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Guillaume Lebeau : “La police pense que la France doit beaucoup à ce mouvement des Gilets jaunes”

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Publié le

1 février 2019

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Guillaume Lebeau est baqueu à Gennevilliers (92) . Président de l’association MPC, Mouvement des Policiers en Colère et auteur de Colère de flic (Flammarion . Il décrit la situation intenable des forces de l’ordre en France. Il répond à L’Incorrect sur l’actualité autour des Gilets jaunes.

 

Le Conseil d’État a refusé d’interdire le LBD-40. Quelle est votre réaction ?

Le soulagement. Si demain on n’a plus de flashball, j’ai peur des dommages qu’il y aura des deux côtés, et surtout dans nos rangs. Le LBD-40 permet de maintenir une certaine distance entre l’assaillant et les policiers, de manière à ce qu’il n’y ait pas de contact direct. Ceux qui lancent des projectiles le font à une dizaine de mètres. Sans LBD, il y aura beaucoup plus de projectiles sur nous, ainsi que des combats directs.

 

Lire aussi : L’éditorial de Jacques de Guillebon : Les sanglots jaunes des gilets de l’automne

 

Des comportements individuels irresponsables de policiers sont-ils responsables en partie de cette actualité autour du LBD-40 ? Concernant Jérôme Rodriguez par exemple, difficile de plaider l’erreur avec un viseur holographique à 10 mètres.

Certes. Mais honnêtement, il n’y a pas d’ordres ou de sous-entendus pour que les policiers tirent au visage. Un collègue qui tire sur le visage de quelqu’un pour le plaisir, je n’y crois pas. Concernant Rodriguez, à la base on partait sur une grenade de désencerclement.

 

Il y a un grand problème d’effectif dans les forces de l’ordre. Pour déployer autant de policiers, on a dû faire appel à des gens qui d’ordinaire ne font pas de maintien de l’ordre

 

Pourtant le LBD-40 a une portée d’environ 70 mètres. Puisque le projectile descend, comment est-il possible de toucher la tête en visant le torse ?

En fait le projectile suit une courbe. Il commence par monter, puis il descend. Il ne suit pas une trajectoire simplement descendante. Même si vous avez une aide à la visée, vous n’allez pas nécessairement toucher le point visé, en fonction de la distance. Ce n’est pas aussi précis qu’on pourrait le penser.

 

Si vous êtes si peu sûrs de l’impact, il faudrait peut-être s’abstenir de tirer ? Parce qu’avec autant d’yeux crevés, il finira par être interdit.

Je crois que ça dépend des situations. Quand vous recevez énormément de projectiles, difficile de ne pas répliquer. Après, depuis le début de l’année, il y a eu neuf mille flashball tirés, pour vingt yeux crevés. Ce sont vingt de trop, bien sûr, mais ça reste minime en proportion. On voit qu’il n’y a pas de volonté de blesser la tête, ça reste assez marginal.

 

 

Comment analysez-vous les tactiques comme la nasse mises en place face aux Gilets jaunes ?

On a affaire à des commissaires qui connaissent bien les manifestations, et qui sont capables de gérer ces mouvements de manière appropriée. Mais c’est une forme nouvelle de manifestation. La plupart du temps ce sont des attroupements, pas des manifestations. Quand il y a un rassemblement non déclaré qui crée des troubles, on n’est plus dans la manifestation. L’attroupement est devenu un délit dans le code pénal.

Ensuite on a comme instruction de disperser l’attroupement. Pour ce faire, on a tout un arsenal. Il y a des gens qui peuvent se faire bousculer, gazer, alors qu’ils pensent être dans leur bon droit. Mais ils ne manifestent pas, ils font partie d’un attroupement. Une fois la sommation faite par l’autorité qui est sur place, ils doivent partir. A Toulouse, l’ordre a été donné d’évacuer la place. On a mis des collègues pas formés à ces pratiques, et qui ont mis en oeuvre l’arsenal qui leur paraissait adéquat.

 

L’attroupement est devenu un délit dans le code pénal.

 

Des unités de la BAC ont été déployées pour faire du maintien de l’ordre, ce qui n’est pas leur domaine d’expertise. Est-ce une partie du problème ?

Effectivement. Je suis en BAC. Avec mon équipage, on n’a jamais été formé au maintien de l’ordre, c’est une certitude. Et ça doit être le cas pour une grande majorité des collègues de BAC déployés en manifestation. On en est là parce qu’il y a un grand problème d’effectif dans les forces de l’ordre. Pour déployer autant de policiers, on a dû faire appel à des gens qui d’ordinaire ne font pas de maintien de l’ordre. Et on vide un arrondissement parisien ou une ville de banlieue qui se retrouve sans BAC pour aller gérer les manifestations.

 

Des délinquants tentent-ils de profiter de cette absence ?

Honnêtement, non. Pas à ma connaissance.

 

Lire aussi : Charles Millon : “Ils ne supportent plus cette élite qui les traite de bouseux et de ploucs”

 

Où en est la relation entre la police et la justice ?

Vis à vis de la justice, le policier est très très méfiant. Il n’a pas confiance. Le sentiment qu’on a est celui d’un manque de fermeté vis-à-vis des personnes qu’on ramène au quotidien au commissariat, et une remise en cause permanente de la parole du policier. Tout ce qu’on peut dire, le juge ne le croit pas. Concernant un outrage, la justice croira moins le policier. Et les peines de prison ne sont jamais à la hauteur des attentes.

Depuis qu’on a retiré les peines plancher, la justice n’est plus ferme. Elle ne donne plus les peines de prison que tout le monde attend, la police comme les victimes. Ce n’est pas que la police, ce sont aussi les victimes que l’on reçoit qui le demandent. Les victimes on les croise dans la rue, on les écoute, on est à leur contact contrairement à la justice qui n’a pas de contact réel avec elles. Les gens nous disent dans la rue qu’ils ne comprennent pas pourquoi la personne qui les a agressés la veille est toujours dehors.

 

 

Vous qui avez vécu les émeutes de 2005, pouvez-vous comparer la façon dont les deux crises sont gérées par l’Intérieur ?

En 2005 ce n’était pas du maintien de l’ordre à proprement parler. Il y avait une poignée de jeunes dans les banlieues qui mettaient tout à feu et à sang, à l’intérieur de leurs quartiers. Par petits groupes, il saccageaient le mobilier urbain. Il  n’était pas possible de faire un grand dispositif comme sur les Champs-Élysées, comme c’était diffus partout en France. Ce n’est pas vraiment comparable. Cela dit, il n’y avait pas une grande volonté de laisser la police entrer dans les banlieues. On avait des instructions de ne pas rentrer, pour ne pas prendre le risque de mettre de l’huile sur le feu.

 

Les policiers voulaient-ils y rentrer ?

Quand on a ce genre d’instructions, on ne comprend pas. Surtout quand on a des jeunes qui dégradent, qui saccagent, qui brûlent des voitures et commettent des violences. Vous êtes policier, au bout de l’avenue, et on vous dit “ne rentrez pas !” C’est une grande frustration pour les policiers. On n’est pas comme les politiciens qui ont peur des dérapages à la Une des journaux. On veut juste rétablir l’ordre et on pense à ceux qui habitent dans les cités et qui veulent vivre en paix. Il y a quatre-vingt dix pour cent des habitants qui sont calmes, c’est malheureux.

 

 

Ces pratiques sont-elles destinées à trouver des gens à mettre devant les tribunaux pour l’exemple ? Le nouveau délit de dissimulation de visage peut sanctionner de 1 an de prison et 15000€ d’amende quelqu’un qui s’est protégé avec une écharpe.

Ce délit existait déjà dans le code pénal. Le problème c’est que les images prises dans l’Arc de triomphe des gens qui ont agressé nos collègues ne permettent pas de reconnaître les personnes. On ne peut pas tolérer les visages dissimulés dans les manifestations violentes.

 

Quel bilan tirez-vous des premiers mois de Christophe Castaner à l’intérieur ?

En tant que policier ayant déjà vu passer pas mal de ministres à l’Intérieur, je n’ai pas l’impression qu’il soit pire. Pour l’instant. Il y a des gens qui nous ont fait des promesses énormes, je pense en particulier à Sarkozy et Valls : il n’y a jamais eu d’actes concrets derrière. Au moins Castaner défend la police, ce qui est assez rare.

 

Ordres absurdes de la hiérarchie (contrôler des blancs lors de recherches de clandestins africains, ne pas intervenir en cité…), difficultés avec la justice et les politiques : que reste-t-il à la police comme espoir d’amélioration ? Mettez-vous une pièce sur les Gilets jaunes ?

Déjà, on dit que la France doit beaucoup à ce mouvement des Gilets jaunes. Sans parler des violences, c’est la France silencieuse qui s’est exprimée et a manifesté son ras-le-bol. Elle a réussi à attirer l’attention, et à susciter une écoute et une envie de bouger les lignes. Où ça ira, on ne le sait pas trop encore, mais on espère beaucoup être entendu aussi, et réussir à parler du malaise de la police. On est sur un ancien système qui pour nous est arrivé à bout de souffle. Il faut faire une révolution dans la police. Onze collègues se sont suicidés depuis le début de l’année. On ne tient plus quoi.

 

Retrouvez Guillaume Lebeau dans Les Incorrectibles, l’émission de Sud Radio en partenariat avec L’Incorrect. Dimanche 3 février à 13h.

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