Chroniqueur sur la chaîne spécialisée américaine CBS Sports, Thierry Henry avait prévenu le monde anglo-saxon : « Le Stade est à Saint-Denis. Saint-Denis. Faites attention. C’est situé juste à côté de Paris, mais vous pouvez me croire, ce n’est pas du tout Paris et vous ne voudriez pas y vivre ». Tenus le 5 mai dernier, ces propos avaient fait tiquer, provoquant l’ire de quelques internautes. Comment ? Thierry Henry, l’enfant des Ullis, serait-il devenu « réac » ou « de droite » ? Rien de tout ça, l’ex-champion devenu journaliste a tout simplement gardé son franc-parler. Il est avec son micro comme naguère il était avec son ballon ; lucide, froid, réaliste. Il ne fallait en effet pas être grand clerc pour se douter qu’il y avait toutes les chances pour que le Stade de France et ses abords soient le théâtre de débordements.
Pensez-donc, tous les ingrédients étaient réunis. Les prédateurs humains sont, à l’instar de leurs homologues du règne animal, des créatures opportunistes. Certains agissent de manière solitaire, d’autres en meute. La perspective d’une finale de Ligue des Champions drainant des dizaines de milliers de touristes étrangers, égarés dans les méandres des transports parisiens, possédant tous des téléphones portables et du liquide, ne pouvait qu’exciter les « riverains » comme le requin sentant l’odeur du sang à plusieurs milliers de kilomètres dans l’océan. Ne craignant plus la police, dont les dispositifs lourdauds pensés par le préfet Lallement sont plus aptes à taper indistinctement sur des pères de famille qu’à prévenir les véritables dangers, nos prédateurs locaux n’avaient plus qu’à agir avec la complicité passive de stadiers débordés et ridiculisés.
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« On a des voyous sans-papiers et des voyous de cités qui sont venus détrousser majoritairement des spectateurs espagnols et anglais en leur volant des effets personnels, téléphones portables et portefeuilles et il y a eu beaucoup de vols dans des véhicules stationnés aux alentours du Stade de France », a expliqué Matthieu Valet, porte-parole du syndicat indépendant des commissaires de police. Une description des évènements qui correspond parfaitement à celle qui a été donnée par les victimes anglaises et espagnoles. Elles ont pourtant d’abord été tenues … responsables. Et pas par n’importe qui, par nos ministres de l’Intérieur et des Sports. Ajoutant un peu plus de grotesque, de honte et d’incompétence à une organisation déjà calamiteuse, Gérald Darmanin et Amélie Oudéa-Castéra ont en effet commenté en direct. Ils se sont mis en scène sur quelques clichés pris au Stade de France, devant les caméras de surveillance.
Comme à son habitude, souhaitant se faire remarquer par son ton toujours à mi-chemin entre l’ironie détachée et la franchise de celui qui « sait des choses que vous ne savez pas encore », Gérald Darmanin a publié un message sur Twitter … dans lequel il blâmait les supporters de Liverpool. « Avec Amélie Oudéa-Castéra au PC sécurité du Stade de France. Des milliers de « supporters » britanniques, sans billet ou avec des faux billets, ont forcé les entrées et, parfois, violenté les stadiers. Merci aux très nombreuses forces de l’ordre mobilisées ce soir dans un contexte difficile », a-t-il ainsi osé écrire toute honte bue.
Cette soirée a non seulement montré au monde la réalité des « faubourgs parisiens » de 2022, mais aussi, l’impuissance totale des pouvoirs politiques à en juguler la violence
Il est vrai que la finale du dernier Euro avait montré une image assez déplorable des amateurs de football britanniques, se concluant par des émeutes au cœur de Londres, mais notre ministre devrait savoir que nos « quartiers » ne sont pas en reste et qu’ils sont tout aussi capables de violences. En l’espèce, les supporters de Liverpool étaient majoritairement venus en famille. Certains d’entre eux n’ont pas pu regarder le match, alors qu’ils possédaient des billets, d’autres, plus infortunés encore, ont été gazés sans raison par les CRS ainsi que le montrent de nombreuses vidéos diffusées dans la soirée. Cette soirée a non seulement montré au monde la réalité des « faubourgs parisiens » de 2022, mais aussi, l’impuissance totale des pouvoirs politiques à en juguler la violence. Le dispositif mis en place pour cette finale, essai grandeur nature en vue de la prochaine Coupe du Monde de Rugby et des Jeux Olympiques dans la capitale, s’est aussi révélé défaillant en plus de faire un usage aveugle de la violence.
Sergio Santos, journaliste espagnol présent à la soirée, a écrit ce message qui dit tout : « J’ai assisté à beaucoup de finales de Ligue des Champions. Ce qui se passe au Stade de France, je n’avais jamais vu ça. Il y a des groupes de Français autour du Stade qui attaquent et volent des supporters ». Les témoignages sont à sens unique, démontrant s’il le fallait encore à quel point la France est gangrénée par une délinquance de rue désormais ingérable. Ils se sentent d’ailleurs intouchables, un Algérien rentré en force ayant publié une vidéo sur Instagram dans laquelle il rit d’occuper illégalement une place à 5000 euros et s’amuse de « niquer la France ».
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Le problème n’est pas la « civilisation occidentale » comme l’a étrangement dit Henri Guaino au micro de C-News, c’est son absence. Nous avons refusé de faire régner un Ordre public juste et prospectif. Nous sommes donc nus aux yeux du monde. Sait-on que la basilique Saint-Denis ne reçoit que 50.000 visiteurs par an ? Un chiffre risible pour un monument aussi important de notre histoire. Désertée, la basilique des rois l’est parce qu’elle n’est plus vraiment sur le sol français. Elle est au cœur d’un intermonde multiculturel où plus personne ne s’aventure de peur de se faire agresser, dépouiller, voire tuer. La France n’est pas en voie d’ensauvagement, le processus est achevé. Dans certains endroits, c’est la loi du plus fort qui tient lieu de constitution.
Nous avons envoyé des milliers de gens dans un piège. Des touristes européens se sont retrouvés nez-à-nez avec des voyous venus pour semer le chaos. Ils y sont parvenus sans difficultés, grâce à un dispositif policier inadapté. Et que dire des transports ? Après le match, aux alentours d’une heure du matin, il n’y avait quasiment plus de métro ou de RER, sans compter les taxis et UBER bondés. Vous pouvez imaginer ce qu’on dû ressentir ces familles, coincées à Saint-Denis à une heure du matin sans possibilité de revenir rapidement à leurs hôtels. Rien n’avait été prévu pour eux. Ne parlons même pas des stadiers, dont une vidéo résume à peu près le rôle et la psychologie profonde : voyant Cyril Hanouna, ils ont laissé filer des spectateurs sans billets en échange d’un « snap » avec l’animateur. Voilà qui dit à peu près tout de l’état de notre pays.