
Culture


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Disons-le d’emblée : bien malin qui pourrait affirmer avoir tout aimé et tout compris dans ce cinéma qui s’étire sur soixante ans, plus qu’exigeant, parfois totalement expérimental. Académiquement, on distingue quatre Godard successifs : le premier, le plus connu, celui qui fit sa gloire et sa renommée, fut le porte-étendard de la Nouvelle Vague dans le bouillonnement de quoi il laissa au bord de la route le simplet et ennuyeusement bourgeois Truffaut, et égala les immenses Rivette et Rohmer. Ce qui fut peut-être le dernier grand coup d’éclat de la France dans le domaine des arts est encore enseigné dans toutes les écoles de cinéma du monde : quelques jeunes gens désargentés, munis des théories d’André Bazin, qui à l’aide des Cahiers du cinéma, d’une caméra au poing et d’un culot monstrueux, révolutionnèrent la manière de tourner, de jouer et de monter, bref le septième art. Mais comme toutes les révolutions, la Nouvelle vague se dévora elle-même, et le coup de maître que fut par exemple À bout de souffle, suivi de Pierrot le fou, paralysa pour longtemps le cinéma français, laissant croire que tout réalisateur était scénariste, que toute scène décalée devenait profonde, et que tout dialogue incompréhensible dépassait Platon.…

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On peut tout de même rappeler une chose à Libération : les récits légendaires et mythologiques sont, par définition, enracinés dans une terre et dépendants d’un socle ethnique. La mythologie créée par Tolkien dans Le Seigneur des Anneaux est certes un formidable syncrétisme mais elle puise essentiellement dans des récits folkloriques du nord de l’Europe : le monde germanique et le monde scandinave, pour ne pas les citer. Aujourd’hui, l’idéologie woke et l’occidentalisme impérialiste américain voudraient à tout prix nous faire oublier une chose, ce qui explique sans doute leur hystérie hybridiste récente : un peuple et ses mythes sont le fruit d’une très longue et très patiente décoction dans les athanors de l’histoire et d’une terre.
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La Terre du Milieu est précisément le fantasme romantique (et à ce titre la fantasy est un genre anglo-saxon et dix-neuvièmiste par essence) de ce substrat ethnico-légendaire nord-européen. Car la fantasy n’est pas, comme le dit Olivier Lamm, « née au XXè siècle dans la presse pulp et dans l’édition pour enfants ». En réalité, elle est apparue dès le milieu du XIXè siècle dans le sillage de la poésie romantique et de la réhabilitation du patrimoine culturel préchrétien. Vouloir y importer tout un fatras interracial post-moderne et donc non seulement contre-productif mais tout à fait artificiel. Cela ne répond – est-il besoin de le démontrer – qu’à une logique commerciale typique des grands studios hollywoodiens, pressés de s’amender de leurs « fautes » passées et de prendre le grand virage inclusiviste plus vite que les autres. En nous faisant croire au passage qu’ils ont changé – alors qu’ils sont les mêmes, en pire.
Rings of Power, la nouvelle série d’Amazon consacrée au pillage sans vergogne des appendices du Seigneur des Anneaux est d’ailleurs ridicule à plus d’un titre : à chaque fois qu’un figurant noir apparaît (ou mieux : un premier rôle), on sent le cadre qui se resserre, comme pour disqualifier d’avance tous les doutes et toutes les moqueries possibles. Outre qu’il est ridicule et vain de s’abaisser à une telle logique mercantile de quotas, ces acteurs « racisés » posent plusieurs problèmes réels. [...]

Nous parlions récemment de ces nouvelles pratiques de la prostitution « sans risque » qui attirent tout un tas de petites grues vénales et narcissiques : la domination à distance, le « caming » et autres pratiques nichées du sexe virtuel qui demandent un investissement corporel minimum – mais n’empêchent pas les âmes de ces pauvres filles d’être bruyamment concassées par le Néo-Capital. On ne pourra pas enlever à Emma Becker qu’au moins, elle est allée au charbon. En travaillant deux ans dans plusieurs bordels berlinois, elle est rentrée dans le vif du sujet. Bon, certes elle a préféré les confortables hôtels de passe de la capitale allemande au périphérique nord-parisien et à ses putes à crack édentées... On va dire que c’est une question d’esthétique – mais passons. Dans La Maison, paru en 2019, Becker poussait jusqu’au bout le gonzo-journalisme, par opportunisme, ambition et peut-être même par vice. Pourquoi pas, après tout. Le problème, comme souvent dans ce genre de procédé d’immersion, c’est qu’elle est devenue doublement pute : d’abord avec ses clients, mais ensuite avec son propre milieu d’adoption, qu’elle a quitté un beau matin pour rejoindre le VIè arrondissement parisien. Faire le tapin n’aurait été qu’un hobby particulièrement rentable – si l’on additionne les ventes de La Maison et à ses émoluments de femme à jouir.
Maman et putain
L’Inconduite sera donc le roman du retour à la vie parisienne et germanopratine. Retour à ses obsessions de petite fille riche : s’envoyer tout ce qui bouge pour tromper l’ennui, et si possible des vieux beaux plus ou moins célèbres, qu’on ne nommera pas dans le livre mais qu’on s’arrangera pour laisser fuiter dans l’exercice promotionnel qui suivra, histoire d’être sûr que tout le monde a compris : Emmanuel Carrère fera donc partie de ces illustres bâtons de vieillesse que la Becker aligne comme des trophées de veines pulsantes, de bonnes vieilles queues couronnées comme elle les aime depuis Monsieur, sa première autofiction confessatoire (c’est sans doute un des rares plaisirs qu’on peut trouver au livre : voir l’insupportable homme-soja des lettres françaises en prendre un peu pour son grade). [...]
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