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Municipales hongroises : pas de vraie défaite, mais un avertissement à comprendre au plus vite

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14 octobre 2019

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Le (très relatif, mais réel) recul de la coalition gouvernementale FIDESZ-KDNP lors des municipales de dimanche dernier sera, bien entendu, interprété par lopposition hongroise comme un (début de) désaveu à l’échelle nationale de la politique de Viktor Orbán. Rien nest plus faux, mais attention.

 

Annihilée au cours de tous les scrutins suivant 2006, la gauche libérale hongroise, bien que totalement unie contre Orbán, et en dépit dun pacte assez exotique avec lancien parti dextrême-droite (et éternel parti dextrême-opportunisme) Jobbik, n’a, pour lessentiel « reconquis » que Budapest. Dans le reste du pays – à part quelques fiefs traditionnels des postsocialistes hongrois, comme Szeged elle reste très loin derrière les candidats gouvernementaux, plafonnant donc à un niveau qui ne lui permettrait jamais de revenir au gouvernement.

La baguette magique du dégagisme, tout en produisant quelques effets, a donc montré ses limites : jouant sur les clivages dune société profondément divisée, elle a été capable de stabiliser les positions de partis en cours de fossilisation sous forme dopposition professionnelle, mais pas de renverser la table. Pour revenir aux affaires, lopposition hongroise devra dabord se rendre à lévidence : face à un électorat assez intelligent (quelle sous-estime systématiquement), la haine du FIDESZ ne suffit pas à pallier à l’absence totale de projet politique.

 

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Ensuite, la coalition gouvernementale serait, elle aussi, bien inspirée d’en rabattre de son triomphalisme des dernières années, en tirant les leçons politiques et socio-culturelles de ce scrutin. Appartenant tous à la bourgeoisie et vivant pour la plupart à Budapest, les ténors de ladite coalition (notamment ceux issus du FIDESZ libéral des années 1990) ont en effet, au cours des trois dernières années, peu à peu remplacé le discours de résistance de 2010 par une stratégie quon peut résumer à deux axes principaux :

  • Tout miser sur la carte migratoire. Le refus de limmigration, sentiment qui rassemble dans la société hongroise une majorité d’opinion débordant de loin lassise électorale du FIDESZ, nest bien sûr pas un mauvais thème de campagne. Mais, dans un pays pour lequel les effets négatifs du « multiculturalisme » restent si on le compare, par exemple, à la France une menace lointaine, comme on pouvait le prévoir, ce thème finit par s’user.

  • Claironner les succès économiques du pays, au demeurant bien réels, et les présenter (souvent à raison) comme des succès de la coalition gouvernementale. Dans certains cas, cette rhétorique de la compétitivité technocratique (au diapason de celle d’un Babiš en Tchéquie) peut être payante (comme à Kecskemét, où les succès économiques de lusine Mercedes locale sont sûrement pour quelque-chose dans le triomphe électoral de la maire FIDESZ), mais cette médaille a aussi son revers, et notamment :

  • En rappelant que la Hongrie senrichit, comme cet enrichissement saccompagne (comme toujours) dun approfondissement des inégalités, on retourne le couteau dans une plaie qui, chez beaucoup de hongrois « perdants du boom », devient purulente ; à Budapest, le boom se traduit notamment par une flambée des prix locatifs, naturellement exploitée dans les campagnes dopposition, et qui na pu que desservir la candidature d’István Tarlós à sa réélection ;

  • Le boom économique, accompagné d’un boom touristique, débouche sur une internationalisation de Budapest, où la communauté des « expats » (massivement acquise à la rhétorique libertaire et pseudo-écologiste de lopposition) devient peu à peu un facteur électoral réel (d’où l’apparition de messages de campagne en anglais) ; ce facteur a, notamment, pu jouer dans l’élection de Péter Niedermüller à la mairie du VIIe arrondissement (le plus cosmopolite de Budapest) ;

  • À plus long terme, la croissance hongroise est fragile : laugmentation constante du nombre des actifs depuis 2010 se heurtera tôt ou tard au mur du vieillissement de la population ; touchant pour linstant des salaires en hausse du fait de l’assèchement de loffre sur le marché du travail, les ménages hongrois paieront alors le prix de leur malthusianisme (soit sous la forme dune fiscalité alourdie, soit sous celle dune augmentation de l’âge de départ en retraite) ; mais surtout, la structure exportatrice de l’économie de ce pays sans ressources naturelles (autres que leau et le tourisme) et sa dépendance en termes de capital lui laissent assez peu de chances de sortir indemne dune crise internationale majeure (comme celle dont Viktor Orbán a, justement, lui-même prédit l’imminence).

Bref : pour peu que disparaissent, à l’horizon de l’électorat, dune part la menace dune invasion migratoire qui tarde à se produire, dautre part la promesse dune prospérité qui pourrait entrer en déclin, privée de son bâton comme de sa carotte, la coalition gouvernementale risque de ne plus parvenir à mobiliser son électorat, tandis que lopposition mobilise dautant mieux les jeunes électeurs que beaucoup dentre eux sont désormais trop jeunes pour se souvenir des années de plomb 2002-2010, ou ne comprennent pas que le parti jeuniste Momentum quon leur vend actuellement nest quune réplique juvénile du DK de Ferenc Gyurcsány, principal organisateur desdites années de plomb. La coalition gouvernementale sexposera alors à des défaites en comparaison desquelles lavertissement de dimanche dernier – s’il nest pas analysé à temps passera pour une aimable plaisanterie.

 

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A long terme, le FIDESZ-KDNP ne peut donc pérenniser son pouvoir jusqu’à la fin de lactivité politique de Viktor Orbán (et surtout après !) qu’à condition de repasser de l’évolution à la révolution, en renouant avec le discours de résistance et de réforme nationales qui a fait les grandes heures de son arrivée au pouvoir en 2010.

En effet, si les résultats nationaux peuvent difficilement être décrits comme un désaveu de la politique de Viktor Orbán, les résultats budapestois, eux, sont une condamnation assez claire du modèle Tarlós (maire FIDESZ de Budapest depuis 2010, battu ce dimanche) : issu du parti libéral des années 1990 (le SZDSZ), cet édile très professionnel a certes « bien fait son travail », dans le style coutumier des capitales européennes, consistant à accompagner une gentrification quon se résigne à ne pas combattre, à se glorifier « en bon gestionnaire » d’une effervescence culturelle largement dominée (comme le fameux festival Sziget) par l’idéologie libérale-libertaire et à autoriser des gay prides quon désapprouve moralement en son for intérieur (le for intérieur nota benene vote pas).

 

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Or, ce style ressemblant en dépit de laffiliation tardive de Tarlós au FIDESZ – à s’y méprendre à celui de n’importe quelle municipalité centriste, il ne faut pas s’étonner de la tendance universelle des électorats à préférer loriginal à la copie (même quand loriginal dispose dun personnel apparemment moins efficace que celui de la copie mais lopposition hongroise, venant de loin, a beau mentir). Le risque de voir un tel scénario se répéter à l’échelle nationale dans trois ans nest pas énorme mais il n’est, à mon avis, pas nul non plus.

 

Ferenc Almassy

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