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Guillaume Bigot et Ghislain Benhessa : « Les élections européennes sont du pur théâtre »

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Publié le

3 juin 2024

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Dans « On marche sur la tête ! », les essayistes Ghislain Benhessa et Guillaume Bigot dénoncent le tournant autoritaire et antidémocratique de l’Union européenne. Entretien croisé.
© L'Artilleur

Qu’est-ce qui vous a poussé à publier ce livre avant les élections européennes ?


Guillaume Bigot : Un chapitre est consacré aux programmes des partis politiques, de l’extrême gauche à l’extrême droite. On se rend compte que les offres proposées par tous les partis sont sans objet. C’est du pur théâtre. Pour être élus, les partis proposent de changer la donne à l’aide du Parlement européen et surtout ils proposent des mesures en faisant fi des traités et de la jurisprudence européenne. C’est le principe de « plaisir » qui ignore intégralement le principe de « réalité ». Cela nécessite à chaque fois un déverrouillage qui repose sur une révision des traités, donc à obtenir l’accord des 27 États membres et de la Commission européenne. C’est ce que Ghislain et moi appelons « le système des cadenas ».

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Tout est cadenassé de telle sorte que chacun ne peut disposer que d’un tout petit espace à l’intérieur du Parlement européen pour changer les choses. Notre but à travers ce livre était d’éclairer les électeurs sans donner de consigne de vote. Nous les aidons à démasquer les supercheries. Le Rassemblement national se dédiabolise à l’échelle nationale mais a tenté une alliance avec des gens plus radicaux, notamment le parti d’extrême droite allemand l’AFD. Puis, il y a Reconquête! qui dans un premier temps dénonce l’Union européenne mais, dans un second temps, tente de s’allier avec Giorgia Meloni qui souhaite approfondir la construction européenne. De son côté, François-Xavier Bellamy et les Républicains critiquent Von der Leyen et le PPE mais restent cependant membres de ce groupe. C’est un simulacre de démocratie.

Ghislain Benhessa : On glose depuis quelque temps sur la campagne, les propos, les promesses de chacun… Notre livre a pour vocation de montrer que cela n’est qu’un théâtre de l’ombre. Les élections européennes ne sont qu’une façon de faire croire en l’existence d’une démocratie parlementaire, alors que le pouvoir est ailleurs : il est à la Commission et aux mains des juges européens que personne ne connaît. Leur vocation profonde est de museler et d’interdire la souveraineté des peuples ainsi que la démocratie européenne. La portée, l’influence et la puissance des partis français font croire aux électeurs qu’il leur faut jouer le jeu pour influencer les politiques européennes. En réalité, l’Europe n’est pas un miracle démocratique. Faire croire comme les partis le font qu’ils pourront influer sur les dogmes européens, c’est aussi croire en l’existence d’une démocratie européenne or, il n’y a pas de peuple européen. C’est un jeu de dupes qui ne fait qu’augmenter la mainmise européenne. On fait croire aux Français que les élections sont un enjeu mais qu’elles sont le cache-misère d’un autoritarisme déguisé.

Vous critiquez fortement le rôle de l’UE dans les problèmes actuels de la France. Selon vous, quelles réformes sont nécessaires pour que l’UE soit perçue comme légitime par les Français ?

Guillaume Bigot : On mesure très mal à quel point le fait d’avoir changé la source de légitimité sans rien dire a dépossédé le pouvoir du peuple pour le donner aux juges européens. Cela annihile la démocratie et abîme toute source d’autorité. Comme disait Philippe Seguin : « Droite ou gauche, leur grossiste est le même : c’est Bruxelles. » Nous ne sommes plus en démocratie. Si vous êtes contre telle ou telle chose, on vous répond que vous êtes contre l’État de droit. Lors du vote de 2005, il y a eu une revivification de la politique en
France. Tout le monde s’est mis à s’intéresser à la politique et à participer à la vie démocratique. La vraie question, ce n’est pas comment relégitimer l’UE mais comment relégitimer le peuple français pour lui redonner confiance en lui, en la France, en leur État, en
leurs institutions. Il faut couper le cordon ombilical. Il y a actuellement une question d’autorité : au nom de quoi vous obéissez, au nom de quoi les profs, les policiers se font respecter ?

Nous ne sommes plus en démocratie. Si vous êtes contre telle ou telle chose, on vous répond que vous êtes contre l’État de droit.

Guillaume Bigot


Dans l’introduction de votre livre, vous mentionnez la crise des Gilets jaunes et les récentes manifestations contre la réforme des retraites. Pensez-vous que ces mouvements ont une influence sur les politiques publiques ?


Guillaume Bigot : L’influence des manifestations sur les politiques publiques est très claire. Il y a maintenant un soft power de la France périphérique. Le peuple qui souffre est maintenant présent dans le paysage mental des Français. Le peuple français est fortement en
colère contre l’UE mais il l’est encore plus vis-à-vis de son gouvernement.


Ghislain Benhessa : Pendant la crise agricole qui a contaminé l’Europe, le peuple hollandais s’est d’abord insurgé contre son propre gouvernement car ce dernier n’est devenu qu’un sbire de plus de Bruxelles. Le gouvernement a écouté au pied de la lettre Bruxelles.
Malheureusement, l’UE est une technocratie sans visage. Les juges sont inconnus des Français. Les Français tapent sur le gouvernement parce que derrière c’est un inconnu, un vide, un néant. Les gouvernements successifs sont devenus les laquets de l’Europe. C’est la défunte Marie-France Garaud qui le disait mieux que personne : « Il n’y a plus d‘institutions françaises car les députés, sénateurs sont tributaires des ordres d’en haut. »

Dans votre chapitre intitulé « LR : un bouclier, un ! », vous dites que Les Républicains sont dans un déni profond vis-à-vis du rôle de l’UE dans nos problèmes agricoles. Sont- ils trop utopistes ?


Guillaume Bigot : Les Républicains sont comme les autres partis : ils s’inscrivent dans une sorte de dogme religieux, de matrice. Chirac a renié le cœur du gaullisme en appelant à voter Maastricht. Sarkozy, quant à lui, a eu l’audace de jeter à la poubelle les résultats du
référendum pour refaire un traité qui reprend copier-coller celui rejeté en 2005, dans le dos des Français. Sur la question de l’agriculture, on arrive en bout de course : on chouine et on se plaint des effets dont on chérit les causes. Ils ont tout fait pour en arriver là, rien qu’en transférant tous les pouvoirs à l’UE. Ils pleurent sur le lait renversé de l’immigration, de la politique agricole commune, de la désindustrialisation… de tout en réalité.


Ghislain Benhessa : LR est dans une situation particulière, Sarkozy est encore le parrain de ce qu’il reste du parti. Les Républicains jouent à un jeu dangereux car le parti est encore parrainé par celui qui, en 2005 et 2007, a été l’un des architectes du grand dévouement via le traité de Lisbonne. Le parrain de la droite est celui qui a mis le dernier clou du cercueil. LR en 2024 joue à un jeu extrêmement compliqué. Ils sont supposés soutenir Von der Leyen. LR est bloqué entre deux lignes et ils essayent de faire croire aux Français qu’ils ont changé.

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Dans votre chapitre intitulé « Pas d’Europe sans la France », vous rappelez qu’un bon nombre de Français considèrent comme étant négative l’influence européenne sur les sujets les plus importants…


Ghislain Benhessa : Ce sondage demande l’avis des Français sur plusieurs sujets tels que la sécurité, le tourisme, la croissance, etc. Parmi cette douzaine d’items, seulement deux récoltent la faveur des Français sur les questions européennes : la paix et le tourisme. Pour le reste, les Français pensent que l’Europe n’a fait qu’aggraver les choses. Aujourd’hui, les Français disent que si le vote de Maastricht ou de la constitution est de nouveau sur la table, ils voteront à 60 % contre. Leur ras-le-bol est très clair, et la seule issue pour exprimer leur mécontentement est de rentrer dans le lard de cette Europe.

On marche sur la tête !
de Ghislain Benhessa et Guillaume Bigot, L’Artilleur, 132p. 12€

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