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Emmanuel Macron a pris la très mauvaise habitude de tenir des discours assez baroques lors de ses déplacements à l’étranger. Pour le dix-septième sommet de la francophonie qui se tenait dernièrement à Erevan en Arménie, il a ainsi dit que la langue française n’appartenait à « aucun d’entre nous », parce qu’elle était la « propriété de tous ». Francophonie ou francofolie macronienne ?
Il y avait pourtant bien quelques vérités dans le discours frénétique et emphatique du monarque républicain. Car, qu’entend-on par francophonie ? D’abord, et avant tout peut-être de nos jours, un projet de rassemblement et de coopération des pays de « langue française », tant au niveau institutionnel, que de façon plus abstraite, au sein d’un espace mouvant de sensibilité culturelle française, excédant largement l’hexagone. La francophonie peut aussi désigner, plus concrètement, un espace politique, incarné par l’alliance diplomatique contractée par les membres de l’actuelle Organisation Internationale de la Francophonie. Oui, l’espace francophone est marqué par son hétérogénéité, comme l’a souligné Emmanuel Macron. Les francophones sont donc liés par l’usage de la langue française, mais ils appartiennent à des territoires, des cultures, des traditions et des civilisations, parfois fort différentes.
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N’en déplaise à Emmanuel Macron, la France est néanmoins toujours le cœur naturel de la francophonie, son épicentre. Bien évidemment, le monde contemporain connaît l’émergence, ou la réémergence, de grands ensembles puissants, capables de se sortir du giron américain (Inde, Chine, Russie, dans une moindre mesure, Brésil…). Dans ce contexte, la France a la chance de pouvoir être présente sur les cinq continents, tant grâce à ses départements et territoires d’Outre-Mer, que grâce au français dont le nombre de locuteurs est en augmentation (274 millions de pratiquants, 212 l’utilisant quotidiennement, 77 millions de locuteurs natifs, langue officielle de 29 pays). Des chiffres qui devraient d’ailleurs augmenter dans les années à venir. Reste pourtant que le cœur de la langue française est bien la France, quoi que puissent dire les globalistes à peine masqués qui nous gouvernent, toujours prompts à confondre notre pays avec une ONG humanitaire à portée universelle.
Le Président veut donc faire du français une langue évoluant au gré des mouvements de la société, sensible à l’air du temps, enjeu de luttes tribales et narcissiques.
La francophonie est, en effet, le produit du développement de la culture française à travers le monde. Et qu’est-ce, précisément, que la culture française ? La synthèse de l’Europe occidentale, héritière des civilisations romaines et grecques, comme des cultures celtiques et germaniques. Il y eut du reste, avant la francophonie contemporaine issue de la période coloniale, une proto-francophonie à l’échelle continentale. La France fut longtemps la première puissance culturelle et militaire en Europe. De fait, le français fut la langue diplomatique, la langue des monarques. Devenu roi de Suède, Bernadotte n’eut ainsi jamais besoin d’apprendre le suédois durant ses 12 années de règne. Songeons aussi à la fille de Franz-Ferdinand, Sophie de Hohenberg qui écrivit une lettre en français à la suite de l’assassinat de son père, car cette langue lui était la plus naturelle. Les anecdotes ne manquent pas. En outre, durant plusieurs siècles, la littérature française a pu prétendre à un privilège d’universalité que ne démentent pas les œuvres d’Apollinaire, de Pouchkine, de Cioran, ou plus récemment le prix Goncourt que reçut Jonathan Littell pour Les Bienveillantes.
De nos jours, l’espace francophone s’est étendu hors du pré-carré européen, où il a paradoxalement reculé, au profit de l’anglais ou même de l’allemand. Dans un monde globalisé dominé par les référents anglo-saxons, la francophonie peut évidemment constituer un atout important pour la France. Le français, langue de culture, comme le disait Senghor, nous donne un autre éclairage sur le monde contemporain. Pour cela, il faut redécouvrir la francophonie comme espace de sensibilité culturelle française, plutôt que comme strict partenariat institutionnel, souvent engoncé dans une logique économico-droit de l’hommiste stérile. C’est cette orientation coupable qu’Emmanuel Macron entend poursuivre, lorsqu’il déclare que « la francophonie doit être féministe » ou que « la francophonie doit être ce lieu du ressaisissement collectif contemporain (…) et un espace de valeurs ». Le Président veut donc faire du français une langue évoluant au gré des mouvements de la société, sensible à l’air du temps, enjeu de luttes tribales et narcissiques.
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Il ne dit d’ailleurs rien sur la politique de la francophonie des vingt dernières années, éminemment critiquable, ni même sur l’abjecte nomination de la ministre rwandaise Louise Mushikiwabo à la tête de l’OIF, en remplacement de l’excellente Michaëlla Jean. A chaque sommet de la francophonie, les mêmes rengaines satisfaites du ministère des affaires étrangères sont prononcées. Personne n’ose dire la vérité, ou personne ne veut l’admettre. Le français est en danger dans les institutions internationales, au sein de l’Union Européenne, mais aussi, et c’est le plus terrible, en France. Le français est en danger parce que l’Etat français ne se reconnaît plus dans notre histoire ; ses représentants sont des déracinés, presque des apatrides d’un nouveau genre. Ils sont tout autant chez eux à New York qu’à Paris, et l’anglo-américain technocratique est devenu leur première langue. Pensez donc que Dominique Strauss-Kahn, lors de son arrivée sur le réseau social twitter, publia ses deux premiers messages en anglo-américain. L’un d’entre eux disait : « Jack is back ». Cet exemple, au-delà de son caractère comique, est tristement révélateur. Nombreux sont les hommes politiques, de gauche et de droite confondus, à utiliser des mots anglais pour communiquer, foulant aux pieds la langue française dès que l’occasion leur en est donnée. La France devient bilingue, et se prive de la richesse de sa langue. Pourquoi ces gens ne parlent-ils plus réellement français ? Pour la simple raison que la France leur paraît trop étroite. Ils ne se ressentent pas comme des français, mais avant tout comme des « citoyens du monde ». Les hyper-nomades, ainsi que les définit Jacques Attali, ont pour terrain de jeu un monde sans frontières, et sans repères, dont les règles sont imprégnées de l’imaginaire culturel anglo-saxon. Emmanuel Macron est l’un d’entre eux, sinon leur VRP, ayant fait de la « start-up nation » son slogan.
La plupart des écoles de commerce s’appellent désormais « business schools », les professeurs y donnent leurs cours en anglo-américain. Idem pour les écoles de communication, les écoles d’ingénieurs, etc. Les dictionnaires Larousse comportent des mots appartenant au triste jargon dit « globish », des mots qui trahissent d’ailleurs la déculturation profonde de notre pays (selfie, community manager…). Sachez même que la défense nationale travaille exclusivement en anglais, ainsi que de nombreuses administrations, aux fins d’assurer une meilleure « coordination européenne ». En outre, des services, tels Pôle Emploi, ou les caisses d’allocations familiales, embauchent des traducteurs pour répondre aux administrés. Il n’est même plus obligatoire de parler français, ni même d’essayer, pour vivre en France et profiter de notre généreux système social ! La France, mère de la francophonie, pourra réunir des sommets prestigieux à grands frais ; si elle renonce à défendre le français sur son propre sol, toutes ces manifestations bruyantes ne serviront à rien.
Qu’attendent de la France les autres pays francophones ? Une défense offensive de la langue française, par son cœur : la nation France enracinée dans son histoire, assumant son identité millénaire, en somme une France française ! La crise de la francophonie trouve son explication dans la destruction de la France ; destruction par le haut, c’est-à-dire par les traités supranationaux qui nous empêchent de légiférer pour imposer l’usage du français dans toutes les institutions nationales (et ce en contradiction avec l’article 2 de notre constitution), et par le bas, c’est-à-dire par une immigration qui prend la tournure d’une invasion, entraînant à sa suite un déclin de l’apprentissage du français dans les écoles de la république, voire parfois la promotion pure et simple des « langues d’origine ». Nonobstant la défiance que suscite parfois aujourd’hui le nom de Dominique de Villepin, le discours du 14 février 2003 devant le Conseil de sécurité des Nations unies restera dans l’histoire. Il restera dans l’histoire pour son propos, que vous connaissez tous, mais aussi parce qu’il a été prononcé en français. La vieille langue d’un vieux peuple. Un symbole de non-alignement. Malheureusement, cela fut bref. Nicolas Sarkozy, puis François Hollande, ont purgé le vieil appareil diplomatique français de ses éléments les plus cultivés, pour les remplacer par de nouveaux éléments moins attachés à la permanence de la France dans le monde.
La dénaturation du langage crée de l’insécurité culturelle. Plusieurs lois récentes ont dénaturé notre langue, par souci d’égalitarisme. On peut penser à l’interdiction de l’usage du mot « mademoiselle » dans les administrations publiques, ou à la féminisation forcée du vocabulaire. Pourtant, la particularité historique du français est d’avoir été développé, et codifié, par des institutions d’intellectuels indépendants. La Pléiade d’abord. Ensuite, l’Académie Française depuis 1635. La nature académique du Français doit être préservée. Cela ne signifie d’ailleurs pas que notre langue est figée, mais bien plutôt qu’elle évolue sans se dénaturer. Joséphin Péladan le résuma en une phrase : « Être moderne, c’est avoir tout le passé présent à l’esprit »
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