Donc les terrasses de bars et cafés ont rouvert, à défaut des cafés et bars eux-mêmes. Ne boudons pas notre demi-plaisir : les terrasses, ça fait sacrément partie de l’anthropologie urbaine et notamment parisienne, on y a préparé des révolutions ou des réactions, de Camille Desmoulins à Sartre (en passant par Maurras). C’est quand même là qu’on tuait le temps, avant le déluge covidoïde. Moi, dans une vie antérieure, j’ai tué le temps, tenté de fuir le vide et l’ennui, cherché à me socialiser autour d’une ou deux terrasses dans le secteur stratégique du Trocadéro.
À la jointure des années 70 et 80, la bouche de métro située au départ de l’avenue de Malakoff, côté nord de la place du Trocadéro, était devenue «the place to be» – surtout le samedi, ou en fin d’après-midi le reste de la semaine – pour toute une belle jeunesse : blousons dorés, juifs du Sentier, minettes, Libanais, fachos modernes et divers droite. L’abcès de fixation étant constitué par le salon de thé Carette, connu pour ses macarons chers et les filles qui les consommaient en terrasse de préférence. Dans ma bande (disons « nationale-parisienne ») très peu allaient vraiment s’asseoir dans cette volière de luxe, gardée à la caisse par une petite vieille en tailleur – sans aucun doute l’héritière Carette en personne : c’était quand même cher, et puis ça ne faisait pas assez viril. Il y avait aussi, sur le trottoir opposé de l’avenue de Malakoff, le Café du Trocadéro, mais qui sentait un peu trop la haute bourgeoisie intégrée. Non, s’il fallait s’asseoir et consommer, on préférait le Malakoff, café mitoyen de Carette et néanmoins bien « popu », bout de France Périphérique avant la lettre, enclavé en territoire grand-bourgeois. [...]
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