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Virginie Despentes : la moraline en rotant

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Publié le

22 août 2022

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Cher connard, le soi-disant « livre-événement » de cette rentrée, accumule beaucoup trop d’éloges. On n’en attendait pas grand-chose. On l’a lu. C’est encore pire.
despentes

Cher Connard, le livre-choc de cette rentrée littéraire permet à l’immortelle autrice de Vernon Subutex de frapper encore un grand coup. Toujours aussi dérangeante dans le propos et virulente dans la forme, elle met en scène avec brio les grandes tensions de l’époque afin de nous ouvrir l’esprit en nous coupant le souffle… Je plaisante. Il s’agit là (en mieux écrit), de ce que vous trouverez dans Télérama, L’Obs ou Les Inrocks, les clichés des critiques dociles empapillotant comme il se doit le silo de clichés littéraires que transporte le roman le plus surévalué de l’an 2022, L’Obs dépassant même ses rivaux en comparant le pensum de Despentes aux Liaisons dangereuses, tout ça parce qu’il est présenté sous forme de correspondance. Elle aurait raconté son retour compliqué d’Istanbul qu’on nous vendait L’Odyssée du XXIe siècle.

L’écrivain branché Oscar Jayack, en pleine tourmente « MeToo », ayant vanné la célèbre actrice Rebecca Talle sur Instagram, celle-ci lui envoie un mail d’insultes. Il s’excuse, déroule ses déboires et ses souvenirs. Elle répond tout en prétendant n’en avoir rien à foutre (une vraie pétasse de troisième). La version de sa victime, Zoe Katana (Despentes reste fidèle a son onomastique de manga criard), est exposée sur son blog. On s’explique avec plus ou moins d’hystérie (Rebecca beaucoup, Zoe davantage, Oscar aucune – il déprime), c’est ce qui distingue essentiellement les personnages, lesquels, pour le reste, écrivent tous dans le même débraille oralo-numérique larde d’anglicismes et de jeunismes plus ou moins périmés.

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Fausse punk

Le dialogue épistolaire entre l’écrivain et l’actrice est le prétexte à un certain nombre de réflexions sur l’époque qui recyclent la plupart du temps la bouillie mentale à la mode. « On supporte très bien que les femmes soient tuées par les hommes, au seul motif qu’elles sont des femmes », prétend Rebecca, qui confond visiblement son pays avec l’Algérie ou le Pakistan (il y a parfois des raisons a cette confusion, avouons-le). Le fait qu’on s’indignerait davantage, d’après elle, pour le meurtre d’un ouvrier par son patron que par une femme par son mari, aurait sans doute à voir avec le fait qu’on se permet moins de juger ce qui relève du cercle privé que des conditions générales du salariat, ce qui n’empêche pas de s’inquiéter des violences intra-familiales, mais cette nuance échappe à la reine des demi-habiles, jamais en rade d’une indignation de collégienne.

Despentes, c’est la punkette initiée par sa grande sœur qui, avant de sauter dans la foule, s’assure qu’elle ne va pas tomber sur un immigré ou un transsexuel, de peur de heurter sa tata progressiste

De ses fadaises à la Femme Actuelle sur les relations toxiques, ses brèves de forum internet sur les effets du confinement ou ses méditations romantico-bolchéviques d’élue Unef en première année de sociologie, Despentes donne une version bien bourrine, bien candide et bien putassière, ajoutant, aux clichés idéologiques de la bourgeoisie médiatique – sa matière de base – le cliché pseudo-rock de la défonce et de l’insulte, remarquant quand même que la drogue fait des dégâts, à force, et ne se permettant jamais de manquer de respect aux catégories protégées. Despentes, c’est la punkette initiée par sa grande sœur qui, avant de sauter dans la foule, s’assure qu’elle ne va pas tomber sur un immigré ou un transsexuel, de peur de heurter sa tata progressiste.

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Vraie fayote

Oscar finit par admettre certaines pulsions homos bercé par les comptines de Booba. Zoe Katana devient folle suite au harcèlement qu’elle subit sur internet. Rebecca, désintoxiquée, radieuse, profite du rebond de sa carrière. Déléguer la virilité aux Africains ou assimilés ; privilégier l’homosexualité pour éviter les risques induits par l’asymétrie hétéro ; se méfier des errements du néo-féminisme tout en traquant le féminisme réac : la doxa ambiante, en somme, voilà ce que diffuse Despentes en beuglant comme si on captait mal France Inter. C’est en effet bon pour la carrière. Moins pour la littérature, le style et la complexité.


Cher connard de Virginie Despentes
Grasset, 352 p., 22 €

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