16h30. Les gouttes de pluie claquent sur le sol en bois et l’escalier d’aluminium menant à la Bibliothèque Nationale de France. Malgré le temps, une file de personnes s’étend à n’en plus finir. Elle attend patiemment pour visiter l’exposition « Tolkien : voyage en terre du milieu », ouverte le 22 octobre. « Madame, Monsieur, nous vous informons que nous ne pouvons plus accueillir de visiteurs pour l’exposition. » affirme une hôtesse désolée. Les derniers visiteurs autorisés patienteront encore 2h30 avant d’arpenter les 1 000 m² de l’exposition. Pour les autres, il faudra revenir demain. Nouveau jour, nouvelle tentative. 11H30. Les gouttes ne claquent plus, elles fracassent. Ce week-end de la Toussaint est particulièrement terne. Cette fois, aucune longue file. On passe directement à l’exposition, sans attendre. Quelques minutes plus tard, rebelote : la longue chenille s’étend à nouveau. Elle s’irise sous la pluie. « On est débordés ! » confie l’hôtesse en tendant un ticket, malgré tout satisfaite de l’affluence.
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Pour un dimanche matin, il y a de très nombreuses personnes qui s’amassent dès la première salle. La cause ? Un long texte donnant les clefs pour comprendre le monde de l’auteur. Une étape nécessaire, pas toujours efficace. Claire, une jeune néophyte venue découvrir Tolkien, le reconnaît : « Je n’ai pas bien saisi toute la partie sur l’histoire. Je n’ai aucun repère auquel m’accrocher. Par contre, la partie de l’exposition sur l’auteur est incroyable : l’homme est spectaculaire ! » Après cette salle studieuse, les visiteurs flânent. Errant de panneau en panneau, les têtes s’inclinent et se tordent pour essayer de pénétrer dans les terres du milieu en admirant un dessin, une carte ou les brouillons de l’écrivain anglais.
Deux ouvrages sont à l’honneur : Bilbo le Hobbit et la trilogie du Seigneur des Anneaux.Des enfants s’émerveillent devant des armures, des dagues ou des casques ayant servi d’inspiration au créateur des hobbits. Quelques fois une alarme résonne, signe qu’un visiteur trop curieux a approché son nez un peu trop près d’une œuvre. Un vigile empêche les personnes – notamment les touristes – de prendre des photos. L’exposition interpelle l’imaginaire des badauds. Un homme s’étonne de la pluralité des sources mythologiques : norvégiennes, danoise, les légendes arthuriennes… « Avec Tolkien, vous ne pouvez pas être dépaysé… Ici vous retrouvez des traces de mythes nordiques, là des inspirations venues de la mythologie grecque… Le plus impressionnant, c’est le combat entre le Bien et le mal qui me rappelle plus la vision catholique… En fait, il parle à notre inconscient européen. » explique Christine, une lectrice assidue.
La surface paraît immense, mais en réalité l’exposition est relativement exiguë. Les parois accueillant toiles et photos sont disposés en étoiles, créant ça et là des goulots d’étranglement. Le nombre de visiteurs empêche de s’arrêter vraiment devant un document, une vidéo ou une tapisserie.
La dernière partie de l’exposition est consacrée à l’homme. Ici, le regard des profanes s’égaye et la langue se délie. On quitte le monde irréel de la terre du milieu pour entrer dans l’intimité de l’auteur, sa foi catholique, sa famille et son travail. Les autres œuvres de Tolkien sont ici exposées. Une pièce importante de l’exposition : les lettres que ce père de famille de quatre enfants envoyait à sa progéniture pour Noël, et les contes qu’il inventait pour leur lire au pied du lit. C’est peut-être la raison de son succès : un homme qui ancre le rêve dans la réalité, en racontant des histoires merveilleuses à son public comme s’il s’adressait à ses propres enfants.