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G. K. Chesterton : comment échapper à l’autodestruction de la raison

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Publié le

4 mai 2023

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Anticipant entre autres la folie transsexualiste, Chesterton avait prophétisé il y a un bon siècle que la culture occidentale du doute allait conduire au naufrage de la raison. Son antidote : la dogmatique chrétienne comme refuge de la Vérité.
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En 1905, G. K. Chesterton prophétisait : « La grande marche de destruction mentale va continuer. Tout sera nié. Tout deviendra objet de croyance. C’est une position raisonnable de nier l’existence des pierres dans la rue; ce sera un dogme religieux de l’affirmer. […] Des incendies seront allumés pour témoigner que deux et deux font quatre. Des épées seront tirées pour prouver que les feuilles sont vertes en été. […] Nous nous battrons pour des prodiges visibles comme s’ils étaient invisibles. Nous regarderons l’herbe impossible et les cieux avec un étrange courage. Nous serons de ceux qui ont vu et qui ont pourtant cru. » (Hérétiques)

À l’heure où il est devenu suspect de prendre un homme pour un homme et une femme pour une femme, la pensée du romancier, poète et essayiste anglais est d’une extrême actualité. Comme une vigie au regard perçant, le créateur de l’espiègle père Brown avait perçu que les philosophies modernes, à force de douter de tout, conduisaient le navire de la civilisation occidentale au naufrage de la raison elle-même. Si Chesterton avait eu son entrée dans le Dictionnaire des Idées reçues, un Flaubert intemporel y aurait écrit : « Toujours dire qu’il est paradoxal. » Mais cela n’aurait pas manqué de le chagriner, parce que si son style est drôle, son propos est fort sérieux, et nous ses descendants sommes les mieux placés pour l’apprécier.

Le danger qui l’inquiète et qu’il combattra toute sa vie, c’est que le scepticisme de la modernité, loin de libérer l’homme, ruine en fait sa raison

Car si on classe hâtivement Chesterton parmi les apologètes du christianisme, on ne perçoit pas souvent le sens exact de cet engagement. Chesterton défend Dieu comme Vérité, et jamais comme « objet de croyance superstitieuse ». Non seulement Chesterton est rationnel, mais il aime cette raison, et il fait confiance à ce Logos. Le danger qui l’inquiète et qu’il combattra toute sa vie, c’est que le scepticisme de la modernité, loin de libérer l’homme, ruine en fait sa raison, c’est-à-dire détruit sa capacité à trouver une quelconque « adéquation entre la chose et l’intellect », et par conséquent l’empêche d’agir. À l’heure où la déconstruction « woke » s’attaque même aux sciences dures, on appréciera la justesse de l’analyse de ce disciple de saint Thomas d’Aquin.

L’antidote à ce suicide de la raison, c’est un certain dogmatisme. Ce qui semble aux oreilles contemporaines le pire travers de la religion catholique est en fait la seule chose qui sauve la raison la plus pratique du pinaillage pusillanime. Orthodoxie, son œuvre la plus connue en France, renverse le propos des Lumières et montre que les dogmes, en tant que vérités objectives et universelles, tendent une main amicale à la raison, pour l’empêcher de suivre sa pente naturelle et de sombrer dans le doute infini. Orthodoxie, c’est la forteresse que Chesterton a bâtie pour protéger ses lecteurs contre les folies ordinaires, prévoyant même la lubie « transsexualiste » dans Le puits et les bas-fonds (1935) : « À la place du matérialiste qui disait que l’âme n’existait pas, nous aurons un nouveau type de mystique qui dira que le corps n’existe pas. »

Lire aussi : Edmund Burke : prophète de la dénaturation des droits de l’homme

Plus encore, parmi d’autres pépites qui mériteraient une plus grande publicité, l’auteur anglais critique par avance ces chrétiens qui, honteux de leur passé, donnent désormais la doctrine chrétienne pour un mécanisme d’évacuation de la violence, quitte à l’émasculer. En 1903, lors d’une polémique avec le laïcard Robert Blatchford, Chesterton avance: « Le militant athée dit que le christianisme a produit désordre et cruauté. Voilà qui prouve qu’il est mauvais, semble-t-il supposer. Mais cela pourrait prouver au contraire qu’il est très bon. Car les hommes commettent des crimes non seulement pour de mauvaises choses, mais bien plus souvent pour de bonnes choses. […] Si, quelle que soit l’époque, des masses d’hommes ordinaires et bienveillants deviennent cruelles, cela ne signifie certainement pas qu’ils se mettent au service de quelque chose de tyrannique en soi — car pourquoi le feraient-ils ? Cela signifie presque certainement que quelque chose qu’ils apprécient à juste titre est en péril, comme la nourriture de leurs enfants, la chasteté de leurs femmes ou l’indépendance de leur pays. »


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