Tatiana Ventôse est une youtubeuse (Le Fil d’Actu) qui s’est fait connaître à gauche, avant d’abandonner les « idéologies », comme elle le déclare elle-même. Après avoir subi une agression violente dans le métro, elle a réalisé une vidéo dans laquelle elle dévoilait l’origine ethnique de ses agresseurs (nord-africains), ce qui n’a pas manqué de faire réagir la sphère politique en ligne. Témoignage.
Tatiana Ventôse, vous êtes « youtubeuse » et vous dites avoir été agressée dans la rue. Que s’est-il passé ?
Scène habituelle dans le métro, en bout de ligne. Vendredi matin, 10h30. Deux lascars en survêtement s’asseyent en face de moi et commencent à faire des remarques sur mon apparence. J’ignore pendant quelques temps. Jusqu’à croiser le regard de l’un d’eux, qui m’intime de sourire. Pour toutes les fois où j’ai baissé les yeux et suis rentrée chez moi honteuse de ne pas m’être défendue, j’ai soutenu son regard et répondu par un doigt d’honneur. Il s’est mis en colère, a hurlé des insultes, qu’il allait me violer, me suivre jusque chez moi, me frapper. J’ai répondu calmement qu’il pouvait essayer.
Comme il continuait de hurler, je lui ai dit avec un sourire de se calmer, qu’il risquait de mourir à 30 ans d’un arrêt cardiaque. Ce qui l’a énervé encore plus. Sachant que nous arrivions près d’un arrêt, j’ai pris mes affaires et me suis levée pour sortir alors qu’il continuait de me menacer. Il a mis sa jambe sur le siège d’en face pour m’empêcher de passer. Je lui ai demandé d’enlever sa jambe, il m’a dit que je ne passerais pas. Je ne voulais pas leur tourner le dos pour partir dans l’autre sens. J’ai donc fait un geste du pied pour pousser sa jambe et dégager le passage. À ce moment-là, il s’est levé, m’a attrapée et a commencé à me frapper en proférant des insultes, en me secouant et me tenant par les cheveux. J’ai senti sur le moment qu’il ne s’agissait pas de coups pour blesser (ce qui aurait été le cas si j’avais été un homme) mais pour me soumettre. Je suis descendue du métro sous ses insultes et menaces de venir me violer chez moi. Son copain m’assurait qu’il ne le ferait pas tout en m’expliquant que j’avais « provoqué » la situation.
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J’ai marché le long du quai et j’ai vu qu’ils me suivaient. C’est une sortie de métro peu fréquentée, mais heureusement, une personne est passée dans l’autre sens, je lui ai donc demandé si je pouvais retourner avec elle jusqu’au métro. Nous les avons recroisés dans l’autre sens : ils m’ont hurlé des insultes et un « tu fais ta maline ». Je suis remontée dans le métro pour quelques stations, entre-temps j’ai appelé mon ami qui est venu m’attendre à la sortie. Plus tard, au commissariat, la policière à l’accueil m’a expliqué qu’il y avait plus de 6 heures d’attente. Dans mon état, je ne me voyais pas attendre si longtemps dans un couloir de commissariat. Je suis donc allée chez le médecin établir un certificat médical et suis revenue lundi matin. Malheureusement, de l’aveu de la police, les caméras de la RATP ne sauvegardent les données que 48 heures. Aucune chance, donc, de les retrouver.
Pendant ce temps Anne Hidalgo utilise l’argent de la mairie à élargir les trottoirs « pour éviter les agressions », à donner des fonds à des associations bidon qui prétendent lutter contre le harcèlement de rue en mettant des « bancs inclusifs »
Vous avez dit que Paris ressemblait désormais au tiers-monde, ce qui vous a valu quelques commentaires négatifs. Vous assumez ?
Absolument. Les gens qui n’ont pas compris ce terme vivent soit dans le déni, soit dans une bulle de privilèges. La situation est visible par n’importe quelle personne dotée d’yeux. Je n’ai pas utilisé ce terme seulement en relation avec mon agression mais à cause d’un sentiment général de ce que Paris devient. Paris, aujourd’hui, ce sont des gens qui font la manche à tous les coins de rue ; des quartiers transformés en bidonvilles ; des boulevards jonchés de déchets et de sacs poubelles éventrés ; les rats ; l’odeur d’urine et le reste ; les vieux qui font les poubelles des supermarchés ; les vendeurs à la sauvette de téléphones volés ou de yaourts périmés récupérés dans les poubelles des magasins ; des parcs municipaux transformés en campings pour SDF ; des actes quotidiens de violence gratuite (physique ou verbale) de la part de gens qui se sentent impunis…
Pendant ce temps Anne Hidalgo utilise l’argent de la mairie à élargir les trottoirs « pour éviter les agressions », à donner des fonds à des associations bidon qui prétendent lutter contre le harcèlement de rue en mettant des « bancs inclusifs », à faire construire des œuvres éphémères pour sensibiliser au recyclage des piles (fonctionnant à l’électricité !), ou à détruire un boulevard pour faire un énième monument aux morts de la guerre de 14-18. Ce n’est pas une ville du Tiers-Monde, c’est pire, car les autorités se croient à la tête d’une ville à la pointe de la hype.
Qui étaient vos agresseurs ?
Deux hommes d’une vingtaine d’années, en survêtement, typés nord-africains. Au bout d’une ligne de métro au pied d’une cité. Je n’ai pas leur extrait de naissance, si vous me dites demain qu’ils étaient Andalous je vous dirai que c’est possible. Il n’empêche que quand j’ai dit que c’étaient des « Arabes » (au sens que tout le monde donne à ce terme dans ce type de contexte, je ne parle pas d’Histoire du monde musulman ni des invasions d’il y a mille ans), on m’est tombé dessus. Peut-être parce que tout le monde voit très bien ce que je veux dire, et que ça froisse certaines personnes, car cela ne colle pas avec leur vision du monde. Mais j’ai reçu un nombre incalculable de messages de la part de personnes d’origine algérienne, ou marocaine, ou « arabe » au sens large, qui m’ont dit : « c’était des gens de chez moi, hein ? Je suis désolée pour toi, nous aussi les Arabes on en a marre que ce soit toujours des Arabes qui agressent, et on en est victimes aussi ». Je ne suis pas le genre de personne à généraliser, mais je ne vais pas non plus taire un fait : ces deux-là étaient l’incarnation – la caricature, même – de la petite racaille qui passe ses journées à humilier des gens au hasard, à les frapper quand ils refusent de baisser les yeux, et qui se sentent tout-puissants parce que jamais inquiétés par la police ni la justice.
Certains internautes ont jugé vos propos « racistes ». Qu’auriez-vous à leur dire ?
Un énorme éclat de rire, pour commencer. D’un côté il y a des gauchistes qui me traitent de « raciste » parce que j’ai utilisé le terme « Tiers-Monde » (alors que la principale caractéristique du Tiers-Monde est la pauvreté, pas l’ethnie) ou parce que j’ai dit que c’étaient des Arabes dans une deuxième vidéo. Dans un monde où on nous a bourré le crâne pendant des décennies en nous avertissant contre « l’amalgame », on a fini par se dire que l’utilisation même du mot « Arabe » était raciste. Sauf que je décris un fait : j’ai été agressée par des Arabes. Si vous trouvez que « ça fait le jeu du FN », allez le dire aux deux Arabes qui m’ont agressée. Relisez le mythe de la caverne de Platon et allez voir dehors comment ça se passe.
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Le plus aberrant, c’est que de l’autre côté de l’échiquier politique, on a quelques bons gros fachos qui clament que « c’est bien fait pour moi, je n’ai qu’à pas être pour la diversité, le multiculturalisme etc ». J’ai envie de dire, à un moment il va falloir vous mettre d’accord sur ce qu’on me reproche, je ne peux pas être à la fois « facho-raciste » et « gauchiste pro-immigration ».
Je leur ris au nez. Parce que la réalité ce n’est pas ces gens-là. La réalité, c’est l’écrasante majorité de personnes qui m’ont envoyé des messages de soutien et de compassion. Qu’ils soient apolitiques, d’extrême-droite ou d’extrême-gauche, quelles que soient leurs opinions sur l’immigration ou la sécurité. Ce sont ces gens qui savent très bien ce que veulent dire l’insécurité et les incivilités au quotidien, parce qu’ils ne vivent pas dans des fantasmes idéologiques mais dans le monde réel. Qui ont, comme moi, dû baisser la tête un nombre incalculable de fois devant de petites racailles (arabes ou blancs ou noirs) pour ne pas se prendre des coups ; qui, un jour ou l’autre, en ont eu marre de baisser les yeux et ont payé au prix fort leur dignité.
Croyez-vous que la France soit de plus en plus violente ? Si oui, quelles en sont les raisons ? Les femmes sont-elles en sécurité à Paris ?
Les femmes ne sont pas en sécurité, on en entend assez parler en ce moment, mais j’aimerais qu’on arrête de découper la réalité en communautés. Les hommes ne sont pas non plus en sécurité. On ne vit pas le même type de violences (en tant que femme, je me fais plus harceler et menacer de viol dans la rue, mais les hommes qui se font agresser se font plus souvent frapper, aussi). Quand le gouvernement catégorise les violences « aux femmes », « aux homosexuels », « aux minorités », ils détournent le problème : nous sommes tous confrontés à la violence. Oui, la France est de plus en plus violente, parce que les personnes qui commettent crimes et délits ne subissent jamais les conséquences de leurs actes et restent souvent impunis.
Le problème, c’est que l’État et les institutions ont abandonné leur mission première : faire respecter la loi, censée être la même pour tous, sur le territoire de la République
Cela vient d’un ensemble complexe de causes multiples. Parmi celles-ci (je ne fais pas une liste exhaustive sinon on y est encore demain) : le fait que la police ne puisse pas prendre les plaintes de tout le monde parce que pas assez nombreux ; que le manque d’effectifs n’a d’égal que le manque de moyens ; qu’ils soient en burn-out complet et avouent leur impuissance lorsqu’on va déposer plainte ; la non-application des peines qui permet à certains multirécidivistes de se balader dans la rue en toute impunité ; la menace terroriste qui a des causes sur lesquelles le gouvernement pourrait agir ; une gestion incohérente des flux migratoires tandis que rien n’est fait pour favoriser l’intégration des nouveaux arrivants, ce qui ajoute au ressenti d’une violence généralisée ; le fait que le gouvernement français détruise des vies dans des pays étrangers, créant des flux migratoires forcément difficiles à gérer ; les prisons françaises qui sont des lieux où de petits délinquants en ressortent grands criminels ou djihadistes ; la pauvreté systémique, le chômage qui pousse à la délinquance ; le fait que ce soit la loi du plus fort qui domine dans certains quartiers ou villes…
Et nous tous, qui subissons ce climat de plus en plus violent et anxiogène, alimenté par les médias qui ne parlent que de ça, nous nous déchirons sur un aspect particulier de ce problème global chaque fois qu’un nouveau fait divers individuel ou drame collectif survient. Alors qu’on a tous des manières différentes d’exprimer le même problème. Le problème, c’est que l’État et les institutions ont abandonné leur mission première : faire respecter la loi, censée être la même pour tous, sur le territoire de la République. Pendant qu’on s’engueule sur « la » cause – l’immigration pour les uns, la pauvreté pour les autres, le laxisme de la justice d’un côté, le manque de prévention de l’autre, etc. – on ne voit pas que c’est un mélange de tout ça. Mais qui orchestre ce bordel ? Qui profite de nos divisions ? Qui gagne à la fin ? C’est toujours Macron.