« Tu es poussière et tu redeviendras poussière » (Genèse 3, 19). C’est bien cette parole de Dieu à Adam qui illustre le mieux l’état de la maison LR. Après trois défaites consécutives à la présidentielle et les scores médiocres obtenus aux suffrages intermédiaires, Les Républicains accusent le coup mais croient encore pouvoir relever la tête. Réduits à l’état de poussière dans le paysage politique depuis la dernière présidentielle – 4,78 % pour Valérie Pécresse, candidate désignée par la famille politique –, le parti se rêve en phénix.

C’est à deux pas de la place de la République, au cœur de Paris, au cirque d’hiver Bouglione que les héritiers de l’UMP veulent prendre ce nouveau départ. 1 700 militants et sympathisants ont fait le déplacement. Les quelques dizaines de jeunes présents sont habilement placés derrière les grosses têtes du parti, en face des journalistes. Ingrédient essentiel d’un plan de communication moderne. D’ailleurs, celle qui est chargée de la production du clip de présentation et de la communication n’est autre que Maud Koffler, ancienne communicante de la campagne d’Éric Zemmour.

Lire aussi : LR s’attaque à l’immigration : beaucoup de bruit pour rien ?

La grande introspection

« On nous croit morts, mais on nous appelle toujours ! » tente de se rassurer Rachida Dati, réquisitionnée pour jouer les chauffeurs de salle avec Geoffroy Didier en ouverture de la journée. Mais l’heure est surtout à l’introspection pour ce parti qui érige le général de Gaulle, Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac ou encore Nicolas Sarkozy en figures d’un temps où la droite était au pouvoir. Entre temps, il y a eu Fillon, Pécresse et les autres… Un proche d’Éric Ciotti grince avec sévérité : « Je pense que Valérie a voulu continuer à faire du Fillon en moins bien, c’est-à-dire une alliance libérale-conservatrice. C’est, à mon sens, une erreur ». Peu importe, il faut relever la tête. C’est ce que tente de faire Éric Ciotti, élu président des Républicains il y a tout juste six mois. Depuis qu’il a les clés de la maison, le député des Alpes-Maritimes n’a pas chômé : création d’un nouveau média et d’un cabinet fantôme, traversée de la crise des retraites, contre-proposition sur l’immigration, etc.

Il restait toutefois le chantier le plus ardu : doter la droite d’un corpus idéologique clair et cohérent. Julien Aubert nous confie à ce titre : « L’ambition de ces États généraux, c’est de doter la droite d’une colonne vertébrale sur le plan idéologique. Il faut commencer par les idées et non par les personnes. Peu de politiques vont s’exprimer. Il y a aussi des invités plus transgressifs et plus sévères avec nous comme Matthieu Bock-Côté. Cet évènement est un miroir tendu en face de notre visage. »Un miroir qui semble être déformant lorsque la politologue Chloé Morin explique qu’il reste une place aux Républicains dans le paysage politique de la droite en s’appuyant sur un sondage Harris Interactive commandé pour l’occasion.

Il restait toutefois le chantier le plus ardu : doter la droite d’un corpus idéologique clair et cohérent.

D’après ce fameux sondage, les sympathisants de la droite ont une bonne opinion de LR à 57% devant le Rassemblement national 50% et Horizons 48%. La majorité présidentielle et Reconquête, le parti d’Éric Zemmour, ne sont pas mentionnés dans le top 5 des partis politiques de droite, ce qui questionne la crédibilité de cette enquête d’opinion. Le vice-président du parti, Julien Aubert analyse pourtant : « Le problème de la droite est similaire à celui de l’Autriche-Hongrie. L’un est attiré par la Russie, l’autre par l’Allemagne. Reste à savoir qui est qui. »

L’ombre Wauquiez

Si tout le gratin du parti, de Gérard Larcher à François-Xavier Bellamy en passant par Guillaume Larrivé et Bruno Retailleau, est présent, il en manque un qui brille par son absence. C’était pourtant celui qui était le plus attendu par les militants, le quasi-certain candidat à la prochaine présidentielle : Laurent Wauquiez. Pourquoi le candidat naturel selon Éric Ciotti n’est pas à ce nouveau départ voulu par le parti ? Nadine Morano balaie : « Laurent Wauquiez se prépare sur le terrain, c’est sa méthode ! » Pas d’inquiétude, les États généraux se poursuivront le 3 juillet prochain en Auvergne Rhône Alpes, les terres de celui qui se rêve en sauveur de son camp. Et de la France.

L’échéance 2024

La prochaine grande échéance est celle qui pourrait donner une nouvelle impulsion au parti. Il s’agit des européennes des 6 et 9 juin 2024, mais la priorité des Républicains semble être les élections sénatoriales qui se dérouleront elles le 24 septembre prochain. Nadine Morano l’assure : « On ne partira pas en campagne tout de suite. On a déjà les sénatoriales à préparer. Le RN n’a pas besoin de les préparer vu qu’ils auront au maximum deux sénateurs. » Si une victoire aux sénatoriales ne suffira pas à lancer une dynamique, ces élections sont effectivement un rendez-vous à ne pas manquer pour le parti. Gérard Larcher, dernier des mohicans à occuper un poste important de la République, remet justement sa présidence en jeu. Un renouvèlement de la majorité de sénateurs LR serait bienvenu.

Lire aussi : Européennes 2024 : le sondage qui rebat les cartes à droite !

Mais, sans surprise, c’est bel et bien le scrutin des européennes qui décidera de l’avenir de la maison – et c’est loin d’être gagné. Les yeux des commentateurs politiques sont rivés vers ce rendez-vous électoral qui ressemblera à de véritables midterms à l’américaine. En terme de potentiel électoral, un sondage Opinion Way pour L’Incorrect place François-Xavier Bellamy (17%), probable tête de liste, derrière Marion Maréchal (26%) et Jordan Bardella (33%). En clair, si la vieille maison LR est « au carrefour de la permanence et de l’avenir » selon les mots d’Éric Ciotti, elle semble plutôt appartenir au passé – après avoir été le parti du passif.