, un web-quotidien lancé pour la crise par ces petits droitards de L’Incorrect. Il aime beaucoup, surtout la rubrique de cet illuminé d’Obregon. Il se surprend à insulter copieusement les dealeurs qui squattent le bas de son immeuble chaque soir en hurlant dans un drôle de sabir arabo-banlieusard, et il a même envie d’entrer à Saint-Étienne du Mont quand il y passe lors de ses balades d’aération d’esprit. Le soir, il se sent si seul qu’il parle à Dieu, il ne sait pas, ça l’aide, il a l’impression que ça donne le compagnon qui manquait à son âme. Il faudra vraiment qu’il passe à Saint-Étienne quand tout rouvrira, et qu’il s’abonne à L’Incorrect. [...]
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