Ils nous avaient dit de ne pas y aller ; ils nous avaient adjuré de reculer ; ils nous avaient répété que jamais ça ne marcherait, et qu’il valait mieux aller bayer aux étoiles, rêver à l’absolue destinée de la droite seulement esthétique, celle qui les arrangeait bien pour ce qu’elle n’avait d’autres prétention que de répéter éternellement sa damnation d’ornementation culturelle à peine tolérée, et tolérée seulement parce qu’elle possédait un passé glorieux.
Ils nous proposaient d’aller voir ailleurs. Personne ne nous lirait. D’ailleurs plus personne ne savait lire, ou la place était occupée, ou encore la droite n’avait besoin de rien. Et il n’y avait plus d’arbres pour faire du papier.
Ils disaient qu’on était des alcooliques qui ne tiendraient pas deux numéros. Ils disaient qu’on était d’obscurs bobos qui ne savaient pas parler au peuple. Ils disaient qu’on était des marionistes, qui ne dureraient pas une minute pris parmi les vents contraires du souverainisme, de la respectabilité républicaine, du libéralisme, de l’identitarisme, du paganisme, du christianisme, du nationalisme-révolutionnaire, de l’ordolibéralisme, du légitimisme, du philippotisme, de l’orléanisme, du marinisme, du bonapartisme, et de toutes les autres cabines téléphoniques de l’antique droite.
Ils nous ont insultés, moqués, dénigrés. Menacés même, ou entamé des procès qu’ils savaient perdre.
Ils ont à leur tour lancé d’autres journaux, qui ont tenu deux semaines et dont le monde a oublié jusqu’au nom, parce que l’Ecclésiaste l’a dit : le chemin du méchant se perdra.
Nous qui n’étions rien sommes encore là. Et nous en sommes un peu fiers.
“Ils disaient qu’on était des alcooliques qui ne tiendraient pas deux numéros. Ils disaient qu’on était d’obscurs bobos qui ne savaient pas parler au peuple. Ils disaient qu’on était des marionistes.”
Pas que nous soyons indispensables, restons très calmes. Pas que le monde ait absolument besoin de nous. Mais que nous ayons créé, croyons-nous, avec vous, nos chers lecteurs, nos chers abonnés, une petite communauté de pensée, de goût, de politique qui est encore là pour longtemps.
Et aussi parce qu’autour de nous, et parallèlement, tant de choses ont pris corps, qui allaient changer le monde. Des choses publiques, des choses politiques, qui indiquent une voie neuve pour notre civilisation et son salut : le réveil des peuples d’Europe, et particulièrement sous leur forme nationale, des peuples qui ne veulent pas mourir, en témoignent les gouvernements qu’ils se sont donné de l’Europe centrale à l’Angleterre du Brexit, en passant par l’Italie. Mais aussi tous ces mouvements populaires qui du Cercle polaire à Gibraltar forment comme l’arc répété et bandé, plus de deux fois millénaire, de ce continent
Europe qui n’est pas même un continent mais une volonté
Aucun fleuve aucun mont ne l’arrache à l’Asie?
Ce n’est pas une géographie?
Mais une histoire
comme dit le poète Yves-Marie Adeline.
Cet immense espoir donc qui s’est levé, depuis un an nous avons tenté de l’accompagner, de le dire, de le chanter, de le comprendre, de l’accompagner. Oh, certes, les dangers sont nombreux, les récifs innombrables, et à chaque instant la barque risque à chavirer. Oh, certes, notre petite entreprise qui à côté de cents autres tente de retisser la tunique qui avait été déchirée est fort risquée, et rien n’est achevé. Mais c’est au contraire la joie de ce combat, que chaque matin qui se lève sur lui ait la nouveauté de ce qui est éternel. Comme les hommes d’armes, les hommes de plume combattent, et Dieu donne la victoire. C’est peut-être ce qui adviendra, car le vieux monde de la modernité chaotique est en train de chuter, ses fondations sont minées, ses murs rongés aux vers, enfin « ce monde a le feu dans ses soutes et il va bientôt sauter ».
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Le temps est donc venu, cher lecteur, cher abonné, de pousser l’arme plus loin dans la plaie. C’est à quoi nous vous invitons pour cette saison 2 de L’Incorrect. Encore plus d’enquêtes, encore plus de grands entretiens, encore plus de découvertes, encore plus d’analyses, encore plus d’insolence, encore plus de philosophie, de politique et de culture.
À nous regarder, ils s’habitueront. Et bon anniversaire.