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Zhulin Zhang : “l’image de Xi Jinping est très positive en Chine, mais cela signifie aussi que le Bureau de la propagande fait un travail extraordinaire”.

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6 avril 2018

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 Si le renouvellement du mandat présidentiel de Xi Jinping était un fait quasiment acquis, le succès remporté par le dirigeant de la République Populaire de Chine, à l’issue du 19e Congrès du Parti Communiste Chinois, en octobre dernier, est allé bien au-delà d’un simple maintien au pouvoir, consacrant le triomphe absolu de celui que The Economist avait désigné dès 2013 comme le «dirigeant chinois le plus puissant depuis Deng Xiaoping ».  Après avoir obtenu la révocation de la limite de deux mandats présidentiels imposée par la constitution chinoise, Xi Jinping a été reconduit officiellement dans ses fonctions le 17 mars 2018, cette fois pour une durée illimitée. Il reprend la tête d’une République Populaire de Chine en quête de puissance globale mais confrontée  à d’énormes défis économiques, sociaux, démographiques, politiques et environnementaux. Chroniqueur au South China Morning Post & Lianhe Zaobao, Zhulin Zhang a accepté de répondre à nos questions.

 

Propos recueillis par Laurent Gayard et Gabriel Robin.

 

Xi Jinping n’a-t-il plus aucun opposant, ou du moins que des alliés, au sein des instances dirigeantes du PCC ?

 

Les résultats des deux votes lors des deux dernières sessions politiques à Pékin tendent à confirmer cette hypothèse. Lors du vote sur la révision de la Constitution chinoise afin de supprimer la limite à deux mandats présidentiels, il n’y a eu que deux votes contre parmi les 2 964 délégués présents. L’autre vote concernant la réélection du président chinois a généré encore moins de suspense, avec 100% des voix pour.

 

Dans certains de ses discours les plus récents, Xi Jinping a paru revenir au socialisme classique, affichant son souci pour le peuple chinois. Il s’est même inquiété publiquement du fait que certains Chinois soient négligés, sinon oubliés par les autorités. Comment concilier l’idéal socialiste et la volonté de la Chine d’être une hyperpuissance hégémonique en Asie ? 

 

Certes, l’image de Xi Jinping est très positive en Chine, mais cela signifie aussi que le Bureau de la propagande fait un travail extraordinaire. Moi-même, j’ai été ému quand j’ai entendu les phrases très touchantes de Xi Jinping, concernant la classe vulnérable, les familles modestes, les personnes en difficulté. Je retiens toujours l’une de ces fameuses phrases : « Ce qui me préoccupe le plus, ce sont les personnes en difficulté ». 

Pékin a expulsé entre 250.000 et 350.000 migrants chinois en quelques jours, avec des méthodes incroyablement dures, suite à l’incendie du 21 novembre 2017 à Daxing, banlieue de Pékin.

En même temps, nous avons assisté à un scénario surréaliste. Pékin a expulsé entre 250.000 et 350.000 migrants chinois en quelques jours, avec des méthodes incroyablement dures, suite à l’incendie du 21 novembre 2017 à Daxing, banlieue de Pékin. Cette population correspond pourtant aux préoccupations affichées par le Président chinois. D’ailleurs, certains parmi eux vivaient dans la capitale depuis des années ! Cependant, Xi Jinping n’a émis aucun signe d’empathie, or cette expulsion massive s’est produite à seulement une vingtaine de kilomètres de Zhongnanhai. Je vous laisse donc trouver vous-même la réponse à la question que vous me posez.

 

Xi Jinping a promis d’intensifier la lutte anti-corruption. Est-ce un outil de renforcement du pouvoir de Xi ? La situation s’est-elle considérablement durcie en Chine vis-à-vis des libertés depuis le triomphe de Xi en novembre ?

 

Évidemment. C’est un outil très intelligent. La campagne anti-corruption est très populaire en Chine : la corruption est répandue, à tel point que lorsqu’un fonctionnaire corrompu est arrêté, des chinois disent qu’il n’a pas eu de chance. Cette campagne a fait tomber plus d’un million de cadres, 170 haut-fonctionnaires de niveau ministre ou vice-ministre ont été limogés, depuis 2012, l’année où Xi Jinping a pris le pouvoir. D’un autre côté, cette campagne suscite des critiques, d’aucuns la qualifiant de « lutte des camps déguisée » pour éliminer concurrents ou opposants. Il est vrai qu’étrangement, certaines personnes haut-placées ne sont pas sur cette liste noire, alors qu’elles ont la réputation d’être corrompues. De plus, les Chinois se posent cette question : pourquoi la proposition sur la transparence des biens des hauts fonctionnaires est toujours un tabou, si la campagne anti-corruption n’a pas d’arrière-pensée ?

 

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Pour ce qui concerne la liberté d’expression, il suffit de jeter un coup d’œil sur les réseaux sociaux chinois. Chaque jour, d’innombrables messages sont supprimés sur ordre des autorités, à tel point que les Chinois n’osent plus évoquer tel ou tel sujet politique ou social. Le dernier grand sujet agitant l’opinion publique concerne la suppression de la limite des deux mandats présidentiels. Seulement une poignée de Chinois se sont exprimés contre la réforme, à l’image de Li Datong, ancien rédacteur en chef de Bingdian, journal de la jeunesse de la Chine, qui a appelé les délégués de la ville de Pékin à voter contre cette proposition. Le jour même, la phrase « Je ne suis pas d’accord » a été interdite en Chine, car un grand nombre d’internautes chinois ont posté ce message explicite contre la proposition du PCC.

 

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Quant aux médias, la situation est encore plus cruelle. Le bureau de la propagande établit régulièrement des listes de sujets et de mots interdits, comme tous les médias sont sous l’égide de ce dernier, personne ne peut y échapper. Le 21 mars, le pouvoir central a diffusé « le plan pour approfondir la réforme du Parti et des institutions nationales » qui mentionne clairement que le bureau de la propagande central dirige la presse, l’édition, le cinéma. On ne peut plus se faire d’illusions.  

Le bureau de la propagande établit régulièrement des listes de sujets et de mots interdits, comme tous les médias sont sous l’égide de ce dernier, personne ne peut y échapper.

L’étau sur les correspondants étrangers en Chine se resserre également. Heike Schmidt, correspondante de RFI à Pékin, a été retenue avec son assistante par la police pékinoise pendant deux heures, lors de la réalisation d’un micro-trottoir près d’un centre commercial, à l’occasion de la session annuelle du Parlement chinois. L’enregistrement a été effacé. 

 

La Chine sera-t-elle confrontée à un problème de financement des retraites ?  On peut souligner plusieurs dangers qui risquent d’accélérer le processus : une population connaissant un vieillissement accéléré, des disparités sociales et des problèmes environnementaux de plus en plus importants.

 

 Il est évident que l’Empire du milieu y sera confronté. La Chine sera le premier pays qui n’est pas encore riche mais qui est déjà vieux. La société est entrée dans une phase de « vieillissement » depuis 1999, or le PIB par habitant est proche des 8 000 dollars, très loin des pays développés.

 

Selon « le rapport du développement d’assurance sociale en Chine 2016 », il y a 2,8 actifs pour un retraité. Dans certaines provinces, comme le Heilongjiang, au nord-est du pays, cette proportion atteint 1,3 actif pour un retraité. Donc, c’est déjà très lourd pour les jeunes Chinois. Ce problème est dû en grande partie au système de l’enfant unique, imposé par le pouvoir depuis 1978. Pékin a autorisé la naissance de deux enfants par couple depuis le 1er janvier 2016, mais cette réouverture n’arrive pas à susciter l’enthousiasme des couples.

 

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Les 577 millions de chinois habitant la campagne seront les grands perdants. Ces habitants reçoivent de 600 à 1 000 yuans (de 69 euros à 131 euros) de pension mensuelle, ce qui est évidemment très peu, même à la campagne. Quand le gouvernement a voulu imposer la planification familiale, les slogans officiels étaient affichés partout, affirmant qu’ « Un enfant unique c’est mieux, le gouvernement assurera votre retraite ». Mais depuis 2005, le vent tourne, le slogan est devenu : « Pour la pension de retraite vous ne pouvez pas compter sur le gouvernement ».

 

Qu’en est-il de la situation dans les provinces autonomes, notamment au Xinjiang et au Tibet ? 

 

On connaît peu ces deux régions en fait, puisque l’information est bloquée, du moins, très censurée. Le Tibet et le Xinjiang sont un peu comme coupés du reste de monde. Par exemple, un incendie s’est produit dans le temple Jokhang, le plus ancien temple bouddhiste à Lhasa le 17 février, mais le monde extérieur ne connaît toujours pas la cause de cet incendie, et la situation du temple. Pire, selon Tsering Woeser, écrivain d’ethnie tibétaine, 159 tibétains se sont immolés entre le 27 février 2009 et le 23 décembre 2017, dont huit à l’étranger. 

Le Tibet et le Xinjiang, sont un peu comme coupés du reste de monde.

Les journalistes étrangers ne sont évidemment pas les bienvenus dans ces deux régions, sauf lors de voyages de presse organisés par le gouvernement, comme en Corée du Nord. Même pour un Chinois, l’accès à ces deux régions n’est pas évident. Une Chinoise m’a raconté son aventure sur la route vers le Tibet l’an dernier. Elle a subi tellement de contrôles d’identité. A l’entrée de chaque municipalité, il y a un contrôle.  Et je crois que les contrôles au Xinjiang, ne sont pas plus légers. Le Monde a publié un reportage sur le contrôle des Ouïgours en France par Pékin. Si les témoignages sont vrais, on peut imaginer la situation au Xinjiang.

 

On parle souvent de la puissance globale de la Chine et de ses velléités d’expansion en mer de Chine mais la Chine a-t-elle réellement les moyens militaires et économiques de ses ambitions face aux capacités d’interdiction de territoire de ces voisins comme le Japon, Taïwan ou même le Vietnam en ce qui concerne les Spratleys ? La Chine peut-elle compter sur de véritables alliés ?

 

Le budget de la défense chinois est estimé à  1 107 milliard de yuans (145,7 milliard d’euros) en 2018, soit une augmentation de 8,1% par rapport à l’année passée. L’ampleur du budget le positionne en 2ème place mondiale, soit juste derrière les États-Unis. Toutefois, Zhang Yesui, vice-ministre des affaires étrangères a insisté sur le fait que le niveau d’investissement chinois dans la défense resterait inférieur à celui des grands pays développés, le 4 mars dans une conférence de presse à Pékin.  

Le budget de la défense chinois est estimé à  1 107 milliard de yuans (145,7 milliard d’euros) en 2018, soit une augmentation de 8,1% par rapport à l’année passée.

La Chine est toujours sur le chemin de la paix, le développement de la Chine ne consistant pas à menacer un autre pays. Il faut souligner que la Chine prévoit aussi 199 milliards de yuans pour maintenir la stabilité de la société chinoise. Au niveau économique, aucun doute : la Chine en a les moyens. En outre, la centralisation du pouvoir offre une plus grande efficacité pour le faire.

 

Le Pentagone a publié un rapport concernant les moyens militaires de la Chine, intitulé Military and Security Developments Involving the People’s Republic of China 2017. Ce rapport de 97 pages montre que l’armée de terre chinoise est la première au monde par ses effectifs. La marine est en seconde position, juste derrière celle des USA. Et l’armée de l’air en 3ème position, avec un cortège de plus de 2 700 avions (drones non inclus). Ce rapport a aussi indiqué que la Chine devrait renforcer le développement de ses bases militaires à l’étranger, dans des pays alliés. En août 2017, l’armée chinoise a ainsi inauguré sa première base militaire étrangère à Djibouti. Je pense que ce n’est qu’un début. En même temps, la France, les États-Unis, l’Italie et le Japon y ont aussi installé des bases militaires. Et les près de 380 bases militaires américaines, concentrées à 42% dans la région Asie-Pacifique, ont sans doute été considérées comme une menace par Pékin. La seconde base militaire chinoise à l’étranger sera dans la péninsule Jiwani Peninsula, au Pakistan.

 

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La Chine revendique sa souveraineté sur les îles Nansha (les Spratleys) dans la mer de Chine méridionale depuis toujours. Depuis 2013, Pékin a accéléré la construction ou récupération de terrains dans l’îlot Yongshu (Fiery Cross Reef). Le BBC a évoqué en 2014 que la surface de cet îlot avait connu une expansion rapide, de 0,9 km2 au total. Selon un rapport du Center for International and Strategic Studies (CSIS), Pékin a déjà mené à leur terme les chantiers de trois îlots : Zhubi (Subi Reef), Meiji (Mischief Reef) et Yongshu (Fiery Cross Reef). Dans cette zone revendiquée par plusieurs pays voisins, la Chine n’a pas de véritables alliés.

 

Le retour à la puissance de l’Etat chinois encourage une prise de conscience globale, alors que la population continentale cultive une forme d’ethnocentrisme. La société Daxue Conseil, spécialiste du marché chinois, affirme ainsi aux entrepreneurs que les « Chinois sont xénoréactifs », réservant à Pékin des résidences aux seuls étrangers, n’attachant que peu d’importance au concept « d’assimilation », 95% des habitants de la République populaire continuant à penser le monde selon la dichotomie d’un monde chinois, et non-chinois. Les Chinois sont-ils sinocentrés ?

 

Je ne pense pas que les chinois soient « ethnocentristes » ou « xénoréactifs », ils sont plutôt nationalistes. Parmi les pays voisins, la Chine n’est pas le seul à avoir cette réputation. Le pouvoir chinois l’encourage, dans l’objectif de former une population nationaliste, pour mieux gérer certains problèmes et conflits sociaux, sur la question de Taiwan par exemple. Mais cette stratégie est dangereuse, et risque de se retourner contre elle-même. Je trouve que Pékin manque de confiance sur cette question. Mais le nationalisme s’est énormément développé ces dernières années dans le monde, la France n’y ayant malheureusement pas échappé. Quant à votre chiffre de 95% des habitants chinois continuant à penser le monde selon la dichotomie d’un monde chinois, et non-chinois personnellement, je ne le crois pas. Regardons simplement combien de Chinois sont partis faire leurs études dans les pays occidentaux et puis s’y installent, pour s’en faire une idée.

 

Quand Pékin parle d’une économie globale en réduisant les canaux de communication de la population avec le monde extérieur, comme le blocage des médias étrangers, la fin de l’utilisation des VPN (le système pour contourner la censure chinoise et accéder aux sites étrangers), ou la décision d’instaurer un système de « crédit social » donnant des notes pour évaluer ses citoyens, en combinant les données du Big Data avec l’utilisation de plus de 20 millions de caméras de surveillance pour mieux contrôler son peuple, beaucoup d’intellectuels chinois s’inquiètent d’une nouvelle fermeture et d’un retour en arrière de leur pays. Et justement, ils ne veulent pas d’un monde coupé en deux : les chinois et les non chinois.

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