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Vers l’école carcérale

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Publié le

19 mai 2020

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On a beaucoup glosé au sujet des traumatismes psychologiques liés au confinement, notamment de ceux qui pourraient apparaître chez les enfants. Bien plus que le confinement, on peut – sans être psychologue – postuler que c’est plutôt la pandémie qui est susceptible d’atteindre le moral des familles, et plus particulièrement celui de leur jeune progéniture incapable d’évaluer par elle-même le mal qui menace.

 

 

 

Ainsi peut-on supposer que des parents sereins – ou sachant feindre la sérénité – engendrent des enfants sereins. Si à l’inverse, maman saisit son psautier en tremblant tandis que papa compose fébrilement le 15 à la moindre quinte de toux du petit dernier, on imagine l’angoisse du marmot sentant la mort rôder partout, jusque sous le chaume d’ordinaire apaisant du foyer.

 

Lire aussi : Philippe Vardon : « L’imam est responsable, soit directement, soit par négligence »

 

Ce que l’on n’avait guère prévu, et qui risque pourtant de frapper bien plus massivement les enfants – en particulier les élèves des écoles maternelles et élémentaires –, c’est le traumatisme du déconfinement. S’il est vrai que pendant les deux mois de mise en quarantaine du pays, la plupart des parents n’ont guère cédé à la panique et ont pu maintenir leurs rejetons dans un cadre sain, le ministère de l’Éducation nationale sombre quant à lui dans un délire quasi-millénariste.

Si la France a depuis longtemps renoncé au service militaire au nom du Progrès, transformer les écoles maternelles en casernes n’a pas l’air de poser problème à ses dirigeants.

Une nouvelle religion apparaît sous nos yeux : « Hygiénisme » est son nom, et Blanquer est son prophète. Son dogme se résume à une alternative aussi simple qu’effrayante : « l’orthopraxie sanitaire ou l’apocalypse pangoline ». Nous l’avons vu dès le 12 mai : si la France a depuis longtemps renoncé au service militaire au nom du Progrès, transformer les écoles maternelles en casernes n’a pas l’air de poser problème à ses dirigeants, pas davantage que bouleverser les repères et les règles de vie de jeunes cerveaux – dont le bon développement exige pourtant routine et stabilité.

 

La réouverture des écoles n’avait a priori rien d’incongru : il semble en effet acquis que les enfants sont peu susceptibles d’être contaminés par le covid-19, et que parmi la minorité d’entre eux qui contractent le virus, le nombre de cas graves est infinitésimal. Pourtant, depuis l’annonce du retour en classe, c’est un véritable déferlement de normes qui s’abat sur les établissements. Une directive de soixante-dix pages a été rédigée dans un temps record afin d’y établir de strictes règles sanitaires. On aimerait la faire apprendre par cœur aux mioches de petite section, mais ces nazes ne savent toujours pas lire – avec des boulets pareils, la « start-up nation » n’est pas pour demain !

 

On se contentera donc de parquer les mômes, de délimiter la place de chacun dans la cour de récré, de les surveiller attentivement, de les réprimander au moindre franchissement de leur lebensraum individuel. On tracera des périmètres partout, des périmètres et des flèches, histoire de gérer les flux comme sur la route, histoire de s’assurer que tout soit fluide, que personne ne se croise au risque de s’entrechoquer, au risque que la petite Kimberley ne se cogne contre le petit Brayan et son t-shirt plein de miasmes wuhanais ! Il faudra réguler le pas des troupes afin d’éviter les embouteillages, afin que personne ne stagne comme l’eau insalubre des paluds.

Surtout, on apprendra aux enfants le nouveau catéchisme : les « gestes barrières », la « distanciation sociale », et toutes les billevesées lexicales à la mode.

On mettra de la rubalise partout : sur le sol, sur les murs, sur les chaises et jusque dans les chiottes, jusqu’à ce que l’on ait condamné la moitié des infrastructures et interdit l’accès à la moitié du mobilier de chaque école. Surtout, on apprendra aux enfants le nouveau catéchisme : les « gestes barrières », la « distanciation sociale », et toutes les billevesées lexicales à la mode. On les gavera de cette novlangue incantatoire, barbante liturgie d’une religion étrange qui vise à séparer ses fidèles plutôt qu’à les réunir. La première religion antireligieuse, s’appuyant sur une religiosité dénaturée par la science et la technologie. La grande religion postmoderne, à laquelle les nutritionnistes et les instagrammeuses fitness nous avaient préparés : ce culte sanitaire dont les autels sont nos écrans, sur lesquels les clercs journalistiques proclament l’office en continu. Une religion exclusive, au nom de laquelle on cadenasse les églises – les rouvrir, ce serait apostasier.

 

Car la religion hygiéniste ne plaisante pas avec sa doctrine. Elle a ses totems, elle a sa trinité nouvelle – la Science, la Recherche et enfin le Vaccin, nouvelle incarnation, nouvel espoir messianique. Elle a surtout ses tabous. Ces derniers sont nombreux. Par un ironique hasard du calendrier parlementaire, c’est la veille du vote de la loi Avia contre la liberté d’expression que L’Obs a publié un article traitant de la régulation de la parole dans les classes.

Les professeurs devront ajouter à leur panoplie celle d’auxiliaires de police, en faisant notamment remonter à l’administration les propos des élèves qui oseraient remettre en cause la gravité de la pandémie. 

L’on y apprend qu’en plus de leurs casquettes de psychologues, de médiateurs socio-culturels et de chantres de la bonne parole républicaine, les professeurs devront ajouter à leur panoplie celle d’auxiliaires de police, en faisant notamment remonter à l’administration les propos des élèves qui oseraient remettre en cause la gravité de la pandémie, la gestion gouvernementale de la crise ou encore l’hystérie qui entoure les sacro-saints « gestes barrières ». Eux-mêmes reconvertis en inquisiteurs de la religion nouvelle, les proviseurs appelleront les parents et convoqueront les élèves, afin de rappeler à chacun les dogmes intemporels de la vraie foi. Les risibles pédagogistes n’ont rien dit, eux dont la voix porte pourtant si haut. Hélas ! pour cette engeance, le fascisme, c’est demander d’apprendre par cœur des tableaux de conjugaison, ou encore prétendre qu’un professeur doit transmettre des savoirs à ses élèves. Mais quand la propagande gouvernementale s’invite dans les préaux, la clique de Meirieu se tait – un bon chien ne mord pas la main qui le nourrit.

 

Lire aussi : Dr Raoult et Mr Médias 

 

Ainsi donc, après avoir limité le droit de prescrire des docteurs, entravé le droit de circuler des citoyens, préparé le traçage numérique de la population et organisé la mise en suspens du secret médical, les « premiers de cordée » du nouveau monde posent les fondations de l’école de demain. Dans cette « école de la bienveillance » – nom orwellien de l’école carcérale – M. Blanquer trônera au centre du panoptique, à la tête d’un million de garde-chiourmes stipendiés.

 

Notre démocratie libérale a décidément bien belle allure. Et si ça ne vous convient pas, « essayez la dictature, et vous verrez ! » (Jupiter, 23 janvier 2020).

 

 

Étienne Auderville

 

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