Le libéralisme n’est pas une doctrine économique, mais une pensée du droit et de la place de la personne dans la société. Cette réflexion juridique a des implications économiques et politiques, mais aussi dans l’ordre des nations et des relations internationales.
La version moderne du libéralisme apparaît dans ce XVIe siècle troublé par les guerres civiles et les rivalités religieuses. Des juristes français conduits par Jean Bodin réfléchissent à la place de l’homme, à sa liberté personnelle, à ses rapports avec l’État et à ses marges de manœuvre face aux groupes sociaux, politiques et religieux. La réflexion se poursuit en France au XVIIe et au XVIIIe siècle avec la question de l’absolutisme du pouvoir politique et de la liberté économique.
Dans cette révolution industrielle qui naît en France aux détours des années 1710, beaucoup réfléchissent aux conditions du développement matériel, à l’amélioration de la production agricole, à l’essor de l’industrie, au commerce et aux rapports entre les nations. C’est la naissance de l’école française d’économie politique, antérieure à l’école anglaise, et qui a perduré jusqu’aux années 1920. L’originalité de ces penseurs est qu’ils ne sont pas des purs esprits ou des philosophes maniant les idées du haut de leur chaire professorale, mais des praticiens, hommes de guerre, commerçants, industriels, agriculteurs, hommes politiques ; des hommes confrontés aux réalités du terrain qui ne cessent de faire des allers-retours entre cette réalité et leurs idées. Par leurs actions et par leurs pensées, ils essayent de trouver des solutions concrètes aux maux de leur temps.
C’est Vauban, bien connu pour ses fortifications militaires, qui s’oppose à la révocation de l’édit de Nantes et qui publie un traité sur l’impôt, La dîme royale, qui jette les fondements de ce que les économistes nomment aujourd’hui la flat tax. C’est Pierre de Boisguilbert, commerçant à Rouen et gérant ses terres de Pinterville, qui se lève contre les guerres incessantes de Louis XIV et la trop forte pression fiscale. Au XVIIIe siècle, on trouve notamment les noms de Vincent de Gournay, marchand de Saint-Malo, à qui l’on doit l’expression « Laissez faire les hommes, laissez passer les marchandises » et le plus célèbre Anne-Robert Turgot.
Au fur et à mesure de leurs écrits et de leurs pratiques, la pensée libérale se précise et se cristallise autour de piliers structurants : le respect du droit naturel, la liberté d’association, la défense de la propriété privée, la subsidiarité, la lutte contre l’arbitraire de l’État, la paix entre les nations, l’égalité civique. D’où leur combat pour que tous payent l’impôt, y compris la noblesse. D’où leurs combats aussi contre les octrois et les douanes intérieures qui provoquent l’accroissement des prix des grains et donc la disette des plus pauvres. Les libéraux sont convaincus que la suppression de la pauvreté ne passe pas par la redistribution, mais par la création de richesse et l’élévation générale du niveau de vie. Ce qu’ils appliquent dans les différentes activités économiques qu’ils ont eues à traiter.
Assumer la Révolution
Alors que les progressistes voient dans la Révolution française le début de l’histoire et les réactionnaires son terme, les libéraux considèrent celle-ci comme un moment, dont il faut éliminer le pire et garder le meilleur. Ils n’ont eu alors de cesse, tout au long du XIXe siècle, de défendre un régime modéré et pacifique, qui sache concilier la pluralité des opinions et les diverses écoles spirituelles et intellectuelles françaises. Comme au XVIe siècle, la France est toujours menacée par la guerre civile, et l’enjeu du pouvoir politique est d’arriver à faire vivre ensemble des hommes aux idées opposées.
Rejetant la violence de la loi et de la force, les libéraux se tournent vers la monarchie parlementaire permise par la charte. L’Angleterre apparaît à beaucoup comme un modèle, elle qui a réussi à faire une révolution pacifique et qui parvient à concilier le respect du roi et les luttes politiques au sein du Parlement. François Guizot, Victor de Broglie, Frédéric Bastiat, Alexis de Tocqueville, chacun à leur manière, assument les temps nouveaux en conservant ce qu’il faut et en modernisant ce qui doit. (...)
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