« Un pays qui perd sa langue perd sa culture ; un pays qui perd sa culture perd son identité ; un pays qui perd son identité n’existe plus. C’est la plus grande catastrophe qui puisse lui arriver », écrivait Michel Serres dans Défense et illustration de la langue française aujourd’hui. Cette catastrophe n’est hélas pas un risque à écarter au regard des multiples renoncements qui ont été opérés par les gouvernements successifs depuis le 23 mars 2006. Ce jour-là, Jacques Chirac avait protesté au Parlement européen contre le discours en anglais d’Ernest-Antoine Seillière. À cette époque encore, le président de la République protégeait notre culture en défendant la langue française. Hélas, les décisions politiques qui ont suivi, depuis, portent toutes la responsabilité du déclin de notre langue en France et dans le monde.
Sont notamment coupables de ces renoncements Nicolas Sarkozy, François Hollande ou Jean-Louis Borloo qui ont méthodiquement fragilisé notre langue dans nos entreprises, nos écoles et nos institutions. Mais sont aussi responsables de ce déclin linguistique deux personnalités de premier plan pour la campagne présidentielle actuelle : Emmanuel Macron et Valérie Pécresse. Le premier, considérant que la culture française n’existe pas, a avalisé l’effacement progressif du français dans les ministères et est allé jusqu’à déclarer sans honte au Premier ministre du Québec que « parler anglais renforce la francophonie».
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Rappelons son soutien ardent à la candidature de Louise Mushikiwabo à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) alors que celle-ci est une femme politique rwandaise, venant d’un pays qui a tout fait ces dernières années pour s’éloigner de la francophonie. La seconde, lorsqu’elle était ministre chargée de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, expliquait le 25 février 2008 à Bruxelles que le français était une langue en déclin. Elle concluait son intervention en marge d’un Conseil des ministres sur cette sentence étrangement semblable aux propos d’Emmanuel Macron : « Notre culture rayonne d’autant mieux qu’on s’exprime dans la langue de l’autre ». Ces deux politiques professionnels portent une grande part de responsabilité dans la disparition de notre langue. Et ce sont bien ces renoncements qui nous ont conduits peu à peu au grand effacement de notre culture.
Aujourd’hui, la France doit faire face à la fois à un appauvrissement général de son vocabulaire, et à la menace d’un remplacement par des langues étrangères. Ces deux périls sont constamment présentés, l’un comme une « évolution naturelle », et l’autre comme un « enrichissement ». Pour commencer, il n’est pas complètement certain qu’une « évolution naturelle » de la langue soit toujours positive. En effet, depuis plus d’une décennie maintenant, notre langue ne fait plus l’objet d’une lutte active pour sa préservation, mais d’un laisser-faire coupable. Rappelons que la langue façonne la pensée. La subtilité de la langue française a permis lors des siècles précédents de façonner des idées dont la finesse et la pertinence ont fait la réputation de notre peuple pendant des siècles. À cet égard, l’écriture inclusive, les abréviations et le « franglais » ne font pas que fragiliser notre langue. Ils fragilisent notre pensée, la rendant perméable aux influences des langues et des idéologies étrangères. Ce qui nous est présenté comme une « évolution naturelle » de la langue française ne devrait-il pas plutôt être défini comme un déclin périlleux ?
La lutte pour la défense du français doit faire l’objet d’une lutte totale et constante de la part de chacun d’entre nous
Ensuite, le pseudo « enrichissement » du français par d’autres idiomes ne se déroule pas au cours d’un long processus de respect mutuel. Il est rapide, foudroyant. Il s’accélère à la mesure de nos renoncements expéditifs et de notre trop grande mansuétude à l’égard des influences étrangères. Il nous prive d’un grand trésor, privilège des peuples anciens qui ont résisté aux affres du temps, celui de s’exprimer dans un parler unique affiné par des milliers d’années de longue patience.
Doivent donc être combattues méthodiquement toutes les atteintes à notre langue : la disparition de notre langue au sein de nos institutions ; l’écriture inclusive qui s’introduit dans nos livres, sur les sujets de brevet des collèges, sur nos plaques de marbre commémoratives, et jusque sur les tweets du Conseil constitutionnel ; la réécriture de nos classiques littéraires et de nos pièces de théâtre par des idéologues qui prétendent « désacraliser Molière » ou l’actualiser ; les nouvelles cartes d’identité bilingues français-anglais lancées par le gouvernement le 2 août dernier… La lutte pour la défense du français doit faire l’objet d’une lutte totale et constante de la part de chacun d’entre nous. Elle doit aussi devenir un sujet de campagne présidentielle qui permettra de confondre les candidats qui ont participé depuis plusieurs années à son extinction progressive en France et dans le monde. Notre langue est un trésor. Défendons-la contre ses fossoyeurs !