Le 21 avril 1961, mon père, le colonel Bertrand de Seze, était en France. De vieilles blessures, datant du débarquement de Provence, exigeaient qu’il s’y fasse soigner. Trente ans auparavant, à 21 ans, il sortait de Saint-Cyr. La France avait, depuis, un peu changé, et lui aussi ; élevé dans des principes simples et solides (Dieu, la France, le roi), il avait appris l’arabe et le berbère, était devenu officier des Affaires Indigènes, avait déserté en 1942, avait été fait prisonnier par les franquistes – enfermé avec seize autres prisonniers dans pas même huit mètres carrés, il attrapa la variole et perfectionna son espagnol –, avait débarqué en Italie puis en Provence, commandé le bataillon français de l’ONU en Corée… Je passe quelques épisodes qui ne feraient que confirmer que mon père était un officier français ayant l’habitude du combat, et des blessures.
Dix-neuf ans après avoir déserté l’armée française pour aller combattre les nazis, il s’engageait dans la clandestinité pour combattre ceux qui, à leur tour, trahissaient la France
Le 22 décembre 1959, il prenait le commandement du 2e REI, régiment étranger d’infanterie de la Légion étrangère, dans le secteur d’Aïn Sefra. Il y fit du bon travail. L’une de ses citations précise : « Tout particulièrement convaincu de l’importance de l’action psychologique sur les populations musulmanes qu’il aime et dont il parle la langue et connaît leurs problèmes, s’est attaché à séparer celles-ci de la rébellion. » Survint le putsch. Comme d’autres, il avait été tenu à l’écart : les « factieux » n’avaient pas voulu embarquer avec eux tous les régiments ; ils pensaient surtout à la France et sans doute pas assez au pouvoir. Le 30 avril 1961, mon père était revenu dans son régiment. Le 1er mai, il démissionnait. Dix-neuf ans après avoir déserté l’armée française pour aller combattre les nazis, il s’engageait dans la clandestinité pour combattre ceux qui, à leur tour, trahissaient la France. [...]
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