La fusion entre l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) et l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire), votée hier par l’Assemblée nationale, interroge et divise le monde du nucléaire.
L’IRSN est un établissement public, expert en matière de recherche et d’expertise pour les risques nucléaires et radiologiques. Il est lié aux ministères des Armées, de la transition énergétique et de la santé. Fort d’environ 1 500 collaborateurs, il assure la surveillance radiologique de l’environnement, la radioprotection de l’Homme, la prévention des accidents, la sûreté des réacteurs ainsi que des usines, laboratoires et du transport des déchets. Il est notre expert en sécurité nucléaire de défense. L’IRSN est donc un acteur en amont des activités nucléaires.
L’IRSN a vu, petit à petit, ses initiatives anéanties par nos dirigeants, souvent dans des domaines ignorés du grand public. C’est par exemple le cas de l’institut de formation aux métiers du nucléaire qu’avait créé à Cadarache l’Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN), prédécesseur de l’IRSN. Quelques années plus tard nous faisons le constat que nous n’avons plus de soudeurs qualifiés pour ces activités et sommes obligés d’aller en chercher dans les pays de l’est… Un exemple parmi d’autres, une erreur parmi d’autres.
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Le gouvernement a décidé de le fusionner avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), en charge, pour sa part, du contrôle de la bonne application des règles de sécurité dans un souci de prévention et de l’analyse des accidents afin de capitaliser sur les retours d’expérience. Deux acteurs donc, l’un plutôt en amont, l’autre en aval, dont les activités peuvent se recouper pour ce qui est de la prévention des risques.
On est en droit de s’interroger sur les raisons qui ont motivé la fusion de ces deux organismes.
Il est fréquemment reproché à l’IRSN de communiquer trop vite sur ses rapports dont il publie parfois les résultats avant même qu’ils aient été actés par le gouvernement. Bon, peut-être, mais cela justifie-t-il la disparition de cet institut dont la compétence et l’expertise sont reconnues dans le monde entier ? On entend également dire que cette fusion répondrait au besoin d’économies dans les dépenses de l’Etat. Est-ce bien sérieux ? N’y a-t-il pas d’autres gisements d’économies à envisager avant de nous priver d’un outil de sûreté nucléaire ? D’aucuns invoquent aussi la concurrence avec l’ASN pour certaines de leurs activités, notamment la prévention des accidents. Est-ce bien crédible ?
Dans un avion, la plupart des commandes de pilotage sont dotées de systèmes redondants afin d’optimiser la sécurité. Cela ne devrait plus exister pour la sécurité nucléaire ? De qui se moque-t-on ?
Les fautes graves commises par nos dirigeants au cours des quinze dernières années en matière d’énergie nucléaire démontrent que nos compétences ont migré depuis longtemps vers d’autres cieux
La redondance et la concurrence raisonnée et contrôlée entre deux organismes publics de sécurité nucléaire me semblent être un élément essentiel à la crédibilité de la sécurité globale de notre filière. Un gage d’efficacité. Cette volonté du gouvernement est difficile à comprendre. N’allons pas croire que ces décisions sont dictées par des sachants devant lesquels nous devrions nous incliner respectueusement.
Les hallucinantes fautes graves commises par nos dirigeants au cours des quinze dernières années en matière d’énergie nucléaire démontrent que nos compétences ont migré depuis longtemps vers d’autres cieux. Nos sachants ne savent plus. Les exemples sont légion.
Marine Le Pen et les députés du Rassemblement national ont voté contre ce projet de loi. Ils ont ainsi démontré leur clairvoyance et leur prudence dans un domaine dans lequel la majorité présidentielle et LR font preuve d’une inquiétante légèreté.