Ce sera l’un des grands sujets politiques de l’époque qui s’ouvre. Alors qu’elle secoue le monde anglo-saxon, l’idéologie woke a pénétré pour de bon en Europe, sous l’action de la gauche radicale. « Il faut effectuer un travail d’hygiène intellectuelle pour décrypter tous ces concepts que l’on nous inflige avant que la classe médiatique ne les normalise » nous conseillait Mathieu Bock-Côté en juin dernier, de son poste québécois de sentinelle.
C’est à cette tâche que s’est attelée la Fondapol – Fondation pour l'innovation politique, think-tank « libéral, progressiste et européen » dirigé par le politologue Dominique Reynié – en publiant il y a quelques jours un rapport tout à fait éclairant sur les ressorts idéologiques du wokisme et son influence concrète sur le corps social. Brossant un tableau complet des problématiques en jeu, ce travail de grande qualité a été rédigé par Pierre Valentin, étudiant en master science politique à l'université Paris-2 Panthéon-Assas et diplômé en philosophie et politique de l'université d’Exeter.
Faisant du principe diversitaire l’horizon du politique et érigeant la victimisation en ressort de mobilisation, l’idéologie woke n’est mûe que par la pulsion purement négative de destruction de l’ordre existant et de ses groupes dominants, à savoir l’homme blanc-hétérosexuel-valide
Sa conclusion est très nette : faisant du principe diversitaire l’horizon du politique et érigeant la victimisation en ressort de mobilisation, l’idéologie woke n’est mûe que par la pulsion purement négative de destruction de l’ordre existant et de ses groupes dominants, à savoir l’homme blanc-hétérosexuel-valide occidental. « Si l’on peut croire que le wokisme s’attache à chérir les minorités en tant que telles, […] l’“Autre” n’est chéri qu’en tant qu’il est utile à déconstruire, non en soi. D’ailleurs, s’il refuse ce rôle destructeur, il se verra lui aussi diabolisé, signe de son rôle purement instrumental dans le logiciel woke » conclut l’auteur.
Le wokisme, dernier avatar du postmodernisme
Auto-appellation née dans la communauté afro-américaine, « être woke » signifie être « éveillé aux injustices que subissent les minorités dans les pays occidentaux », à l’opposé des masses inertes qui, non éduquées aux injustices sociales, ne seraient pas capables de discerner le racisme, sexisme et autre validisme à l’œuvre systématiquement dans nos sociétés.
Appuyé sur les travaux d’Helen Pluckrose et James Lindsay, le rapport trace une droite ligne entre wokisme et postmodernisme. Refusant l’existence même de la scientificité et de l’objectivité, ces progressistes radicaux considèrent, à l’instar de Michel Foucault, que le savoir existant est une production du pouvoir, sans rapport donc avec la connaissance. Dès lors, c’est l’identité du pouvoir qu’il faut questionner. C’est à partir de cette hypothèse que le discours méritocratique-universaliste peut être déconstruit, car il ne serait que la façade rhétorique d’un pouvoir détenu par les hommes blancs pour maintenir leurs positions sociales, tout en discriminant sans vergogne les minorités en tout genre.
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Autre belle intuition du rapport : le wokisme serait la troisième phase du postmodernisme. Après l’ère de la déconstruction et de l’injonction morale serait venue celle de l’injonction dissimulée dans la description : « La théorie critique de la race ne se demande plus si du racisme existe dans une certaine interaction sociale (une évidence, à leurs yeux), mais bien comment celui-ci se manifeste ». De là, un cercle vicieux : « Une fois plongé dans ce paradigme, leur survie académique [dépend] de leur capacité à dénicher des injustices raciales invisibles au commun des mortels ». La logique est sans fin, et mène à l’intersectionnalité, théorisée par Kimberlé Crenshaw, et idée d’après laquelle « il est possible de discriminer ou de subir des discriminations selon plusieurs axes, comme un individu au milieu d’un carrefour pourrait être percuté par des voitures provenant de différents côtés ». Parti des problématiques raciales et sexuelles, le wokisme atterrit aux questions de surpoids (fat studies) et de handicap (disability studies), l’objectif étant toujours de débusquer toutes traces de normes sociales pour les déconstruire par « l’exception » et de les présenter – par des inégalités statistiques – comme une discrimination sociale systématiquement appliquée. C'est que, in fine, tout doit se valoir – pensée relativiste dangereuse qui participe par exemple à la banalisation de l’obésité, pourtant maladie chronique particulièrement grave. [...]
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