
Mon principal domaine de recherche, ce sont les langues et littératures sémitiques anciennes. Dans le domaine des études islamiques, ma curiosité a été éveillée lorsque j’ai relevé des contradictions fondamentales entre d’une part le récit traditionnel de la conquête musulmane – l’irruption des Arabes du désert, culbutant tout sur leur passage – et ses preuves historiques prima facie, et ce que la recherche met à jour d’autre part : absence de dommages de conquête significatifs, absence de mentions à Muhammad ou à l’islam dans les inscriptions anciennes. Lire aussi : L’éditorial de Jacques de Guillebon : Face à face Et plus généralement, silence « religieux » du Hedjaz (*) au VIIe siècle, dans lequel on ne retrouve pas la production théologique qui aurait dû être la sienne selon le cadre historique posé par l’islam. C’est ainsi que je consacre désormais une grande partie de mes recherches aux origines de l’islam. [(*) : Hedjaz : région d’Arabie où se situent Médine et La Mecque, et dans laquelle le récit traditionnel place les origines de l’islam] C’est un domaine en plein bouillonnement, avec une quantité incroyable de découvertes. On peut y distinguer deux écoles : Lire aussi : Joseph et Hassan Fadelle, deux frères réconciliés par la Foi Oui, comme c’est le cas aussi pour d’autres disciplines philologiques scientifiques, l’islamologie est en train d’être transformée par les études critiques. L’école « traditionaliste » doit comprendre que : Tout ce que vous n'osiez pas dire. Tout ce que vous pensiez tout bas. Tout ce que vous soupçonniez. Tout y est. ?? Pour trouver un point de vente près de chez vous : https://t.co/VOtitXKtxD — L'Incorrect (@MagLincorrect) January 3, 2019
Évidemment, vu que les institutions et autorités du monde islamique sont prises en otage par des musulmans conservateurs, ce n’est pas à ce niveau que l’on discutera des thèses critiques. Mais celles-ci font cependant l’objet de débats très animés dans la société civile. Grâce à Internet et aux réseaux sociaux, les gens commencent à poser des questions critiques et ne dépendent plus exclusivement des religieux pour trouver les réponses. Je ne sais pas comment « l’islam » répondra vu que je m’attache toujours à distinguer les personnes musulmanes de l’islam comme doctrine. Et ce d’autant plus que, pour l’essentiel, les réactions islamiques officielles se résument au déni, à l’ignorance des résultats de la recherche scientifique pour continuer comme si de rien n’était. Pendant ce temps, les découvertes font leur chemin dans les esprits.
Les découvertes, théories et méthodologies nouvelles bousculent tout, à l’image des études de l’Ancien Testament de la seconde moitié du XIXe siècle.
Il faudra sans doute une longue période d’incubation pour en voir les résultats. Les recherches historico-critiques sur l’Ancien et le Nouveau Testament avaient libéré le judaïsme et le christianisme du dogme scripturaire. C’est ce qui finira par arriver pour les musulmans. L’étude critique de l’islam et de ses origines, ou de ses relations avec le terrorisme et la violence, est souvent assimilée au racisme, à tort. On est toujours soumis aux schémas idéologiques erronés d’Edward Saïd (professeur à l’Université de Columbia de nationalités palestinienne et américaine, fondateur des études « postcoloniales », et auteur du livre Orientalism – Pantheon Books, 1978, traduit en français sous le titre L’orientalisme, l’Orient créé par l’Occident, Le Seuil, 1980). Ces mêmes schémas que prône toujours après lui une certaine gauche pour laquelle les musulmans sont fondés à se venger perpétuellement de l’impérialisme occidental, et pour laquelle les recherches critiques s’apparentent au dépouillement des Arabes de leur histoire et de leur identité. Il en résulte des pressions certaines, parfois très brutales, sur les chercheurs. Il faut y ajouter celles qu’engendre le soutien des instances politiques occidentales à l’islam fondamentaliste : à la fois au plan international, mais aussi en laissant se développer en Europe toute une prédication musulmane extrémiste, laquelle est une cause directe du terrorisme. Lire aussi : L’islam, combien de divisions ? Quoi qu’il en soit, même s’il peut être difficile de poursuivre des recherches critiques à cause du politiquement correct, de ces pressions et de la domination persistante de l’école traditionnaliste dans les milieux universitaires, l’école critique gagne peu à peu du terrain. Les découvertes, théories et méthodologies nouvelles bousculent tout, à l’image des études de l’Ancien Testament de la seconde moitié du XIXe siècle. On peut encore les ignorer, comme le fait l’école traditionnaliste. Mais ses arguments fondent comme la neige au printemps, et de fait, c’est principalement son inertie qui lui permet de survivre encore. Une révolution est en cours, et d’ici vingt ans, je prévois que l’école critique sera devenue la norme.Robert Kerr, ancien officier de l’armée canadienne, a étudié les langues et littératures sémitiques à Vancouver, Tübingen et Leyde. Après avoir enseigné dans plusieurs universités au Canada, il est maintenant directeur de l’Institut Inârah à l’Université de la Sarre (Sarrebrück) – Institut pour la recherche sur l’histoire des origines de l’islam et du coran (www.inarah.de).
Professeur Robert Kerr, comment en êtes-vous venu à travailler sur les origines de l’islam ?
Que pensez-vous de l’état de la recherche sur les origines de l’islam ?
L’école « révisionniste » semble avoir déclenché une sorte de révolution dans les études sur l’islam. De quoi s’agit-il ?
En kiosque aujourd'hui. #Lincorrect
?? Pour l'acheter en ligne : https://t.co/nExsEbwBXC pic.twitter.com/NJrOoGk5XT
Quelles sont les réactions des musulmans à ces découvertes ? Comment l’islam peut-il répondre au défi posé par la recherche historico-critique ?
Et quelles sont les réactions en Occident ?