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Jean Messiha est haut-fonctionnaire et délégué national du Rassemblement National. Frédéric Amoudru est ancien cadre dirigeant d’une grande banque française. Ils co-signent cette tribune, dans laquelle ils dénoncent l’impéritie du gouvernement dans sa gestion du dossier de l’industrie automobile nationale, et en particulier du cas Renault. Un texte technique mais exhaustif.
Le président de la République a annoncé, le mardi 26 mai, un nouveau programme de prime à la conversion destiné à relancer une filière automobile profondément touchée par la crise sanitaire. L’équivalent de 10 milliards d’euros de véhicules (400.000) languirait en attente d’être vendu. Il faut admettre qu’un tel stock freine fortement toute reprise de la production. Les constructeurs (PSA et Renault), les équipementiers (Valeo, etc.) ainsi que le commerce (les concessionnaires), demandent à corps et à cris une aide publique. Ils arguent des risques qui pèsent sur l’emploi en raison de la chute spectaculaire des ventes due au confinement (fermeture des réseaux de vente) et à une reprise assez poussive depuis la levée des restrictions, le consommateur ne se précipitant pas car il anticipe des prix cassés.
Rappelons tout de même que ce secteur, comme tous les autres, a bénéficié du dispositif de chômage partiel. Ajoutons également que d’autres secteurs économiques comme l’ameublement, l’électroménager, l’habillement, etc. ont gravement souffert de cette crise et seraient légitimement fondés à demander une prime à l’achat pour un nouveau canapé, une nouvelle machine à laver ou se refaire sa garde-robe, etc.
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D’où la question centrale que tout un chacun est en droit de se poser : l’automobile constitue-t-elle une filière stratégique qui mérite un effort additionnel donc particulier ? Cette interrogation paraît encore plus brûlante en raison de la délocalisation massive opérée par nos champions nationaux vers les pays d’Europe Centrale (République tchèque, Slovaquie, Slovénie) l’Europe du Sud (Espagne) et des pays périphériques (Maroc, Turquie) pour les modèles d’entrée et de moyenne gamme. A cet égard, il est d’ailleurs étrange que PSA et Renault ne parviennent pas à produire de manière rentable des petites voitures en France mais que Toyota, avec son usine de Valenciennes et la fameuse Yaris, y arrive très bien. Étrange que cette multinationale japonaise, peu connue pour son abnégation, ne mette pas en avant, comme ses concurrentes pourtant françaises (!) le coût « excessif » du travail en France pour renoncer à fabriquer chez nous.
La trahison industrielle des deux groupes français, et tout particulièrement celle de Renault, nous vaut une situation ubuesque. Depuis le début des années 2000, le poids de la production automobile française en Europe a été divisé par deux : elle représentait, en effet, 13,1% en 2000, ce qui était alors « seulement » 3,1 fois moins que l’Allemagne et environ 6.5% aujourd’hui. Dans le même temps, le poids des pays de l’Est a plus que triplé, atteignant 16,5% du total contre 5,2% en 2000 ! L’Italie et l’Espagne produisent plus de voitures que la France alors que la première n’a qu’un groupe national, FIAT, et que l’Espagne n’en a pas. Avant le COVID-19, il était déjà prévu qu’environ 1,7 million de véhicules seulement seraient usinés dans notre pays en 2020, soit plus de deux fois moins que le record historique de 2004.
Ce véritable massacre industriel se voit également très bien dans notre commerce extérieur. Le déficit commercial de notre industrie automobile affichait un nouveau déficit record de 15,3 milliards d’euros en 2019. L’année dernière, les importations de véhicules et de composants pour véhicules ont atteint le chiffre record de 65,2 milliards d’euros (contre 62,9 milliards en 2018). L’automobile est devenue le premier poste d’importations (en augmentation de +4,8%) alors que les exportations de produits automobiles, elles, ont reculé à 49,9 milliards (contre 50,6 milliards en 2018). Ce déficit a doublé par rapport à 2015. Mieux encore, en 2004, nous avions un excédent commercial automobile qui tournait autour de 10 milliards ! Un gâchis co-signé Sarkozy, Hollande et Macron.
Ce véritable massacre industriel se voit également très bien dans notre commerce extérieur. Le déficit commercial de notre industrie automobile affichait un nouveau déficit record de 15,3 milliards d’euros en 2019. […] Mieux encore, en 2004, nous avions un excédent commercial automobile qui tournait autour de 10 milliards ! Un gâchis co-signé Sarkozy, Hollande et Macron.
Alors à quoi servent nos primes à la conversion, qui ne sont rien d’autre, rappelons-le, que de l’argent public déversé sur ce secteur ? Tout simplement, à faire tourner les usines européennes de PSA et Renault qui exportent vers la France, mais aussi de celles de leurs concurrents, et plus marginalement à aider les concessionnaires. Ce phénomène s’est d’ailleurs renforcé avec le biais pris par le gouvernement après l’épisode « Gilets Jaunes » de favoriser les ménages modestes. Noble initiative, s’il en est. Sauf que ces ménages modestes concentrent leurs achats sur les modèles bon marché – la roumaine et très populaire DACIA du groupe Renault en est un bon exemple – qui, précisément, ne sont pas fabriqués en France. Il n’est évidemment pas question de leur en faire le reproche, mais c’est un fait.
Dans ce contexte le nouveau dispositif Macron augmente sensiblement les subventions à l’achat de véhicules neufs et d’occasion, écologiques ou non. Il en coûtera 1 milliard d’euros pour aider à écouler les 200.000 premiers véhicules sur les 400.000 qui sont « en carafe ». Prenons un pari. Quand cette quantité sera vendue, la filière reviendra à la charge pour ne pas débrancher ce dispositif « exceptionnel », car les consommateurs battront en retraite dès que les incitations les plus fortes seront abrogées. C’est la loi du genre. Plus on déforme le prix d’un bien de consommation à coups d’aides publiques et moins le consommateur accepte de payer le vrai prix.
A cet égard, les aides à l’achat de la voiture électrique deviennent irrationnelles. Avec 12.000 euros de de primes diverses, environ 30% du prix d’achat est payé par l’État ! Qui seront les grands bénéficiaires ? Nos amis Chinois qui ont un quasi-monopole de la batterie, pièce maîtresse du véhicule… Ainsi, avec son dispositif large et généreux, la France qui s’enfonce dans un gouffre de dettes publiques va faire ce qu’elle sait faire de mieux depuis des décennies : donner du boulot aux travailleurs d’ailleurs… On rétorquera que c’est bon pour l’écologie puisque l’on remplace des voitures anciennes et polluantes par des neuves ou d’occasion récentes qui le sont moins. Il faut bien trouver une justification à cette dinguerie.
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Il y a par contre des mesures qui font du sens dans ce qu’a annoncé le président. Ainsi en est-il des 600 millions d’euros destinés à recapitaliser la filière. C’est bien mais sans doute encore insuffisant. Il en est de même pour les 200 millions destinés à moderniser les PME du secteur : cela va dans le bon sens, mais ici encore c’est un peu court. S’agissant de la mesure consistant à injecter 150 millions d’euros pour la R&D, il s’agit d’un geste salutaire.
Toutefois, une question mérite d’être posée : sommes-nous imités par d’autres pays dans cette démarche ? Le cas échéant, cela nous permettrait d’exporter chez eux en profitant de leur prime à la casse à eux. La réponse est loin d’être positive. En Allemagne, par exemple, où les géants VW, Mercedes et BMW qui, eux, sont véritablement nationaux, poussent à une version locale de cette prime. Mais l’opinion publique est vent debout si elle s’étend aux moteurs thermiques émetteurs de Co2. En Italie, le dispositif est très restrictif et marginal. En Espagne, il existe une prime de 2.000 euros mais 1.000 euros sont pris en charge par les constructeurs. Au Royaume-Uni, rien de tel malgré une industrie automobile plus importante que chez nous.
« Mais vous feriez quoi, vous, pour aider ce secteur qui est en réelle difficulté ? » Idéalement nous réserverions cette prime aux voitures vraiment françaises car le bon sens commande que l’argent public français serve au moins à promouvoir les intérêts nationaux. Malheureusement les traités européens nous en empêchent. Alors que fallait-il faire ? Il fallait, en enrôlant les constructeurs qui sont les premiers intéressés, soutenir les concessions avec des aides spécifiques qui leur permettent de tenir, le temps que la demande latente des consommateurs français se traduise en achats. C’était une question de semaines, pas de mois.
Pour cela il fallait évidemment couper court aux anticipations de sur-primes d’État qui incitaient les gens à attendre. Pour les PME, la recapitalisation est la bonne approche afin qu’elles puissent traverser ce creux conjoncturel profond. Pour les constructeurs et les grands équipementiers, il fallait leur mettre sous le nez un choix simple : primes de conversion ou « à la casse » contre des relocalisations significatives, quantifiées, planifiées et contractuelles. Fini les « on fera ce qu’on pourra », « faites-nous confiance », « payez d’abord on verra ensuite », etc. Nous devions et devons passer au « donnant-donnant » inscrit dans le marbre.
Macron nous dit avoir obtenu des PSA et Renault l’engagement d’une forte augmentation de la production de véhicules électriques d’ici 2025 ; 1 million parait-il. Mais d’ici là, de combien baissera la production de véhicules conventionnels ? Où en sera l’emploi ? Et que se passera-t-il si les promesses ne sont pas tenues comme ce fut le cas pour General Electric à Belfort ?
Macron nous dit avoir obtenu des PSA et Renault l’engagement d’une forte augmentation de la production de véhicules électriques d’ici 2025 ; 1 million parait-il. Mais d’ici là, de combien baissera la production de véhicules conventionnels ? Où en sera l’emploi ? Et que se passera-t-il si les promesses ne sont pas tenues comme ce fut le cas pour General Electric à Belfort ? Gageons, par ailleurs, que l’État sera en permanence soumis au chantage des primes à l’achat, conjoncture bonne ou mauvaise. « Pas de primes ? OK, On licencie ». La seule vraie solution soutenable, durable est de redonner au « produire en France », de l’automobile aux meubles et des outils à la myriade de choses que nous produisions naguère, sa seule vraie chance : la compétitivité. Il faut absolument que les prélèvements qui pèsent sur la production en France, tous secteurs confondus, baissent. Mais avec des contreparties claires en termes d’emploi. La conversion du CICE en réduction de charges, qu’Emmanuel Macron et Bruno Lemaire brandissent comme une mesure majeure, était une opération de pure com. Au final, cela n’a pas amélioré d’un euro la compétitivité-coût de nos entreprises.
En conclusion subventionner la demande intérieure sans promouvoir l’offre nationale est une folie française. Et il faut y mettre fin.
Jean Messiha et Frédéric Amoudru
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